Individu et communauté chez Malraux
Publié le 27/03/2015
Extrait du document
Malraux a été présenté tour à tour comme le défenseur d'un individualisme exacerbé et l'idéologue d'une vision communautaire de l'ordre social. C'est que son oeuvre est construite sur la tension paradoxale entre un héros solitaire et une aspiration à une communauté improbable.
«
E X P 0 S É S F C H E S
de vivre.
Déraciné, il est l'expression extrême d'une forme de nihilisme, d'une crise généralisée des valeurs.« Que faire d'une âme s'il n'y a ni Dieu ni Christ?»
se demande-t-il.
Incapable de s'arracher à ses propres obsessions, il est la forme
achevée de l'individualiste, coupé de toute communauté, condamné
à l'errance
meurtrière absurde.
Sa mort même, conçue comme un sacrifice, sera manquée
puisque, par hasard, Tchang Kaï-Chek qu'il projette d'assassiner n'est pas dans la
voiture sous laquelle il se précipite avec sa bombe.
IJlai-11 -l'HOMME DE LA COMMUNAUTÉ
Un nouvel humanisme à inventer
Avec La Condition humaine, la réflexion s'élargit.
Kyo, l'organisateur de la ré
sistance, ou Katow, découvrant la fraternité avec ses co-détenus aux portes de la
mort la plus affreuse, sont des figures de héros qui luttent pour la victoire de va
leurs collectives.
Leur combat est inséparable de la communauté qu'ils incarnent, à
la différence de Tchen qui perpétue dans le terrorisme l'image du solitaire enfermé
dans sa propre angoisse.
Ici se précise la différence entre
l'individualisme stérile,
condamné par Malraux, et une forme nouvelle d'humanisme qui puise son prin
cipe dans !'affirmation de valeurs collectives.
L'adhésion de Malraux aux idées révolutionnaires prend ici toute sa significa
tion : il y a vu la
forme provisoire ou imparfaite, mais prometteuse, d'une nou
velle idée de l'Homme.
Le dépassement de la solitude
Cette forme prend toute son ampleur dans L'Espoir, le roman où le véritable
héros est le peuple tout entier, comme en témoigne la scène célèbre des paysans
descendant, en cortège, les civières des aviateurs blessés au flanc de la montagne,
les personnages principaux se fondant avec les anonymes en une communion fra
ternelle.
On remarquera que le motif récurrent de cette communauté est constitué
par les mains qui se serrent : Souen, blessé, a laissé échapper le cyanure que lui
tendait Katow, mais alors qu'ils le cherchent
chacun de leur
côté,« les deux mains
restaient unies».
Dans L'Espoir, les mains d'un paysan et d'un ouvrier jointes de
vant le pare-brise
d'une voiture de réfugiés surchargée sont perçues par le médecin
qui les regarde, fasciné, comme« la part la plus profonde de lui-même( ...
) celle
qui reconnaît sous leurs expressions les plus dérisoires la maternité, l'enfance ou la
mort
».
Ici se brise le cercle de la solitude.
La communauté éphémère
La communauté est plus un moment de ferveur privilégié qu'une réalité effec
tive.
Elle s'accomplit en des
instants rares, qui sont souvent chez Malraux des
scènes de fraternité vécues dans des circonstances extrêmes.
Elle ne se réalise pas
dans la vie ordinaire, mais dans le paroxysme
d'une situation exceptionnelle.
Ces
moments
« forts », comme dit le langage courant, sont avant tout l'expression
d'une intensité émotionnelle.
Pour qu'ils soient possibles, une communion,
presque au sens religieux du terme, doit se produire :
c'est le moment révolution
naire.
Mais il ne dure pas : la communauté reste un horizon qui sert de guide, mais
que
l'on ne rejoint jamais, parce que sa réalisation concrète suppose trop de com
promis au nom de l'efficacité: inlassable thème de débat dans
L'Espoir.
LES ROMANS DE MALRAUX =1:TI].
»
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