Jacques PRÉVERT, Grand Bal du printemps
Publié le 17/09/2011
Extrait du document
Exilé des vacances
dans sa zone perdue
il découvre la mer
que jamais il n'a vue
La caravane vers l'ouest
la caravane vers l'est et vers la Croix du Sud et vers l'Étoile du Nord
ont laissé là pour lui
de vieux wagons couverts de rêves et de poussière
Voyageur clandestin enfantin ébloui
il a poussé la porte du Palais des Mirages
et dans les décombres familiers de son paysage d'ombres inhospitalières
il poursuit en souriant son prodigieux voyage
et traverse en chantant un grand désert ardent
Algues du terrain vague
caressez-le doucement.
Jacques PRÉVERT, Grand Bal du printemps.
Vous expliquerez ce texte sous forme de commentaire composé. Vous pouvez montrer comment Prévert évoque à la fois la douceur et la puissance du rêve qui métamorphose la réalité. Mais vous pouvez aussi dégager, selon le plan de votre choix, les aspects de ce poème auxquels vous êtes le plus sensible.
«
forment la ceinture de misère des grandes villes.
Dans ce décor
sinistre , qui pourtant
lui appartient, où il règne, il n'a pour toute
compagnie , que des
" décombres familiers "• et de « vieux
wagons couverts (
...
) de poussière" que la société de consomma
tion a
mis là, au rebut.
Car cet enfant est une
victime de la société, dont il est exclu .
Tel un
paria, il n'a pas accès à cette évasion facile que procure le voyage .
Il est " exilé des vacances » - et le participe passé passif traduit
bien son statut de
victime.
Les autres, les vacanciers , partent en horde aux quatre coins du
monde ,
« croqués » par la plume acide de Prévert, dans l'image
de cette
« caravane » : « La caravane vers l'ouest 1 la caravane
vers l'est et vers
la Croix du Sud et vers l'Ëtoile du Nord ...
,.
La
répétition de la même construction souligne la généralisation du
phénomène des vacances , tandis qu'avec humour, Prévert note
la
soif d'inconnu et d'espaces lointains qui possède ces voyageurs :
l es vacanciers ne vont pas vers
le sud ou le midi , vers le nord, mais
« vers la Croix du Sud 1 et vers I'Ëtoile du Nord "·
Cette évasion que les vacances ne peuvent lui procurer, l' enfant va
la trouver dans l'imaginaire .
Et d'emblée, l'emploi du présent
affirme
le monde du rêve comme réel : « il découvre la mer "• « il
poursuit ( ...
) son prodigieux voyage 1 et traverse ( . ..
) un grand
désert ardent
».
Dans son vieux wagon désaffecté , l'enfant se
transforme en
« voyageur clandestin "· Le rêve métamorphose la
réalité qui l'entoure , et dans les • décombres familiers •, il voit,
comme par magie , un
« Palais des Mirages ,., un univers merveil
leux- dont il oublie qu'il n'est qu'illusion .
Les allitérations en [v]
et en [p 1 rendent plus sensible l'émerveillement de l'enfant qui
pénètre, comme sur
la pointe des pieds, dans un monde somp
tueux, aux richesses
illimitées : dans « de vieux wagons couverts
de rêves et de poussière
1 voyageur clandestin enfantin ébloui 1 il a
poussé
la porte du Palais des Mirages "·
Dans son voyage immobile, l'enfant « découvre la mer 1 que jamais
il n'a vue »; un pas de plus dans l'exotisme, et il traverse « un
grand désert ardent
» : le soleil, tout à coup , inonde le paysage
« d'ombres » qui est le sien.
La puissance du rêve est telle qu'oubliant le monde qui l'entoure,
l'enfant nous
offre un visage « ébloui "• • souriant ».
La traversée.
»
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