J. Lemaître a dit de Chateaubriand: « Il est l'inventeur d'une nouvelle forme d'être triste »
Publié le 17/02/2012
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Ce jugement de J. Lemaître rappelle invinciblement cet autre, plus connu, de Th. Gautier : « Il a inventé la mélancolie moderne. « Sous la variété des expressions, c'est la même idée qui se fait jour. D'autres, en d'autres termes, ont répété qu'un des mérites les plus originaux de Chateaubriand était d'avoir mis en honneur une certaine sorte de mélancolie, celle même qui envahit la génération post-napoléonienne. Mais il importe de définir ces mots « mélancolie moderne «, ou cette locution « nouvelle façon d'être triste «, car on renferme parfois dans le mot mélancolie des éléments disparates, voire incompatibles, en tout cas étrangers au sentiment que nous étudions....

«
religieuse morosite.
Grecs et Romains bornaient a cette vie tous leurs desirs.
La terre n'est pour le chretien qu'un lieu d'exil, une vallee de larmes; ses
esperances lointaines », la perspective des « joies celestes »
sont la
source « d'inepuisables reveries ».
- Ceci est peut-etre vrai du chretien tiede, qui espere plus qu'il ne croit (Lamartine); le chretien fervent est
joyeux parce que son esperance n'est pas vague et qu'elle est enracinee
dans une foi inebranlable.
Enfin, les persecutions de jadis, les invasions barbares, auraient depose
dans les Ames chretiennes un clegoot des choses de la vie, une teinte de
misanthropie que les siecles n'ont point effaces - ce qui est vraiment
remonter un peu haut; - et la Revolution d'hier - ce qui serait plus plau-
sible - a arrache au cloitre des 'Ames qui n'etaient point faites pour le
monde; elles eprouvent dans la vie seculiere des « passions sans objet
qui, en se consumant « dans un cceur solitaire », provoquent une « cou-
pable melancolie ».
Mais nul ne croira que Rene premier et tous les Relies an petit-pied ont eu la vocation religieuse...
Cette cause, si elle est vrai-
semblable, fut limitee, on le concoit, a un petit nombre d'ames.
Voici maintenant Rene, charms et tyrannise par cette melancolie.
Il
vient d'accompagner la depouille paternelle a sa derniere demeure.
A peine
la terre s'est-elle refermee sur le disparu, que l'eternite et l'oubli accablent
de leur poids le survivant.
Les hommes passent, indifferents, devant
cette tombe; sauf pour son fils et sa fille, le mort est comme s'il n'avait
jamais exists.
Une autre fois, Rene erre parmi les ruines; les hautes herbes
envahissent les tombes; il sent monter en lui la melancolie de la mort.
Il
verra bientot l'heritage ancestral envahi par les mousses, les ronces et les
chardons qui en disjoignent les pierres.
Et il eprouvera l'infinie tristesse
qu'inspire le neant de la vie humaine.
Celui de la gloire et des grandeurs provoque en lui semblable nausee.
U visite les lieux celebres ou s?epanouissent les plus brillantes civilisa-
tions.
Il s'assied sur les debris de Rome et de la Grece.
Les palais sont
ensevelis sous la pousslere; les mausolees envahis par une folle vegetation.
Voila done ce qui reste de ces puissances jadis redoutees! - Les villes
actuelles, les plus peuplees, les plus reputees, lui inspirent la meme Iris-
tesse.
A Londres, a peine trouve-t-il quelqu'un pour lui montrer le lieu oil
fut execute Charles I".
« Que sont devenus ces personnages qui firent tant
de bruit? Le temps a fait un pas, et la face de la terre a ete renouvelee.
» Les artistes, les pokes, les savants n'ont pu remplir le vide de son ame.
Qu'avais-je appris jusqu'alors avec tant de fatigue? Rien de certain parmi
les anciens; rien de beau parmi les modernes.
» Seule la sombre fleur
d'ennui peut s'epanouir sur ce sol desseche par la reverie sans but.
Tel
est le resultat le plus clair de ce jeu perpetuel de l'imagination dans une
vie desceuvree.
Ce n'est pas la contemplation du soleil levant au sommet
de l'Etna qui le gderira : « Un jeune hom:ne rdein de passions, assis sur
la bouche d'un volcan et pleurant sur les mortels...
», n'est-ce pas la un objet digne de pitie? (Defense de sourire!) Revenu dans sa patrie, it s'y sent isole plus que partout ailleurs.
Il se
lasse de < rapetisser sa vie pour la mettre au niveau de la societe » -
modestie! - Il se retire dans un faubourg, reve durant des heures dans
une eglise, envie ceux qui en sortent avec un visage plus serein.
Il pleure;
it voudrait mourir...
ou depouiller « le vieil homme », « retremper son ame
a la fontaine de vie ».
Simples velleites : il est « incapable de rien faire
de grand, de noble, de juste ».
Le soir venu, it regarde « les lumieres qui
brillent dans la demeure des hommes ».
Helas! « sous tant de toits habites »,
it n'a « pas un ami »! Fatigue de la monotonie des jours et de ses propres
idees, it resout d'achever « dans un exil champetre une carriere a peine
commencee et dans laquelle il a déjà &yore des siecles ».
II s'installe dans une chaumiere a la campagne.
Sa tristesse s'exaspere,
tourne en &lire; au lieu de saisir le « bien inconnu dont l'instinct le pour-
suit », it retombe lourdement sur lui-meme.
