J.-J. Rousseau, Citoyen du Pays des Chimères
Publié le 17/02/2012
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![rousseau rousseau](https://www.devoir-de-philosophie.com/img/portrait/rousseau.webp)
Le pays des chimères est, en ce monde, le seul digne d'être habité,, et tel est le néant des choses humaines que, hors de l'Etre existant par lui-même, il n'y a rien de beau que ce qui n'est pas.
Ces lignes de J.-J. Rousseau n'expliquent-elles pas, en partie, sa vie, son caractère, son oeuvre ?
La vie, le caractère, l'oeuvre de Jean-Jacques Rousseau restent inintelligibles si Ton ignore à quel point, homme et écrivain il fut tyrannisé par ces « puissances trompeuses « : la sensibilité et l'imagination. Développées à l'excès, elles allèrent jusqu'à la monstruosité, dans une âme qui jamais ne semble avoir joui d'un parfait équilibre. Chez cet éternel rêveur, ces deux facultés ne cessent de réagir l'une sur l'autre : quand il imagine, il éprouve des émotions intenses;
![rousseau rousseau](https://www.devoir-de-philosophie.com/img/portrait/rousseau.webp)
«
pres expressions).
Battu, il se console par la lecture gloutonne, furieuse
de tout ce qui tombe sous sa main.
Il lit a l'etabli, en commission, a la
garde-robe.
Resultat devient inquiet, taciturne, sauvage; la tete farcie
des- aventures de ses heros, it hait son entourage, et se persuade qu'il
est voile au malheur.
Il se promene et maraude; un soir it trouve les portes
de Geneve fermees.
II part, n'importe on.
II traine par le monde son imagination demesuree,
sasensibilite
« d'homme ecorche vif ».
Inutile de retracer tous ses avatars, de Wm' de
Warens a M.
de Girardin la cause de ses changements, de ses deboires,
reste la meme : l'impossibilite de plier les choses et les personnes a son rove changeant.
C'est son imagination qui le jette dans les bras du premier
venu rencontre sur la route, en qui il croit decouvrir un ami; un Bade,
un Venture, ou cet archimandrite escroc qui quote pour le retablissement
du Saint-Sepulcre.
C'est elle qui lui inspire des fugues subites et repetees,
qui l'improvise maitre de musique ou Anglais jacobite, qui, en passant
sous le pont du Gard, lui fait entendre la voix puissante des Romains,
ces grands batisseurs.
C'est elle qui inspirera au lamentable precepteur
des Mably de s'eriger en reformateur de la pedagogie.
L'experience et la reflexion » n'ont pas gueri cet imaginatif parvenu
a la celebrite.
'Entre en relation avec les gens de lettres, les « philoso-
phes », les encyclopedistes, les mondains et les mondaines les plus en vue, it commet impair sur impair, faute de savoir regler cette faculte trop
entreprenante.
Un jour, avec Grimm et Diderot, il projette un voyage en
Italie, le fusil sur l'epaule, et entrevoit déjà mille aventures comiques.
Bient8t tous deux seront ses plus feroces ennemis.
Apres son premier « Discours », it transforme son costume, repudie epee,
dorures, has Manes, montre meme, s'habille de gros drap et prend la
perruque ronde.
II pense etre devenu chef d'une secte, fondateur d'une
ecole; il excite seulement la curiosite.
Et, pour mieux jouer son role, pour
&after aussi les importuns, it multiplie les brusqueries, les impertinences,
it affecte un cynisme grossier.
En 1762, la condamnation de l'Emile augmente l'effervescence de son
imagination.
Il redoute le sort de Calas; au sortir de Dijon, il croit la
marechaussee a ses trousses, se voit pris, livre a la torture, hisse sur le
bficher.
Il n'avait den a craindre :le Parlement qui le condamnait le
protegeait en meme temps.
Angoisses purement imaginaires.
En arrivant
en Suisse, il saute du carrosse et, a l'ebahissement du postillon, baise
avec transport cette terre de justice et de liberte.
Mais Berne lui interdit « le feu et Feral ».
Alors il se refugie a Motiers-Travers, chez le roi de
Prusse.
En voila pour trois ans.
Il se promene maintenant en habit arme-
nien, bonnet fourre, dolman, cafetan, ceinture; it chante des romances
au clair de lune sur les bords de la Reuss, cherche des reduits sauvages,
se persuade avoir trouve un refuge ignore des hommes, y rove tout son
soul, repart...
et rencontre a quelques pas une maison habitee.
En 1765, apres la « lapidation de Travers », il pique une seconde crise
de folie - la premiere s'etait produite a la rupture avec Alm' d'Epinay,
Grimm et Diderot - il erre, et finit par accepter l'invitation de Hume.
En 1766 il est_ installe chez le philosophe anglais, a Wooton.
Les pam-
phlets de Voltaire - qui le harcele depuis 1755 - ont acheve de jeter le
desarroi dans son imagination.
En quelques semaines, Hume, « le meilleur
des hommes » en est devenu « le plus noir » il a attire Jean-Jacques en
Angleterre pour le livrer a la risee publique.
Voltaire s'etonne qu'on ne le
fasse pas interner.
Avant de quitter Douvres, it monte sur une butte et
harangue la foule.
C'en est fait; en depit d'accalmies, ces dix dernieres annees sont vouees
a la folie de la persecution.
De 1770 a 1778, il vit a Paris, rue Platriere ou
it occupe une seule piece, au quatrieme, avec sa Therese, son serin, ses fleurs et son papier it musique.
Il est la victime d'un vaste complot dont
Choiseul est l'ame.
