Homère - L’Iliade : Le combat d'Achille contre Hector
Publié le 14/05/2014
Extrait du document
La guerre de Troie touche à sa fin. Hector, héros des Troyens, a tué le grec Patrocle.
Achille, héros des Grecs, fou de rage et de douleur, provoque Hector en duel pour venger la
mort de son meilleur ami. Zeus prend parti pour Achille.
« Hélas, [dit Hector] il n’y a plus de doute ! Les dieux m’appellent à la mort. […] C’est
mon destin. Mais je ne mourrai pas sans combat ni sans gloire ni sans un exploit dont les
générations futures se souviendront. « Hector tire le grand glaive1
aigu suspendu à sa
hanche et prend son élan tel un aigle.
Achille bondit aussi, saisi d’une fureur sauvage. Il se protège de son beau bouclier
façonné par Héphaïstos2
. Son casque étincelant à la splendide crinière d’or va et vient sur
son front. Comme l’étoile du soir, la plus belle du firmament3
, la pique aiguisée qu’Achille
brandit dans sa main droite brille de tous ses feux. Le fils de Pélée4
réfléchit à la manière de
tuer Hector, cherchant des yeux le meilleur endroit où l’atteindre. Les belles armes de
bronze qu’il a volées à Patrocle, après l’avoir tué, protègent tout son corps. Un seul endroit
reste à nu, là où la clavicule sépare l’épaule de la gorge. C’est là qu’on perd le plus vite la vie,
c’est là qu’Achille enfonce sa javeline5
. La pointe traverse le cou délicat de part en part.
Cependant, la trachée n’est pas percée et Hector peut encore prononcer quelques mots. Et
tandis qu’il s’écroule dans la poussière, Achille triomphe :
« Hector, tu croyais peut-être t’en sortir indemne quand tu dépouillais Patrocle ! […]
Hector au casque étincelant répond d’une petite voix :
– Je t’en supplie, ne laisse pas les chiens me dévorer près des navires achéens6
.
Accepte autant de bronze et d’or que tu voudras, accepte les cadeaux de mes dignes parents
et rends-leur mon corps pour qu’ils le ramènent chez moi et que Troyens et Troyennes
puissent m’immoler par le feu7
.
Achille lui lance un regard mauvais et lui rétorque :
– Non, chien, ce n’est pas la peine de me supplier ! Si je n’écoutais que moi, je
découperais ton corps pour le dévorer tout cru, pour me venger du mal que tu m’as fait ! Ta
tête n’échappera pas aux chiens. «
[La mort enveloppe Hector.]
Alors Achille imagine un sort déshonorant pour Hector. Il lui perce les tendons entre
la cheville et le talon, y passe des courroies qu’il attache à son char, en laissant traîner la
tête. Il monte sur son char avec les armes illustres8
d’Hector et fouette ses chevaux qui
partent au triple galop. Le cadavre, ainsi tiré, soulève un nuage de poussière. Ses cheveux
noirs se déploient et sa tête, autrefois si belle, traîne sur le sol.
1 Épée.
2 Dieu du feu, de la forge et des volcans.
3 Ciel.
4 Achille.
5 Petit javelot au fer long et aigu.
6 Grecs.
7 Brûler mon corps.
8 Célèbres.
Homère, L’Iliade, chant XXII, Folio Junior/Les Universels, traduction et adaptation par
Chantal Moriousef, 2006 © Éditions Gallimard Jeunesse.
On sait qu’Homère est le poète qui a créé la poésie grecque, le «
premier fondateur «, et comme tous les premiers fondateurs, il revêt des
aspects mythiques. Dire qu’Homère est un mythe, ce n’est pas mettre son
existence en doute. Certes, certains l’ont fait en pensant que cette œuvre
immense ne pouvait être le fait d’un seul homme. Aujourd’hui, on voit au
contraire dans l’architecture si travaillée des deux poèmes la marque d’un
créateur unique. Plusieurs éléments permettent de dire qu’Homère est
un mythe. D’abord, il est le symbole même de la création poétique, le
génie de la poésie, capable de concevoir un récit monumental d’aventures
extraordinaires, dans les registres les plus divers, mettant en scène des
personnages hors de l’ordre commun.
«
Homère, L ’Iliade, chant XXII, Folio Junior/Les Universels, traduction et adaptation par
Chantal Moriousef, 2006 © Éditions Gallimard Jeunesse.
On sait qu’Homère est le poète qui a créé la poésie grecque, le «
premier fondateur », et comme tous les premiers fondat eurs, il revêt des
aspects mythiques.
Dire qu’Homère est un mythe, ce n’est pas mettre son
existence en doute.
Certes, certains l’ont fait en pensant que cette œuvre
immense ne pouvait être le fait d’un seul homme.
Aujourd’hui, on voit au
contraire dans l’ architecture si travaillée des deux poèmes la marque d’un
créateur unique.
Plusieurs éléments permettent de dire qu’Homère est
un mythe. D’abord, il est le symbole même de la création poétique, le
génie de la poésie, capable de concevoir un récit monumenta l d’aventures
extraordinaires, dans les registres les plus divers, mettant en scène des
personnages hors de l’ordre commun. Ensuite, il a porté à l’écriture des
récits oraux colportés depuis des siècles par les peuples, lors de leurs
migrations et leurs vo yages.
Ces récits mythiques étaient chantés par les
aèdes dans des banquets sans fin où les guerriers se voyaient mis en
scène et pouvaient contempler le miroir de leur société dans le monde
évoqué par les chanteurs. Puis il a mis en scène des héros d’un t emps
mythique où les dieux et les hommes vivaient ensemble sur la terre ( cf.
le
mythe hésiodique des trois âges), où les dieux se divisaient dans le
soutien qu’ils apportaient aux héros de tel ou tel peuple (on sait
qu’Aphrodite soutenait les Troyens, tand is qu’Héra soutenait les Grecs)
et intervenaient pour décupler leurs forces, par exemple, ou au contraire
les briser. Et il raconte un événement mythique, la guerre de Troie entre
les Grecs et les Troyens, qui, même s’il correspond à la réalité de conflits
et de migrations entre des peuples d’Orient et du bassin méditerranéen, a
acquis le statut d’événement fondateur en Occident : on verra avec
l’Énéide comment les Romains penseront l’histoire de leur origine à
partir de cet événement.
On sait aussi que Ron sard (on est au XVIe siècle
!) ira même jusqu’à écrire une épopée, La Franciade , dont le héros, Pâris,
ayant échappé à la guerre de Troie, est venu jusque sur la terre de France
pour fonder Paris ! Enfin, l’épopée d’Homère offre un répertoire de tous
les g rands mythes du monde grec, offerts aux interprétations allégoriques
des siècles futurs : on a lu l’ Iliade et l’ Odyssée comme des poèmes sur le
monde, l’homme et les dieux, dont les récits livraient des vérités cachées
à déchiffrer.
Par exemple, le mythe d es amours de Mars, dieu de la
guerre, donc de la haine et des forces contraires, et Vénus, déesse de
l’amour, donc de la paix et de l’harmonie, était à comprendre comme
signifiant les forces contraires qui se partagent l’univers : les astres et les
planète s se rapprochent et s’éloignent sous l’effet de ces forces naturelles.
Ajoutons que l’extrait proposé illustre un aspect important de la
poésie homérique : le goût du récit pour le récit, pourrait -on dire.
On.
»
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