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«Il n'est pas déconseillé à un écrivain [...] de se sentir partie liée avec tous les hommes. » Claude Roy.

Publié le 26/02/2011

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   «Avoir partie liée avec tous les hommes«, écrit Claude Roy, c'est pour un écrivain, selon la formule d'un penseur, Th. Maulnier — qui est pourtant fort différent de notre critique, voir opposé —: «réfléchir [...] la société de son temps«. Or «qu'il le veuille ou qu'il s'y refuse, qu'il ait les yeux ouverts sur le dehors ou qu'il mène dans quelque retraite la vie la plus solitaire et la plus intérieure«, il la «réfléchira toujours«, insiste l'académicien. 

« plus un engagement qui, à force de vigueur, reste thèse ou tentative de prosélytisme, qu'un désengagement qui secroirait hors du tout, désincarné.

C'est donc une interdépendance des deux attitudes qui est à rechercher.

L'œuvred'art ne peut être totalement gratuite et pure ; car, même d'une technique parfaite, la forme devenant le but plusque le moyen du poème par exemple — ainsi Heredia et Les Trophées — peut-elle être coupée de ses racinesvitales, ne pas avoir, sous quelque forme «partie liée avec tous les hommes»? Non.

Même Heredia s'intéresse àl'homme ; sinon à son Moi (par impersonnalité parnassienne, réaction contre les excès romantiques), sinondirectement à ses contemporains du moins à l'humanité puisque Les Trophées sont une légende des siècles ensonnets.

De même Flaubert, qui clame : « l'artiste doit s'arranger de façon à faire croire à la postérité qu'il n'a pasvécu » et « le but de l'art c'est le beau avant tout», peint pourtant en Trois Contes, les trois étapes qu'il voit dansl'humanité : paganisme, christianisme et «muflisme».

Même observation à faire sur l'attitude inverse.

Pamphlets de Voltaire et Encyclopédie sont les reflets évidents de leur époque, mais non œuvres d'art, pas plus quele sonnet sur le théorème de Pythagore du parnassien Sully Prudhomme! Baudelaire qui pourtant, en ancienparnassien, cisèle la forme de ses poèmes en vers ou en prose jusqu'à la perfection, prend position contre Gautierdevenu théoricien du Parnasse.

«Il n'y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien, tout ce qui est utile estlaid», écrit Gautier dans la préface de Mlle de Maupin ; à quoi Baudelaire répond : « Le goût immodéré de la formepousse à des désordres monstrueux et inconnus» et «L'Art est-il utile? Oui» (Art romantique).

Donc l'art authentiquene recule devant aucun aspect du réel et prend toute sa force par des liens profonds qui l'attachent au monde, auxhommes.

C'est l'art qui va enrichir la pensée et grâce à la beauté qu'il lui confère, lui donne poids sur le public ; demême que l'artiste, si désincarné soit-il, ne peut ignorer l'essence même de l'art, qui est l'homme.

Ainsi Stendhal etBaudelaire se sont mis au service de l'homme dans et par leur art, car « la rumeur de la ville [...] bat [...] toujours»aux portes ou au cœur du chef-d'œuvre (Camus).

Le plus engagé — s'il est véritable écrivain, c'est-à-dire artiste —choisit la forme la plus expressive pour défendre et répandre ses opinions : des contes de Voltaire à la poésied'Éluard, du théâtre de Sartre au lyrisme d'Aragon. Conclusion Qu'il en soit l'écho direct ou qu'il la transcende, l'art est donc indissociable de la vie.

De même, qu'il ait voulu ou nonêtre engagé ou utile, l'écrivain portera inévitablement l'empreinte de la société humaine.

« L'artiste se forge danscet aller-retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communautéà laquelle il ne peut s'arracher», affirma Camus définissant ainsi sa doctrine qui est à la fois qu'un écrivain ne peutvivre sans son art et qu'il est profondément ancré dans la vie commune, celle des autres hommes.

C'est pourquoiCamus, écrivain engagé s'il en fut — résistant, rédacteur en chef du journal Combat, existentialiste — comme celuiqui le connut bien, Claude Roy (résistant, ancien communiste, signataire en faveur de toutes les causes), mettentdonc la beauté au service, non de partis précis mais de la douleur et de la liberté des hommes (Camus, Discours deSuède).. »

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