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INSTITUTION LITTÉRAIRE (Histoire de la littérature)

Publié le 30/12/2018

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histoire

INSTITUTION LITTÉRAIRE. La notion d’institution littéraire, qui trouve son origine dans certains développements de la sociologie culturelle, est d’un usage récent et encore mal assuré. Pourquoi cette apparition tardive? Pourquoi ce retard théorique? On peut avancer plusieurs éléments d’explication. Tout d’abord, l’idéalisation dont s’est toujours entourée l'activité artistique, et qui lui confère un caractère à demi sacré, est peu propice au dévoilement d'une infrastructure. De l’Antiquité au romantisme, toute une tradition transforme en inspiration divine la part de convention et d'arbitraire, la part de métier et de calcul aussi qui entrent dans les pratiques de littérature. Une autre raison de cette émergence difficile est que le modèle institutionnel n’est pas propre à tous les états de la littérature et, par-delà, à toutes les formations sociales. En fait, il correspond surtout à une étape moderne et occidentale de l’histoire des lettres. Enfin, on ne peut ignorer que la littérature n’est pas tout à fait une institution comme les autres en ce que, prenant appui sur un appareil moins structuré et moins codifié que, par exemple, la justice ou l'école, elle ne présente pas la même netteté que celles-ci. En somme, elle forme une institution floue et comme inachevée, que le discours social a quelque raison de ne pas prendre en compte.

 

La sociologie emploie le terme d’institution dans une acception large et dans une acception plus restreinte. L’acception large veut que, dans toute société, les pratiques humaines soient l’objet d’une codification et d’une organisation qui les répartissent en domaines distincts au sein de l’ensemble qui forme la culture. De ce point de vue, il n’est guère de pratiques qui demeurent à l’état « sauvage » et qui échappent au procès d’institution. Les sociétés modernes, en tout cas, réduisent l’en deçà institutionnel à très peu de chose. L’acception restreinte, qui prévaudra ici, se fonde sur l’idée d’autonomie. L’institution commence là où des spécialistes (des professionnels) exercent un monopole sur un secteur d'activités, s’attribuent une légitimité reconnue par le corps social, assument leurs rôles au sein d’un appareil disposant d’une base matérielle. Ce sens plus précis ne prend toute sa valeur qu’en référence à une conjoncture historique particulière. Et c’est d'emblée un troisième niveau d’analyse qui se dessine de la sorte. Les Etats modernes dominés et gérés par la classe bourgeoise, tels que la France ou la Grande-Bretagne, organisent sous une forme stable et réglementée de grands corps spécialisés qui sont tout à la fois reliés au pouvoir et indépendants dans leur exercice — depuis la justice jusqu’à la médecine. Cette instauration de grandes sphères professionnelles s’opère à la faveur de différents processus sociaux : industrialisation et développement de l’économie de marché; division du travail et opposition des classes; expansion démographique et scolarisation. Dans une société visant à la productivité et au développement continu, vouée à gérer des rapports humains de plus en plus complexes, l'État tend à déléguer différents pouvoirs à des instances de spécialistes, en réservant à ces instances un monopole de droit ou de fait.

 

Pour la littérature, et spécialement pour les lettres françaises, le moment de la mutation institutionnelle correspond à la première moitié du xixc siècle et au romantisme. Jusqu’alors, les écrivains vivaient largement dans la dépendance de pouvoirs et de structures tels que l’Église, la monarchie, la Cour, les salons [voir Gratifications, Salons]. Pas d’activité autonome ni de statut professionnel lorsqu’on est tributaire d’une pension royale, du mécénat ou d’un système de clientèle. Certes, le xvne siècle voit s’organiser la carrière d’écrivain, en une première ébauche [voir Écrivain]. Ainsi que l’a montré Alain Viala dans une étude qui bouscule bien des idées reçues, l’homme de lettres à l’âge classique trouve déjà à se définir par des stratégies, des trajectoires nettement balisées, une recherche du succès et de la légitimation. Des instances apparaissent, comme la grande Académie, qui esquissent un statut d’auteur. Mais, parce qu’il est lié à un pouvoir — quand ce n’est pas à plusieurs —, ce statut demeure hybride, tout comme le système littéraire auquel il appartient. A l’inverse, l’indé pendance revendiquée ou obtenue par les écrivains et penseurs du siècle des Lumières, si elle crée les conditions d’une autonomie professionnelle, retarde l’avènement d’une corporation spécialisée : parce qu’il joue un rôle plénier dans la vie sociale, l’auteur du xvme siècle échappe à la spécialisation et au repli qu’elle entraîne [voir Philosophes].

