J.-M.G. LE CLEZIO: Elles sont belles, les fumées
Publié le 18/09/2011
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Elles sont belles, les fumées. Du haut d'une montagne, je vois les fumées qui s'élèvent au-dessus des plaines et des vallées. Elles montent dans l'air calme, pendant des heures, s'étalent, puis disparaissent à une certaine hauteur, sans qu'on puisse voir comment.
Elles forment des colonnes bien droites qui montent au-dessus des toits des maisons. Grises, légères, les fumées qui savent parler de choses douces et tranquilles, d'âtre, de repas en train de cuire, de sarments, de branches sèches qui crépitent, les fumées de la paix.
Elles disent des choses émouvantes, des choses humaines. Les montagnes sont dures et magnifiques, la mer est vaste, les fleuves sont pleins de puissance. Mais les petites fumées pâles témoignent simplement que ces lieux sont habités, qu'il y a ici des familles, des enfants, de la douceur.
En elles je vois apparaître d'étranges fantômes, des génies familiers, qui sont légers et vivants comme des cheveux, qui sont apaisants comme la cendre. Sans cesse les fumées s'évaporent vers le haut du ciel, comme si les dieux les respiraient. Quelle est cette terre ? Oui sont les hommes qui habitent ces lieux ? Ils ne cherchent pas à vaincre l'espace, ils ne cherchent pas à découvrir de nouveaux horizons. Attachées aux champs de vigne, aux champs de blettes et de pommes de terre, les maisons fument. Quelque chose de l'âme de l'homme s'échappe par les cheminées, avance verticalement vers la voûte du ciel, rejoint les nuages. Quelque chose est inachevé dans le paysage des hommes, qui s'échappe, qui fuit, qui distille son parfum de cuisine et de braises.
J.-M.G. LE CLEZIO.
Sans dissocier la forme et le fond, vous ferez de ce texte un commentaire composé.
Vous pourrez, par exemple, étudier les enrichissements que la méditation apporte à l'évocation d'une réalité simple et familière.

«
matérielle » (l'expression deviendra le titre d'un essai publié en
1967), et
il sent le monde entier dans chacune de ses manifesta
tions.
« Elles sont belles, les fumées..
.
» Partant de l'évocation d'une
réalité simple et
familière, Le Clézio va se laisser entraîner , au fil de
l'écriture, dans une méditation qui s'élargit en
vision.
On ne saurait parler, à propos de cette page, de description .
Le
paysage est
à peine ébauché : une montagne , d'où le narrateur a
vue sur les plaines et
les vallées environnantes ; des champs de
vigne, de blettes et de pommes de terre ; des maisons avec des
cheminées qui fument
Le Clézio ne nous donne aucune précision
de temps ou de lieu.
Ce passage est indéfini, intemporel , et il n'a de
sens que parce qu'il est un paysage type, révélateur d'une réalité
humble et quotidienne.
La simplicité même du style est en accord
avec
la réalité évoquée : une affirmation initiale , que précisent trois
phrases descriptives .
Cependant
le caractère abstrait de l'évocation
fait rapidement place à la méditation.
La situation même de l'observateur se prête à la contemplation.
« Du haut d'une montagne, je vois les fumées ...
» Le point de
départ de
la méditation est donc cette perception visuelle : du site
élevé qu'il occupe ,
le narrateur peut observer tout à loisir le
paysage qui l'entoure.
Et il s'absorbe en effet dans ce spectacle :
les fumées
« montent dans l'air calme, pendant des heures,
s 'étalent, puis disparaissent
à une certaine hauteur ...
"· Très vite,
pourtant,
le narrateur passe de la simple perception à la réflexion
morale .
A ses yeux , les fumées deviennent des
« signes •, et il les
personnifie : ce sont des fumées
« qui savent parler de choses
douces et tranquilles
" ; elles « disent des choses émouvantes ,.
;
elles
« témoignent " ·
Afin de préciser sa pensée , Le Clézio définit les fumées par une
série d'oppositions , en
les comparant à d'autres éléments -réels
ou imaginaires -du paysage : « Les montagnes sont dures et
magnifiques, la mer est vaste, les fleuves sont pleins de puis
sance .
,.
Les fumées, elles, renvoient à « des choses humaines "·
Elle sont le symbole de la paix domestique , de la douceur et de la
tranquillité du foyer.
n convient d'ailleurs de donner un double
sens au
mot« foyer" · C'est d'abord l'âtre, où l' on fait du feu et où
l'on prépare le repas : les fumées parlent « de repas en train de.
»
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