Il publie des Dialogues qui temoignent clairement qu'il
a perdu la tramontane.
On le livre pieds_et poings lies a la merci de ses
ennemis, il est enterre vif parmi les vivalits.
On l'epie, on chuchote sur
son passage, il n'est qu'un pestifere.
Il vent porter sur l'autel de Notre-
Dame ces 500 pages d'elucubrations morbides; les grilles du choeur sont
fermees; saisi de vertige il court tout le jour et rentre le soir a son logis
hebete, extenue.
Enfin it s'en va mourir a Ermenonville, chez le Marquis
de Girardin, dans un cadre de nature.
près expressions).
Battu, il se console par la lecture gloutonne, furieuse
de tout ce qui tombe sous sa main. Il lit à l'établi, en commission, à la garde-robe. Résultat : il devient inmiiet, taciturne, sauvage; la tête farcie
des- aventures de ses héros, il hait son entourage, et se persuade qu'il
est voué au malheur. Il se promène et maraude; un soir il trouve les portes
de Genève fermées.
Il part, n'importe où.
Il traîne par le monde son imagination démesurée, sa sensibilité
« d'homme écorché vif ». Inutile de retracer tous ses avatars, de Mme de Warens à M.
de Girardin la cause de ses changements, de ses déboires, reste la même : l'impossibilité de plier les choses et les personnes à son
rêve changeant.
C'est son imagination qui le jette dans les bras du premier
venu rencontré sur la route, en qui il croit découvrir un ami; un Bâcle, un Venture, ou cet archimandrite escroc qui quête pour le rétablissement du Saint-Sépulcre. C'est elle qui lui inspire des fugues subites et répétées, qui l'improvise maître de musique ou Anglais jacobite, qui, en passant
sous le pont du Gard, lui fait entendre la voix puissante des Romains,
ces grands bâtisseurs. C'est elle qui inspirera au lamentable précepteur des Mably de s'ériger en réformateur de la pédagogie.
« L'expérience et la réflexion » n'ont pas guéri cet imaginatif parvenu à la célébrité.
Entré en relation avec les gens de lettres, les « philoso
phes », les encyclopédistes, les mondains et les mondaines les plus en vue, il commet impair sur impair, faute de savoir régler cette faculté trop
entreprenante. Un jour, avec Grimm et Diderot, il projette un voyage en Italie, le fusil sur l'épaule, et entrevoit déjà mille aventures comiques.
Bientôt tous deux seront ses plus féroces ennemis.
Après son premier «Discours», il transforme son costume, répudie épée, dorures, bas blancs, montre même, s'habille de gros drap et prend la perruque ronde. Il pense être devenu chef d'une secte, fondateur d'une école; il excite seulement la curiosité.
Et, pour mieux jouer son rôle, pour écarter aussi les importuns, il multiplie les brusqueries, les impertinences, il affecte un cynisme grossier, En 1762, la condamnation de Y Emile augmente l'effervescence de son imagination. Il redoute le sort de Calas; au sortir de Dijon, il croit la
maréchaussée à ses trousses, se voit pris, livré à la torture, hissé sur le
bûcher.
Il n'avait rien à craindre : le Parlement qui le condamnait le
protégeait en même temps.
Angoisses purement imaginaires. En arrivant
en Suisse, il saute du carrosse et, à l'ébahissement du postillon, baise
avec transport cette terre de justice et de liberté. Mais Berne lui interdit «le feu et l'eau». Alors il se réfugie à Motiers-Travers, chez le roi de Prusse. En voilà pour trois ans.
Il se promène maintenant en habit armé nien, bonnet fourré, dolman,,cafetan, ceinture; il chante des romances au clair de lune sur les bords de la Reuss, cherche des réduits sauvages,
se persuade avoir trouvé un refuge ignoré des hommes, y rêve tout son
soûl, repart... et rencontre à quelques pas une maison habitée.
En 1765, après la «lapidation de Travers», il pique une seconde crise
de folie — la première s'était produite à la rupture avec Mme d'Epinay, Grimm et Diderot — il erre, et finit par accepter l'invitation de Hume.
En 1766 il est installé chez le philosophe anglais, à Wooton. Les pam
phlets de Voltaire — qui le harcèle depuis 1755 — ont achevé de jeter le
désarroi dans son imagination. En quelques semaines, Hume, « le meilleur
des hommes » en est devenu « le plus noir » : il a attiré Jean-Jacques en Angleterre pour le livrer à la risée publique.
Voltaire s'étonne qu'on ne le fasse pas interner.
Avant de quitter Douvres, il monte sur une butte et harangue la foule.
C'en est fait; en dépit d'accalmies, ces dix dernières années sont vouées
à la folie de la persécution.
De 1770 à 1778, il vit à Paris, rue Plâtrière où il occupe une seule pièce, au quatrième, avec sa Thérèse, son serin, ses fleurs et son papier à musique. Il est la victime d'un vaste complot dont Choiseul est l'âme.
Il publie des Dialogues qui témoignent clairement qu'il a perdu la tramontane. On le livre pieds et poings liés à la merci de ses ennemis, il est enterré vif parmi les vivants. On l'épie, on chuchote sur son passage, il n'est qu'un pestiféré.
Il veut porter sur l'autel de Notre-
Dame ces 500 pages d'élucubrations morbides; les grilles du chœur sont fermées; saisi de vertige il court tout le jour et rentre le soir à son logis hébété, exténué. Enfin il s'en va mourir à Ermenonville, chez le Marquis
de Girardin, dans un.
cadre de nature..
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