Histoire de Mme de La Pommeraye - Jacques le fataliste de Diderot
Publié le 08/01/2020
Extrait du document
L’HÔTESSE. Cette femme vivait très retirée. Le marquis était un ancien ami de son mari; elle l’avait reçu, et elle continuait de le recevoir. Si on lui pardonnait son goût efféminé1 pour la galanterie, c’était ce qu’on appelle un homme 5 d’honneur. La poursuite1 2 constante du marquis, secondée de ses qualités personnelles, de sa jeunesse, de sa figure3 4, des apparences de la passion la plus vraie, de la solitude, du penchant à la tendresse, en un mot, de tout ce qui nous livre à la séduction des hommes... (Madame ? - Qu''est-ce ? - C’est 10 du courrier. -Mettez-le à la chambre verte, et servez-le à l’ordinaire1'') eut son effet, et M™ de La Pommeraye, après avoir lutté plusieurs mois contre le marquis, contre elle-même, exigé selon l’usage les serments les plus solennels, rendit heureux le marquis, qui aurait joui du sort le plus 15 doux, s’il avait pu conserver pour sa maîtresse les sentiments qu’il avait jurés et qu’on avait pour lui. Tenez, monsieur, il n’y a que les femmes qui sachent aimer; les hommes n’y entendent rien... (Madame? — Qu’est-ce? — Le Frère Quêteur. — Donnez-lui douze sous pour ces messieurs qui sont 20 ici, six sous pour moi, et qu’il aille dans les autres chambres.) Au
bout de quelques années, le marquis commença à trouver la vie de Mme de La Pommeraye trop unie5. Il lui proposa de se répandre dans la société : elle y consentit; à recevoir quelques femmes et quelques hommes : et elle y consentit; 25 à avoir un dîner-souper : et elle y consentit. Peu à peu, il passa un jour, deux jours sans la voir; peu à peu il manqua au dîner-souper qu’il avait arrangé ; peu à peu il abrégea ses visites ; il eut des affaires qui l’appelaient : lorsqu’il arrivait, il disait un mot, s’étalait dans un fauteuil, prenait une bro-30 chure, la jetait, parlait à son chien ou s’endormait.
1. Goût efféminé : goût pour une molle volupté.
2. Poursuite : assiduité amoureuse.
3. Figure : au sens général d'allure, de physionomie.
4. Servir à l’ordinaire : servir au client le repas commun à tous, probablement à la table d’hôte.
5. Trop unie : trop monotone.
Le mauvais temps contraint Jacques et son maître de prolonger leur halte dans une auberge. Parmi les clients figure le marquis des Arcis, dont l’hôtesse aubergiste raconte bientôt l’histoire à nos deux voyageurs. Le marquis était tombé amoureux de Mme de La Pommeraye, une jeune veuve qui avait été si malheureuse durant son mariage qu’elle avait décidé de ne plus s’attacher à aucun homme.
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au dîner-souper qu'il avait arrangé; peu à peu il abrégea ses
visites; il eut des affaires qui l'appelaient : lorsqu'il arrivait,
il disait un mot, s'étalait dans un fauteuil, prenait une bro-
30 chure, la jetait, parlait à son chien ou s'endormait.
INTRODUCTION
1 Situer le passage
Le mauvais temps contraint Jacques et son maître de prolonger
leur halte dans une auberge.
Parmi les clients figure le marquis des
Arcis, dont l'hôtesse aubergiste raconte bientôt l'histoire à nos deux
voyageurs.
Le marquis était tombé amoureux de Mm• de La
Pommeraye, une jeune veuve qui avait été si malheureuse durant son
mariage qu'elle avait décidé de ne plus s'attacher à aucun homme.
1 Dégager des axes de lecture
Cette page témoigne de l'art avec lequel Diderot conduit ses
récits, ainsi que de la manière dont il analyse les évolutions senti
mentales.
Elle illustre aussi l'idée que Diderot se fait de l'amour, à la
fois pessimiste et romanesque dans ses rebondissements.
PREMIER AXE DE LECTURE
L'ART DU RÉCIT
1 Une extrême concision
Le récit frappe par sa rapidité : en quelques lignes, Diderot décrit
la naissance et la mort d'une passion.
Il y parvient en jouant sur le
temps.
Tantôt le temps est renvoyé à un passé indéterminé, sans
précision temporelle : c'est le rôle des imparfaits de l'indicatif dont la
valeur durative demeure vague.
Tantôt le temps se contracte pour
créer une accélération du récit : "après avoir lutté plusieurs mois»
(1.
12); «au bout de quelques années» (1.
21).
Tantôt se trouve sug
gérée une progressivité, par la récurrence de la locution adverbiale
"peu à peu» (1.
25, 26, 27).
Quant aux passés qui l'accompagnent,
LECTURES ANALYTIQUES 113.
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