 

Il faut donc attendre l’installation du régime politique bourgeois pour que la littérature devienne cette sphère autonome d’activité que l’on va décrire. Outre l’effet de la division du travail, le facteur décisif est ici la formation d’un marché des produits littéraires procurant de quoi vivre à un nombre important d'agents. C’est le développement de l’instruction qui, au lendemain de la Révolution, vient soutenir l’expansion de ce marché.

histoire

« pas la même neneté que celles-ci.

En somme, elle forme une institution floue et comme inachevée, que le discours social a quelque raison de ne pas prendre en compte.

La sociologie emploie le terme d'institution dans une acception large et dans une acception plus restreinte.

L'acception large veut que, dans toute société, les prati­ ques humaines soient l'objet d'une codification et d'une organisation qui les répartissent en domaines distincts au sein de l'ensemble qui forme la culture.

De ce point de vue, il n'est guère de pratiques qui demeurent à l'état « sauvage» et qui échappent au procès d'institution.

Les sociétés modernes, en tout cas, réduisent l'en deçà insti­ tutionnel à très peu de chose.

L'acception restreinte, qui prévaudra ici, se fonde sur l'idée d'autonomie.

L'institu­ tion commence là où des spécialistes (des profession­ nels) exercent un monopole sur un secteur d'activités, s'attribuent une légitimüé reconnue par le corps social, assument leurs rôles au sein d'un appareil disposant d'une base matérielle.

Ce sens pl us précis ne prend toute sa valeur qu'en référence à une conjoncture historique particulière.

Et c'est d'emblée un tro!sième niveau d'analyse qui se dessine de la sorte.

Les Etats modernes dominés et gérés par la classe bourgeoise, tels que la France ou la Grande-Bretagne, organisent sous une forme stable et réglementée de grands corps spécialisés qui sont tout à la fois reliés au pouvoir et indépendants dans leur exercice -depuis la juslice jusqu'à la méde­ cine.

Cette instauration de grandes sphères profession­ nelles s'opère à la faveur de différents processus sociaux : industrialisation et développement de l' écono­ mie de marché; division du travail et opposition des classes; expansion démographique et scolarisation.

Dans une société visant à la productivité et au développement continu, vouée à gérer des rapports humains de plus en pl us complexes, 1 'État tend à déléguer différents pou­ voirs à des instances de spécialistes, en réservant à ces instances un monopole de droit ou de fait.

Pour la littérature, et spécialement pour les lettres françaises, le moment de la mutation institutionnelle cor­ respond à la première moitié du XlXe siècle et au roman­ tisme.

Jusqu'alors, les écrivains vivaient largement dans la dépendance de pouvoirs et de structures tels que l'Église, la monarchie, la Cour, les salons [voir GRATIFI· CATIONS, SALONS].

Pas d'activité autonome ni de statut professionnel lorsqu'on est tributaire d'une pension royale, du mécénat ou d'un système de clientèle.

Certes, le xvu• siècle voit s'organiser la carrière d'écrivain, en une première ébauche [voir ÉCRIVAIN].

Ainsi que J'a montré Alain Viala dans une étude qui bouscule bien des idées reçues, l'homme de lettres à l'âge classique trouve déjà à se définir par des stratégies, des trajectoires nette­ ment balisées, une recherche du succès et de la légitima­ tion.

Des instances apparaissent, comme la grande Aca­ démie, qui esquissent un statut d'auteur.

Mais, parce qu'il est lié à un pouvoir- quand ce n'est pas à plu­ sieurs -, ce statut demeure hybride, tout comme le sys­ tème littéraire auquel il appartient.

A l'inverse, l'indé­ pendance revendiquée ou obtenue par les écrivains et penseurs du siècle des Lumières, si elle crée les condi­ tions d'une autonomie professionnelle, retarde l' a vène ­ ment d'une corporation spécialisée : parce qu'il joue un rôle plénier dans la vie sociale, 1' auteur du xvm• siècle échappe à la spécialisation et au repli qu'elle entraîne (voir PHILOSOPHES).

Il faut donc attendre l'installation du régime politique bourgeois pour que la littérature devienne cette sphère autonome d'activité que l'on va décrire.

