Imaginez la réponse que Monsieur Prud’homme adresserait au poète. Ce texte aura la forme d'une lettre et respectera le registre que Paul Verlaine prête à ce personnage.
Publié le 29/08/2014
Extrait du document
«
~e sujet d'invention
vous répandiez en plaintes toutes féminines, que vous vous refusiez à voir la
beauté du monde comme il est, pour lui préférer les visions hallucinées de votre
esprit malade, passe encore
...
Il suffit de protéger nos proches de la lecture de
ces textes grossiers, vulgaires et insolents! Mais que vous vous attaquiez, en ma
personne, à la bourgeoisie toute entière, pilier de notre société et garante de
notre stabilité, c'est ce que je ne puis souffrir!
Vous vous en prenez d'abord à mon confort, à mon mode de vie, pour lequel
j'ai œuvré sans relâche et que je suis
si fier d'offrir à ma famille.
Je me gausse de
votre jalousie, de votre envie! J'ai en effet un superbe jardin : tout y est calme et
serein.
Rien ne vient y troubler mon repos.
Mes fleurs même ont appris la disci
pline
et poussent tout droit, sans ses disgracieuses oscillations que l'on voit par
fois
...
Nulle mauvaise herbe pour oser troubler ce superbe agencement! Ce
jardin, presque un parc, est le seul endroit où je peux savourer le silence de la
pensée.
C"est ainsi que je rêve la petite société de Réjoui-sur-Scène.
J'aimerais
que tout s'y développe
avec droiture et que tous les éléments perturbateurs
soient éradiqués sans complaisance! Alors nos esprits, que tourmentent encore
tant
de soucis, découvriraient une tranquillité bien méritée.
Si vous avez, comme
tous les poètes, une imagination débridée
et malsaine, vous vous reconnaissez
sans doute dans
le chiendent que j'arrache avec délectation.
Ce jardin est pour
vous
ce que vous ne serez jamais: l'ordre et la rigueur!
Loin de vous en tenir à ses premières inepties, vous vous moquez de mes
attentions pour
ma famille, en particulier pour ma fille.
Je plains vos proches, que
vous devez mépriser et contraindre
de vivre dans la misère ...
Ma fille a toutes les
satisfactions qu'une jeune fille
de son âge peut souhaiter.
Reconnaissant ma
sagesse, elle suit en tout mes conseils.
C'est ainsi qu'elle va épouser, Le mois pro
chain, l'honorable monsieur Machin, qui
est- vous l'ignorez évidemment puisque
vous osez vous
en prendre à lui! -le propriétaire de la grande filature de coton
installée
sur les bords de la Seine.
Cet homme, d'une grande richesse, je dois
l'avouer, saura
offrir à ma fille tout le confort dont elle peut rêver.
Il saura aussi
parfaire son éducation car il est d'une grande droiture.
Vous pouvez m'en croire:
je le connais depuis de longues années! Juste-milieu en effet, il a toujours su
faire campagne en ma faveur, me sachant un fervent ennemi du changement.
Que
pouvais-je espérer de mieux pour ma fille? Si vous avez des enfants, je vous en
conjure, oubliez vos folies et vos poèmes, et offrez-leur un avenir digne de ce
nom! Ne les sacrifiez pas pour quelques sonnets* ou autres bagatelles!
C'est pour que vous ou vos semblables ne veniez plus troubler l'ordre et l'har
monie de Réjoui-sur-Seine, c'est pour que vous perceviez que votre attitude est
indéfendable, c'est pour l'avenir
de vos enfants, qui, je le souhaite, rentreront
peut-être
un jour dans le rang et laveront votre nom de ses infamies, que je vous
ai adressé ces quelques mots.
Puissent-ils vous être utiles! Mes sentiments
envers vous m'interdisent
de vous adresser de quelconques salutations,
Monsieur
Prud'Homme.
»
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