"Il y a longtemps que les fables ne nous intéressent plus pour leur moralité. N'importe quel gamin vous le dira : le plaisir, c'est l'histoire, et peu importe la leçon !" Que pensez-vous de cette réflexion parue dans un journal à l'occasion du spectacle de l'acteur Fabrice Luchini consacré aux Fables de La Fontaine ?
Publié le 21/04/2012
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Depuis des siècles, d’Esope à La Fontaine en passant par Phèdre, la fable n’a cessé d’intéresser public et auteurs tant par l’histoire qu’elle narre que par la moralité sur laquelle elle débouche. Les fabulistes insistent d’ailleurs tout particulièrement sur la morale qui donne à la fable sa fonction didactique. Or, à l’occasion d’un spectacle de l’acteur Fabrice Luchini consacré aux Fables de la Fontaine, une réflexion parue dans un journal affirmait : « Il y a longtemps que les fables ne nous intéressent plus pour leur moralité. N’importe quel gamin vous le dira : le plaisir, c’est l’histoire, et peu importe la leçon ! «. Mais entre le rôle divertissant et didactique de la fable, l’histoire prime-t-elle désormais sur la morale ? Nous évoquerons ainsi dans un premier temps comment la fable peut divertir comme tout récit à travers son histoire puis nous montrerons ensuite l’intérêt la morale dans une fable mais surtout en quoi elle peut toujours demeurer d’actualité. A travers cette étude, nous prendrons comme exemple le fabuliste Jean de La Fontaine et nous nous intéresserons également au genre du conte philosophique.
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Dans la Préface Générale du recueil des Fables , La Fontaine définit sa fable comme « un apologue composé de deux parties, dont on peut appeler l’une le Corps, l’autre l’Âme ».
Ainsi, le récit constitue le corps de l’apologue,mais le fabuliste s’intéresse surtout à « l’Âme » qui s’exprime dans la moralité, c'est-à-dire dans la valeur éducativeet morale de la fable.
La morale représente en effet une conclusion incontournable de la fable.
De plus, le corps etl’âme étant indissociables et complémentaires, il en est de même pour le récit et la morale.
La morale a traversé lessiècles mais elle suscite encore l’intérêt du lecteur du XXI ème siècle : ces leçons de vie nous invitant à une conduite empreinte de prudence, de modération et de sagesse demeurent universelles.
Le récit est l’illustration de la moralité.
Dans la fable, il n’y a donc pas de récit sans morale ni de moralesans récit.
L’un va avec l’autre.
Raisonner à partir d’un cas concret, d’un exemple, est toujours plus simple que departir d’une vérité abstraite.
La Fontaine travaille donc beaucoup sur l’art du récit comme nous avons pu le voirprécédemment car si l’histoire plaît, on retient plus facilement la morale.
C’est ainsi que la fable nous montre despersonnages confrontés à des situations précises et à partir de là, le lecteur accède à une vérité générale.
Il en estde même pour le conte philosophique : pour démolir la philosophie optimiste, Voltaire fait subir au héros uneavalanche de malheurs dans Candide .
De plus, grâce aux personnages de son récit, l’auteur peut « manipuler » davantage le lecteur.
Il oriente son jugement on lui faisant éprouver de la sympathie ou de l’antipathie pour tel outel personnage représentant tel ou tel point de vue.
La moralité vient donc s’articuler au récit afin de faire réfléchirle lecteur malgré lui, car la moralité ne se situe pas seulement à la fin du texte, ou au début dans d’autres cas, elleest filée tout au long du récit.
Il arrive même parfois qu’elle ne soit pas énoncée clairement car elle est aisémentidentifiable dans le récit, c’est le cas d’une morale implicite.
On retrouve cette situation dans « Le Chêne et leroseau » ou encore dans « Le Savetier et le financier ».
On pourrait désormais se demander si à cause de leur ancienneté, les morales pourraient ne plus être comprises parun lecteur du XXI ème car il vrai que de nombreuses années se sont déroulées depuis l’écriture des fables et les temps ont radicalement changé depuis.
Cependant, lorsque l’ont étudie les textes de plus près, on peut tout d’abordremarquer que certaines fables ont une morale généraliste qui est en l’occurrence toujours valable à notre époque,comme par exemple dans « La Vieille et les deux servantes » dont la morale est la suivante : « C’est ainsi que le plussouvent, / Quand on pense sortir d’une mauvaise affaire, / On s’enfonce encor plus avant ».
Cette morale incitedonc à une conduite empreinte de prudence et de sagesse.
Pour d’autres morales plus ancrées dans la société dutemps de l’auteur, on peut tout de même discerner une certaine moralité pouvant encore être considéréeaujourd’hui.
C’est le cas de « La Cour du Lion » où l’on perçoit surtout une critique acide de la vie de la Cour du RoiLouis XIV : La Fontaine conseille le lecteur sur la manière dont on doit se comporter à la Cour.
Cependant ce conseilpeut aussi être pris en compte de nos jours, car le problème reste le même, si l’on veut se faire bien voir il ne fautêtre ni trop sincère, ni trop hypocrite, il vaut mieux jouer la carte de la ruse et de l’intelligence.
En donnant à sesmorales une portée universelle, La Fontaine prend en quelque sorte une longueur d’avance en permettant à seslecteurs des siècles plus tard de recevoir une leçon de vie pouvant toujours être prise en compte de nos jours.
Jusqu’au XVII ème siècle, la fable était un genre méprisé et réservé aux enfants.
Les hommes de cette époque n’avaient-ils sans doute pas encore assimilé la fonction didactique de la fable.
Avec l’arrivée de La Fontaine, la fableentre dans les salons avec un nouveau genre plus distrayant.
Mais La Fontaine n’oublie pas la fonction première dela fable : la moralité.
C’est en soignant l’écriture de son récit avec des jeux de rythme et quelques notes d’humourque La Fontaine arrive à faire passer la morale plus facilement.
L’histoire devient l’illustration de la morale.
De plus,l’universalité de ses morales permet de toujours susciter l’intérêt du lecteur du XXI ème profitant d’une leçon de prudence, de modération et de sagesse..
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