Outre l'effet de la division du travail, le facteur décisif est ici la forma­ tion d'un marché des produits littéraires procurant de quoi vivre à un nombre important d'agents.

C'est le développement de l'instruction qui, au lendemain de la Révolution, vient soutenir l'expansion de ce marché.

Apparaissent des couches de population nouvellement acquises au savoir et qui demandent des objets de lecture.

En réponse, une sphère de production se constitue, qui va rapidement se diversifier et se structurer selon une opposition entre littérature de grande diffusion et littéra­ ture cultivée.

La grande presse, née à Paris vers 1840, est le tremplin de la première, qui s'exprime dans le feuilleton et dans le mélodrame.

Pour la seconde, elle va sc définir par le cercle d'initiés qui la pratiquent et par le credo esthétique qui lui tient lieu de loi.

C'est à partir de là que s'ouvre l'ère des cénacles ou écoles qui assu­ rent la reproduction de la littérature reconnue ou légi­ time.

Trois traits définissent cette production nouvelle.

Le premier est son repli sur elle-même, sa coupure - d'ailleurs relative -d'avec l'ensemble social: Je romantisme offre, à cet égard, le dernier grand exemple d'une poésie et d'un théâtre « populaires ».Le deuxième, corollaire du précédent, est l'aptitude nouvelle de cette littérature à se donner un code spécifique, une légitimité interne : à partir du Parnasse, chaque école élabore un programme conçu comme redéfinition de l'orthodoxie littéraire, comme justification de la littérature par elle­ même.

Le troisième trait veut que, par opposition à la littérature de grande diffusion soumise aux exigences du marché, la littérature reconnue recherche avant tout les gratifications symboliques- les gratifications économi­ ques n'étant obtenues que de surcroît.

Mais ce ne sont pas les écrivains et leurs groupes qui fondent le plus sûrement l'institution.

Dès les débuts apparaissent des instances spécifiques dont la fonction est de garantir l'autonomie, d'exercer une autorité et d'assurer la relation avec le public (petit ou grand).

Façade visible du système, ces instances sont la critique, les académies et l'enseignement littéraire-sans parler de la machine éditoriale.

Ces trois instances principales s'étagent sur le parcours que suivent les œuvres dans leur montée vers la notoriété et soumettent celles-ci aux épreuves successives de la reconnaissance, de la consé­ cration et de la conservation.

On sait que la critique moderne prend son essor avec Sainte-Beuve; elle remplit plusieurs rôles : contrôler la production par ses choix et ses sanctions; donner existence et notoriété aux auteurs qu'elle retient; entretenir la communication des auteurs avec le public, avec la sphère sociale.

La première acadé­ mie émanant du corps des écrivains, et les représentant de ce fait, est conçue et mise sur pied par les frères Goncourt à la fin du x1x• siècle.

Elle fut pensée comme une juridiction indépendante vouée à distinguer, par un jeu de prix et d'élections, la liuérarure novatrice.

Enfin, l'enseignement des lettres, qui se déploie à J'époque du positivisme et qui trouve l'un de ses points d'appui dans l'histoire littéraire selon Gustave Lanson, va remplir une double fonction.

Il rend classiques les novateurs d'hier ou d'avant-hier, et ses manuels, à la manière de musées, gèrent le patrimoine.

Il participe, pour les enfants de la classe bourgeoise, à une formation graduée dans laquelle les lettres font office d'instrument d'initiation, en confé­ rant aux élus la distinction, c'est-à-dire en leur assurant la maîtrise quasi exclusive des règles du goût et en consacrant par là leur classement dans l'ordre sociaL Cette part prise par l'école au dispositif d'ensemble rap­ pelle utilement que 1' autonomie des lettres demeure rela­ tive puisqu'il peut y avoir interférence entre les institu­ tions [voir ACADÉMIE FRANÇAISE, ACADÉMIE GONCOURT, ACADÉMIES DE PROVINCE, CRITIQUE, ENSEIGNEMENT DE LA LIT· TÉRATURE, PRIX LITTÉRAIRES).

Si le procès d'autonomisation que l'on vient d'esquis­ ser délimite des conditions de production, il a également des incidences sur la production même.

Ainsi les pre­ miers temps de l'institution voient se développer une philosophie de l'art qui est celle de la modernité.

Pendant que le mouvement parnassien, premier cénacle type,. »

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