It s'egare, en automne, sur de
grandes bruyeres; it reve, it s'evade du reel, suit du regard les oiseaux
migrateurs, aborde avec eux sur des rivages ignores, appelle les orages
qui l'emporteront « dans les espaces d'une autre vie »...
« Enchants, tour-
mente...
possede par le demon de son cceur...
» it vent se suicider.
II ecrit
a sa sur qui accourt aussitot et le detourne de son funeste projet.
Elle
reste quelques mois avec lui pour le calmer, puis disparait tout a coup.
religieuse morosité. Grecs et Romains bornaient à cette vie tous leurs désirs.
La terre n'est pour le chrétien qu'un lieu d'exil, une vallée de larmes; ses
« espérances lointaines », la perspective des « joies célestes » sont la source « d'inépuisables rêveries ».
— Ceci est peut-être vrai du chrétien tiède, qui espère plus qu'il ne croit (Lamartine); le chrétien fervent est joyeux parce que son espérance n'est pas vague et qu'elle est enracinée une foi inébranlable.
Enfin, les persécutions de jadis, les invasions barbares, auraient déposé dans les âmes chrétiennes un dégoût des choses de la vie, une teinte de misanthropie que les siècles n'ont point effacés — ce qui est vraiment
remonter un peu haut; — et la Révolution d'hier — ce qui serait plus plau sible — a arraché au cloître des âmes qui n'étaient point faites pour le monde; elles éprouvent dans la vie séculière des «passions sans objet» qui, en se consumant « dans un cœur solitaire », provoquent une « cou
pable mélancolie ». Mais nul ne croira que René premier et tous les Renés au petit-pied ont eu la vocation religieuse... Cettè cause, si elle est vrai semblable, fut limitée, on le conçoit, à un petit nombre d'âmes.
Voici maintenant René, charmé et tyrannisé par cette mélancolie.
Il vient d'accompagner la dépouille paternelle à sa dernière demeure. A peine la terre s'est-elle refermée sur le disparu, que l'éternité et l'oubli accablent
de leur poids le survivant. Les nommes passent, indifférents, devant
cette tombe; sauf pour son fils et sa fille, le mort est comme s'il n'avait
jamais existé.
Une autre fois, René erre parmi les ruines; les hautes herbes
envahissent les tombes; il sent monter en lui la mélancolie de la mort. Il verra bientôt l'héritage ancestral envahi par les mousses, les ronces et les chardons qui en disjoignent les pierres. Et il éprouvera l'infinie tristesse qu'inspire le néant de la vie humaine.
Celui de la gloire et des grandeurs provoque en lui semblable nausée, Il visite les lieux célèbres où s'épanouissent les plus brillantes civilisa tions. Il s'assied sur les débris de Rome et de la Grèce.
Les palais sont
ensevelis sous la poussière; les mausolées envahis par une folle végétation.
Voilà donc ce qui reste de ces puissances jadis redoutées! — Les villes
actuelles, les plus peuplées, les plus réputées, lui inspirent la même tris tesse. A Londres, à peine trouve-t-il quelqu'un pour lui montrer le lieu où fut exécuté Charles I er. « Que sont devenus ces personnages qui firent tant de bruit? Le temps a fait un pas, et la face de la terre a été renouvelée.
»
Les artistes, les poètes, les savants n'ont pu remplir le vide de son âme.
« Qu'avais-je appris jusqu'alors avec tant de fatigue? Rien de certain parmi
les anciens; rien de beau parmi les modernes. » Seule la sombre fleur d'ennui peut s'épanouir sur ce sol desséché par la rêverie sans but.
Tel est le résultat le plus clair de ce jeu perpétuel de l'imagination dans une vie désœuvrée.
Ce n'est pas la contemplation du soleil levant au sommet
de l'Etna qui le guérira : « Un jeune homme plein de passions, assis sur la bouche d'un volcan et pleurant sur les mortels...», n'est-ce pas là un objet digne de pitié? (Défense de sourire!) • Revenu dans sa patrie, il s'y sent isolé plus que partout ailleurs. Il se lasse de « rapetisser sa vie pour la mettre au niveau de la société » — ô modestie! — Il se retire dans un faubourg, rêve durant des heures dans une église, envie ceux qui en sortent avec un visage plus serein. Il pleure; il voudrait mourir... ou dépouiller « le vieil homme », « retremper son âme
à la fontaine de vie». Simples velléités : il est «incapable de rien faire
de grand, de noble, de juste».
Le soir venu, il regarde «les lumières qui brillent dans la demeure des hommes ».
Hélas ! « sous tant de toits habités », il n'a « pas un ami » ! Fatigué de la monotonie des jours et de ses propres idées, il résout d'achever « dans un exil champêtre une carrière à peine commencée et dans laquelle il a déjà dévoré des siècles ».
Il s'installe dans une chaumière à la campagne. Sa tristesse s'exaspère, tourne en délire; au lieu de saisir le «bien inconnu dont l'instinct le pour suit», il retombe lourdement sur lui-même.
Il s'égare, en automne, sur de grandes bruyères; il rêve, il s'évade du réel, suit du regard les oiseaux migrateurs, aborde avec eux sur des rivages ignorés, appelle les orages qui l'emporteront « dans les espaces d'une autre vie»...
«Enchanté, tour menté...
possédé par le démon de son cœur...
» il veut se suicider. Il écrit
à sa sœur qui accourt aussitôt et le détourne de son funeste projet.
Elle
reste quelques mois avec lui pour le calmer, puis disparaît tout à coup..
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