HOLBACH, Paul Henri Dietrich Thiry, baron d' : sa vie et son oeuvre
Publié le 15/12/2018
Extrait du document
HOLBACH, Paul Henri Dietrich Thiry, baron d' (1723-1789). D’Holbach fut d’abord un savant, plus particulièrement un chimiste. Ce sont les circonstances de sa vie qui ont déterminé son engagement dans le combat pour les Lumières. Est-ce parce qu’il croyait, avec le célèbre chimiste allemand Stahl, au principe igné, le « phlogistique », comme agent essentiel de la vie et de l’énergie de l’homme, qu’il a donné à ses œuvres cette ardeur et ce feu qui les caractérisent, cette violence explosive nécessaire pour foudroyer les paresses de la raison, exhorter l’humanité à se libérer des tyrans et des prêtres, à assurer son bonheur, hic et nunc, par le retour aux lois de la nature et à la clarté rationnelle d’un athéisme conscient?
Juste un siècle après le Traité théologico-politique de Spinoza, qui avait ouvert les premières brèches dans l’édifice des dogmes établis, le Système de la nature, en 1770, marque par un paroxysme le premier centenaire du combat philosophique contre l’obscurantisme. C’est le sommet d’une œuvre étrange, passionnée, à la fois destructrice et conservatrice, masquée par l’anonymat et les faux noms d’auteurs; œuvre que l’on commence seulement à découvrir, depuis vingt ans à peine qu’elle commence à être explorée scientifiquement, et dont on n’a pas encore bien vu, à côté d’exposés dogmatiques parfois pesants, tout l’éclat littéraire de sermon athée et de discours révolutionnaire.
Vie mondaine et action clandestine
Originaire du Palatinat, étudiant à Leyde, installé à Paris. d’Holbach illustre à merveille le cosmopolitisme de son siècle. Pour son époque, c’est un personnage surprenant, inquiétant : un athée honnête homme. Rousseau, qui ne l’aimait guère pourtant, l’a pris comme modèle pour M. de Wolmar dans la Nouvelle Héloïse.
Paul Henri Dietrich Thiry, né en Rhénanie, a été élevé par son oncle d'Holbach, devenu français et baron en 1722 après s’être enrichi sous la Régence. Installé à Paris en 1749 après des études en Hollande, Paul Henri hérite en 1753 d’une partie de la fortune de cet oncle; rentier à vingt-sept ans, il se fait mécène des philosophes, ses amis, qu’il reçoit deux fois la semaine dans son hôtel de la rue Royale-Saint-Roch, à Paris, ou l’été dans le château du Grandval, près de Sucy-en-Brie, propriété de sa belle-mère Mme d’Aine. Dans sa correspondance, Diderot narre complaisamment ces réunions du groupe de quinze ou vingt philosophes hardis, que leurs ennemis — voire leurs amis, affolés de cette hardiesse — appelleront la « coterie d'Holbach » ou la « synagogue ».
La rencontre de Diderot, qui eut lieu probablement en 1750, a été décisive pour le baron. Aussitôt engagé dans l’entreprise de l’Encyclopédie à cause de ses connaissances en sciences et en langue allemande, il rédige 376 articles : minéralogie, métallurgie, chimie. Cet homme généreux, désintéressé, d’une érudition immense, travailleur infatigable, facétieux à ses heures, fastueux dans
sa table et ses vins, ne pouvait que plaire à Diderot. Par- delà les mauvaises humeurs passagères, trente ans d’amitié en témoignent. D’Holbach a soutenu sans faillir Diderot et l’Encyclopédie dans la grande tourmente des années 1757-1762 [voir Encyclopédie].
En 1758, autre tourmente : l’ouvrage d’Helvétius, De T esprit, épouvante par l’audace de son matérialisme l’Église et un pouvoir déjà en difficulté à cause des défaites militaires en Europe et au Canada. On sévit, on condamne. Helvétius doit se rétracter. D’Holbach perçoit à la fois le danger qui menace les esprits libres et l’extraordinaire pouvoir d’ébranlement des livres boutefeux. Il s’engage dans le combat. Plus prudent qu’Helvétius, il commence par publier les Recherches sur le despotisme oriental et T Antiquité dévoilée de Nicolas Boulanger, auteur de textes interdits, mort en 1759. Puis il attribue au même feu Boulanger, en 1766, son premier grand ouvrage polémique personnel, le Christianisme dévoilé. C’est le début d’une série de brûlots lancés de 1766 à 1770 contre les religions, source de tout le malheur des hommes. A la différence de Voltaire, qui en ces mêmes années travaille au Dictionnaire philosophique, d’Holbach n’use pas systématiquement de l’ironie; mode de communication indirect, elle n’est pas accessible à tous; il faut être clair : « Ecrire à mots couverts, c’est n’écrire pour personne ». Mais écrire clairement contre la religion implique l’anonymat. Le baron l’accepte. Son unique but est d’être utile aux hommes. Dans un style violent, net, plein d’anathèmes, de questions, d’images, d’exclamations, agrémenté d’apologues et parfois de contes, il leur enseigne dans la Contagion sacrée (1768), la Théologie portative (1768), etc., un bonheur fondé sur le refus de Dieu, la confiance dans la nature et la raison.
