Indiana, George Sand, extrait du livre III, ch. 21
Publié le 23/03/2015
Extrait du document
«
La forme théâ trale de cette sc ène permet aussi de d évaloriser le colonel qui en arrive avec ses jurons et ses
insultes
à ressembler par moments à un personnage de Moli ère : le vieux barbon qui temp ête et fait
beaucoup de bruit mais n'a en fait aucune autorit
é réelle sur sa femme et se voit ridiculis é.
II L'illustration du mariage traditionnel
Nous verrons comment sont
évoqu és et illustr és dans ce texte les statuts respectifs du mari et de la femme à
l'
époque de George Sand par le rapport de domination existant puis par la description d'un mari caricatural
persuad
é de son pouvoir.
La relation entre mari et femme est ici un rapport de domination, exprim
é en deux termes tr ès clairs :
«ma
ître», employ é par les deux protagonistes ou «esclave» et «seigneur» rappelant des syst èmes sociaux
abolis (l'esclavage et la f
éodalit é), que l'h éroïne emploie pour souligner l'injustice du statut des deux
membres du couple selon le Code Civil.
Indiana utilise aussi des mots tr
ès forts comme «empire» et
«domination».
Pour le colonel, ce statut est dict
é par une sorte de loi de la nature : c'est parce qu'il est
homme et porte la barbe que le mari a tout pouvoir sur sa femme. Mais Indiana lui r
étorque qu'il ne s'agit que
d'un fait de soci
été : «la loi de ce pays vous a fait mon m ître», «la soci été vous le confirme».
Le personnage du colonel appara
ît comme une v éritable caricature du mari born é et s ûr de sa domination ; il
n'a
évidemment aucun argument pour justifier son pouvoir et ne s'appuie que sur des sortes de clich és
confirmant la subordination f
éminine : «qui donc porte une jupe et doit filer une quenouille ?».
La femme,
dans la perspective du colonel, n'est bonne qu'aux t
âches domestiques, aux activit és frivoles comme la
lecture de romans puisqu'elle n'a aucune capacit
é intellectuelle : «la sotte et impertinente cr éature»,
«imb
écile», «d érangement de votre esprit», «il m éprisait ses id ées». La femme est mineure, d'o ù l'emploi de
diminutifs p
éjoratifs comme «femmelette» ou «vermisseau», c'est une simple «cr éature», «impertinente»
comme un enfant, ou m
ême un animal que l'on peut «dompter». Elle ne suscite chez son mari que de la piti é
condescendante de l'
être sup érieur envers un inf érieur trop faible : «vous abusez de la piti é qu'on a de vous»,
«j'ai piti
é du d érangement de votre esprit».
Le seul statut de la femme pour le colonel est la soumission et l'ob
éissance : elle n'a m ême pas droit à la
parole : «Taisezvous», son mari peut l'enfermer et la contraindre par la force. Le moindre refus de sa part
est consid
éré comme une «r évolte ouverte» qui doit être r éprim ée. Le colonel, confort é par la loi, pense donc
avoir tous les droits et tous les pouvoirs sur son
épouse, ce qu'Indiana va contester tant par ses paroles que
ses attitudes.
III La victoire d'Indiana
Indiana sort vainqueur de cette sc
ène ; c'est en effet un personnage plein de courage et de conviction qui va
permettre un retournement de situation par l'affirmation de sa libert
é int érieure et nous assisterons à la
d
éfaite d'un mari priv é de v éritable pouvoir et d épouill é de ses droits.
La premi
ère arme d'Indiana consiste dans son courage : elle ne montre aucune peur ni aucune faiblesse
devant son mari, ni devant ses insultes, ni devant l'agression physique. Le narrateur souligne sa ma
îtrise de
soi tout au long de la sc
ène par les didascalies «digne et froid comme elle», «sans changer de visage», «d'un
ton glacial», alors que son mari se laisse emporter par la col
ère ou la surprise au point de verdir ou de
chevroter : son recours
à la violence se r évèle une marque de faiblesse, dont il a luim ême conscience : «il
sentit qu'il avait tort, et il ne craignait rien tant au monde que de rougir de luim
ême».
Le courage est la marque de la d
étermination d'Indiana : elle a r éfléchi apr ès l' épreuve qu'elle a v écue
pendant la nuit et n'accepte plus d'
être sous la d épendance totale d'un homme, de faire d épendre de lui ses
choix de vie et de bonheur : elle veut clamer ouvertement son affirmation de sa libert
é morale, à défaut d' être
mat
érielle et physique.
Sa r ésolution s'exprime à travers la clart é de ses r éponses, sans demimesure et
sans concessions : «Non, monsieur», «j'y tiens fort peu», «je le crois», «je ne le veux plus». Elle rejette le
mod
èle de l' épouse soumise et affirme sa volont é face à son mari, en employant le verbe vouloir à quatre .
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- INDIANA de George Sand
- Montaigne - Explication de texte extrait livre III
- George Sand, la Mare au diable (extrait).
- George SAND - Indiana
- Lecture Analytique, Montaigne. Essais. Livre III chapitre IX : « l’art de voyager » (extrait).