HUGO : Stella, Livre VI, 15
Publié le 23/03/2010
Extrait du document
Je m'étais endormi la nuit près de la grève.
Un vent frais m'éveilla, je sortis de mon rêve,
J'ouvris les yeux, je vis l'étoile du matin.
Elle resplendissait au fond du ciel lointain
Dans une blancheur molle, infinie et charmante. 5
Aquilon s'enfuyait emportant la tourmente.
L'astre éclatant changeait la nuée en duvet.
C'était une clarté qui pensait, qui vivait ;
Elle apaisait l'écueil où la vague déferle ;
On croyait voir une âme à travers une perle. 10
Il faisait nuit encore, l'ombre régnait en vain,
Le ciel s'illuminait d'un sourire divin.
La lueur argentait le haut du mât qui penche ;
Le navire était noir, mais la voile était blanche ;
Des goélands debout sur un escarpement, 15
Attentifs, contemplaient l'étoile gravement
Comme un oiseau céleste et fait d'une étincelle ;
L'océan, qui ressemble au peuple, allait vers elle,
Et, rugissant tout bas, la regardait briller,
Et semblait avoir peur de la faire envoler . 20
Un ineffable amour emplissait l'étendue.
L'herbe verte à mes pieds frissonnait éperdue,
Les oiseaux se parlaient dans les nids ; une fleur
Qui s'éveillait me dit : c'est l'étoile ma sœur .
.Et pendant qu'à longs plis l'ombre levait son voile, 25
J'entendis une voix qui venait de l'étoile
Et qui disait :- je suis l'astre qui vient d'abord.
Je suis celle qu'on croit dans la tombe et qui sort.
J'ai lui sur le Sinaï, j'ai lui sur le Taygète ;
Je suis le caillou d'or et de feu que Dieu jette, 30
Comme avec une fronde, au front noir de la nuit.
Je suis ce qui renaît quand un monde est détruit.
Ô nations ! je suis la poésie ardente.
J'ai brillé sur Moïse et j'ai brillé sur Dante.
Le lion océan est amoureux de moi. 35
J'arrive. Levez-vous, vertu, courage, foi !
Penseurs, esprits, montez sur la tour, sentinelles !
Paupières, ouvrez-vous, allumez-vous, prunelles,
Terre, émeus le sillon, vie, éveille le bruit,
Debout, vous qui dormez ! - car celui qui me suit, 40
C'est celui qui m'envoie en avant la première,
C'est l'ange Liberté, c'est le géant Lumière !
31 août. Jersey.
Plan de l'étude
Introduction - place du poème dans la pensée de V. Hugo visionnaire
- la solitude, une attitude du penseur, liée à des lieux, à des
moments choisis -
Finalité du poème
Énonciation : le "je" du récit - le "je" du discours, la voix - la
prosopopée de l'étoile et sa mission.
Le cadre - la nature - le moment - la vision allégorique
«
Penseurs, esprits, montez sur la tour, sentinelles !
Paupières, ouvrez-vous, allumez-vous, prunelles,
Terre, émeus le sillon, vie, éveille le bruit,
Debout, vous qui dormez ! - car celui qui me suit, 40
C'est celui qui m'envoie en avant la première,
C'est l'ange Liberté, c'est le géant Lumière !
31 août.
Jersey.
Plan de l'étude
Introduction - place du poème dans la pensée de V.
Hugo visionnaire
- la solitude, une attitude du penseur, liée à des lieux, à des
moments choisis -
Finalité du poème
Énonciation : le "je" du récit - le "je" du discours, la voix - la
prosopopée de l'étoile et sa mission.
Le cadre - la nature - le moment - la vision allégorique
Introduction
Une grande idée domine l'œuvre poétique de V.
Hugo, le rôle de
déchiffreur qu'il reconnaît au poète.
Cette idée le conduit à fuir
la société des hommes qui sont, par la rumeur des passions qui les
aveuglent, des obstacles qui freinent le penseur dans sa quête de
la lumière ; mais en même temps elle lui commande de s'engager dans
les luttes de son temps
"Dieu le veut, dans les temps contraires
Chacun travaille et chacun sert.
Malheur à qui dit à ses frères :
Je retourne dans le désert !"
De très nombreux poèmes des recueils Les Chants du crépuscule , Les
Voix intérieures , Les Rayons et les Ombres , Les Contemplations , les
Châtiments montrent le poète tiraillé entre ces deux pôles,
apparemment opposés, mais qui se réunissent au sein d'un ultime
message, l'amour, l'amour de l'homme pour Dieu et par là l'amour de
l'homme pour la création, c'est-à-dire la nature mais aussi les
hommes, même s'ils se sont détournés de Dieu par leurs crimes.
(Baudelaire, quelques années plus tard, partagera ce sentiment que
le poète est un exilé dans la foule ; cf.
l'Albatros,
Recueillement)..
»
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