Honoré de Balzac, La Maison Nucingen
Publié le 22/05/2010
Extrait du document
Dès son début à paris, Rastignac fut conduit à mépriser la société tout entière. Dès 1820, il pensait, comme le baron, qu'il n'y a que des apparences d'honnête homme, et il regardait le monde comme la réunion de toutes les corruptions, de toutes les friponneries. S'il admettait des exceptions, il condamnait la masse : il ne croyait à aucune vertu, mais à des circonstances où l'homme est vertueux. Cette science fut l'affaire d'un moment ; elle fut acquise au sommet du Père-Lachaise i, le jour où il conduisait un pauvre honnête homme, le père de sa Delphine, mort la dupe de notre société, des sentiments les plus vrais et abandonné par ses filles et par ses gendres. Il résolut de jouer tout ce monde, et de s'y tenir en grand costume de vertu, de probitéii, de belles manières. L'Egoïsme arma de pied en cape ce jeune noble. Quand le gars trouve Nucingen revêtu de la même armure, il l'estima comme au Moyen-Age, dans un tournoi, un chevalier damasquiné iii de la tête aux pieds, monté sur un barbeiv, eût estimé son adversaire houzév, monté comme lui. Mais il s'amollit pendant quelque temps dans les délices de Capoue. L'amitié d'une femme comme la baronne de Nucingen est de nature à faire abjurer vi tout égoïsme. Après avoir été trompée une première fois dans ses affections en rencontrant une mécanique de Birmingham vii, comme était feu de Marsay viii, Delphine dut éprouver, pour un homme jeune et plein des religions de province, un attachement sans bornes. Cette tendresse a réagi sur Rastignac. Quand Nucingen eut passé à l'ami de sa femme le harnais que tout exploitant met à son exploité, ce qui arriva précisément au moment où il méditait sa troisième liquidation, il lui confia sa position, en lui montrant comme une obligation de son intimité, comme une réparation, le rôle de compère à prendre et à jouer. Le baron jugea dangereux d'initier son collaborateur conjugal à son plan. Rastignac crut à un malheur, et le baron lui laissa croire qu'il sauvait la boutique. Mais quand un écheveau a tant de fils, il s'y ait des noeuds. Rastignac trembla pour la fortune de Delphine : il stipula l'indépendance l'indépendance de la baronne, en exigeant une séparation de biens, en se jurant à lui-même de solder son compte avec elle en lui triplant sa fortune. Comme Eugène ne parlait pas de lui-même, Nucingen le supplia d'accepter, en cas de réussite complète, vingt-cinq actions de mille francs chacune dans les mines de plomb argentifère, que Rastignac prit pour ne pas l'offenser ! Nucingen avait seriné Rastignac la veille de la soirée où notre ami disait à Malvina de se marier. A l'aspect des cent familles heureuses qui allaient et venaient dans Paris, tranquilles dans leur fortune, les Godefroid de Beaudenord, les d'Aldrigger, les d'Aiglemont, etc., il prit à Rastignac un frisson comme à un jeune général qui pour la première fois contemple une armée avant la bataille
Cet extrait de La Maison Nucingen de Balzac se situe dans un cabaret parisien ; un homme surprend la conversation de quatre journalistes dont Bixiou, devenu, selon le narrateur, un « misanthrope bouffon «. Ce dernier relate l’étonnante réussite de Rastignac, amant de Delphine de Nucingen, femme du banquier du même nom, depuis 1819 dans le roman Le Père Goriot.
En 1833, date à laquelle commence La Maison Nucingen, Rastignac rompt avec Delphine, mais continue de travailler avec son mari dans des affaires frauduleuses, où il gagne beaucoup d’argent.
Ce roman permet à Balzac d’exposer un traité de technique financière : pour l’auteur toute fortune s’érige de façon malhonnête. C’est aussi l’occasion de dresser des portraits représentatifs du fonctionnement de la société. Ici, Rastignac, personnage récurrent de la Comédie Humaine, devient le symbole même de l’arriviste et Nucingen, celui du financier.
Comment l’auteur s’y prend-il justement dans cet extrait pour brosser ces portraits ? On peut constater que Nucingen et Rastignac surtout valent davantage pour le type de personnage qu’ils incarnent que pour leur psychologie ; on peut ajouter que le monde dans lequel ils évoluent est un monde aux valeurs inversées, un monde à l’envers.
«
Honoré de Balzac, La Maison Nucingen (1838)
La Maison Nucingen retrace en partie l’itinéraire du baron Nucingen, véritable « Napoléon de la finance » de La Comédie humaine .
Pour le prodigue et toujours impécunieux Balzac, toute grande fortune s’édifie dans le secret et naît du crime.
Le puissant financier rejoint cependantles sommets grâce à son énergie qui lui permet de ne pas sombrer dans les médiocrités de la société bourgeoise.
L’action du passage suivant sesitue dans un cabaret parisien où sont réunis quatre aventuriers blasés et médisants.
L’un d’eux, Bixiou, devenu, selon le narrateur, un« misanthrope bouffon », relate, à l’intention de ses amis, la réussite de l’ambitieux Rastignac, amant de la femme du baron Nucingen,Delphine.