Condensé de toutes les idées dangereuses émises dans ces premières œuvres, ouvrage plus dogmatique et plus touffu, le Système de la nature, dont le dernier chapitre, éloquente prosopopée de la nature annonçant son code aux hommes, a été écrit par Diderot, éclate comme une bombe en 1770. Malgré le prix élevé du livre condamné, dix éditions se succèdent rapidement. A en croire la page de titre, il serait l’œuvre de Mirabaud, autre auteur de textes interdits, mort en 1760; mais personne n’est dupe, et la police propose une récompense à qui découvrira et dénoncera le véritable auteur. Le remous est considérable. Les réfutations surgissent de partout, émanant de catholiques, de protestants, de Voltaire lui-même, ravi de cette aide dans le combat contre l'« Infâme », mais atterré par l’athéisme. Il est encore plus ravi et plus atterré quand paraît, en 1772, le Bon Sens, contraction en 250 pages (peut-être par Naigcon, secrétaire de D’Holbach) du lourd Système de la nature. « Le petit livret intitulé le Bon Sens fera plus de mal ou de bien que toutes les plaisanteries de Voltaire », note Diderot. D'Holbach a choisi le procédé voltairien du « livre de poche » pour vulgariser ses idées. Preuve que, cette fois, il ne s’agit plus seulement de disserter, mais de conquérir. De 1770 à 1970, le Système de la nature connaîtra trente rééditions, le Bon Sens (longtemps attribué au curé Meslier) plus de soixante, témoignage évident de l’impact toujours très fort de ces livres périodiquement mis et remis à l'index. En 1773, le Système social, utopie d’une société naturellement vertueuse, vient compléter cet arsenal de conquête. On a prêté à d’Holbach bien d’autres œuvres « maudites », dont une partie au moins du fameux libelle le Militaire philosophe. Des recherches récentes permettent d’écarter cette attribution.
Marque d’un changement : le baron n’aime pas l’Angleterre, si chère à tant de philosophes de son temps. Son espoir va vers l’Amérique; Franklin fréquente son salon. En 1776, l’espoir est en France aussi : le jeune Louis XVI, succédant à un roi qui a déçu, jouit du préjugé favorable. A son intention, d’Holbach écrit l'Étho-
«
cratie
( 1776), seul ouvrage où il propose un programme
d'action immédiate : protection de la propriété, éduca
tion morale et nationale, liberté de la presse, moralisation
de l'armé�, abolition des,privilèges seigneuriaux, sépara
tion de l'Eglise et de l'Etat, réforme de la magistrature,
émancipation des femmes, divorce, etc.
Tout cela restera
lettre morte.
D'Holbach, lui, meurt à la veille d'une Révolution
dont on dit trop souvent qu'il avait contribué à la prépa
rer.
En fait, sa vie et son œuvre, malgré la virulence
révolutionnaire du style, préparent bien plutôt certaines
idéologies bourgeoises du x1x• siècle.
>.
Ces nations
" ne secoueront-elles jamais le joug de ces tyrans sacrés.
qui seuls sont intéressés aux erreurs de la terre? n
cc Il n'y a qu'un devoir, c'est d'être heureux ))
On sera heureux si 1' on a, d'abord, une vision juste du
monde et de l'homme.
«L'homme est un être purement
physique>> (Système de la nature), différent des autres
animaux par son organisation, mais non supérieur.
Quant
à l'âme, elle n'est «que le corps lui-même, envisagé
relativement à quelques-unes de ses fonctions » (ibid.).
Bien que d'Holbach s'avance moins loin que Diderot
dans l'hypothèse de la sensibilité universelle de la
matière, on trouve chez lui la même conception.
»
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