Dans Le père Goriot, Rastignac , jeune provincial, arrive à Paris, lieu balzacien de tous les apprentissages.
Il rencontre M.
Goriot, le père de Delphine ; ce dernier se sacrifie pour ses filles ; il les adore mais leur ingratitude et leurs exigences mènent le vieillard à la mort.
Edifiépar cette expérience, Rastignac décide d’agir avec cynisme et opportunisme.
Dès son début à paris, Rastignac fut conduit à mépriser la société tout entière.
Dès 1820, il pensait, comme le baron, qu’il n’y a que des apparences d’honnête homme, et il regardait le monde comme la réunion de toutes les corruptions, de toutes lesfriponneries.
S’il admettait des exceptions, il condamnait la masse : il ne croyait à aucune vertu, mais à des circonstances oùl’homme est vertueux.
Cette science fut l’affaire d’un moment ; elle fut acquise au sommet du Père-Lachaise i, le jour où il conduisait un pauvre honnête homme, le père de sa Delphine, mort la dupe de notre société, des sentiments les plus vrais etabandonné par ses filles et par ses gendres.
Il résolut de jouer tout ce monde, et de s’y tenir en grand costume de vertu, de probité ii, de belles manières.
L’Egoïsme arma de pied en cape ce jeune noble.
Quand le gars trouve Nucingen revêtu de la même armure, ill’estima comme au Moyen-Age, dans un tournoi, un chevalier damasquiné iii de la tête aux pieds, monté sur un barbe iv, eût estimé son adversaire houzé v, monté comme lui.
Mais il s’amollit pendant quelque temps dans les délices de Capoue.
L’amitié d’une femme comme la baronne de Nucingen est de nature à faire abjurer vi tout égoïsme.
Après avoir été trompée une première fois dans ses affections en rencontrant une mécanique de Birmingham vii, comme était feu de Marsay viii, Delphine dut éprouver, pour un homme jeune et plein des religions de province, un attachement sans bornes.
Cette tendresse a réagi sur Rastignac.
Quand Nucingen eutpassé à l’ami de sa femme le harnais que tout exploitant met à son exploité, ce qui arriva précisément au moment où il méditait satroisième liquidation, il lui confia sa position, en lui montrant comme une obligation de son intimité, comme une réparation, le rôle decompère à prendre et à jouer.
Le baron jugea dangereux d’initier son collaborateur conjugal à son plan.
Rastignac crut à un malheur,et le baron lui laissa croire qu’il sauvait la boutique.
Mais quand un écheveau a tant de fils, il s’y ait des nœuds.
Rastignac tremblapour la fortune de Delphine : il stipula l’indépendance l’indépendance de la baronne, en exigeant une séparation de biens, en se jurantà lui-même de solder son compte avec elle en lui triplant sa fortune.
Comme Eugène ne parlait pas de lui-même, Nucingen le suppliad’accepter, en cas de réussite complète, vingt-cinq actions de mille francs chacune dans les mines de plomb argentifère, queRastignac prit pour ne pas l’offenser ! Nucingen avait seriné Rastignac la veille de la soirée où notre ami disait à Malvina de semarier.
A l’aspect des cent familles heureuses qui allaient et venaient dans Paris, tranquilles dans leur fortune, les Godefroid deBeaudenord, les d’Aldrigger, les d’Aiglemont, etc., il prit à Rastignac un frisson comme à un jeune général qui pour la première foiscontemple une armée avant la bataille
Honoré de Balzac, La Maison Nucingen
Intro :
Cet extrait de La Maison Nucingen de Balzac se situe dans un cabaret parisien ; un homme surprend la conversation de quatre journalistes dont Bixiou, devenu, selon le narrateur, un « misanthrope bouffon ».
Ce dernier relate l’étonnante réussite deRastignac, amant de Delphine de Nucingen, femme du banquier du même nom, depuis 1819 dans le roman Le Père Goriot .
En 1833, date à laquelle commence La Maison Nucingen, Rastignac rompt avec Delphine, mais continue de travailler avec son maridans des affaires frauduleuses, où il gagne beaucoup d’argent.
Ce roman permet à Balzac d’exposer un traité de technique financière : pour l’auteur toute fortune s’érige de façon malhonnête.C’est aussi l’occasion de dresser des portraits représentatifs du fonctionnement de la société.
Ici, Rastignac, personnage récurrentde la Comédie Humaine , devient le symbole même de l’arriviste et Nucingen, celui du financier.
Comment l’auteur s’y prend-il justement dans cet extrait pour brosser ces portraits ? On peut constater que Nucingen et Rastignac surtout valent davantage pour le type de personnage qu’ils incarnent que pour leur psychologie ; on peut ajouter que le.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- MAISON NUCINGEN (La) d’Honoré de Balzac
- Honoré de Balzac, La Maison Nucingen
- Honoré de Balzac, La Maison Nucingen
- MAISON DU CHAT-QUI-PELOTE (La) d’Honoré de Balzac
- Balzac, la maison Nucingen (Résumé & Analyse)