Gustave FLAUBERT: L 'Éducation sentimentale, 3e partie, chap. 1.
Publié le 04/10/2013
Extrait du document
Deux jeunes gens, Frédéric Moreau et son ami Hussonnet, un
journaliste à l'humour désabusé, assistent au sac des Tuileries le
24 février 1848, après la fuite de Louis-Philippe. La foule vient
de jeter le trône royal par une fenêtre.
A lors, une joie frénétique éclata, comme si, à la place
du trône, un avenir de bonheur illimité avait paru; et
le peuple, moins par vengeance que pour affirmer sa possession,
brisa, lacéra les glaces et les rideaux, les lustres, les
s flambeaux, les tables, les chaises, les tabourets, tous les
meubles, jusqu'à des albums de dessins, jusqu'à des corbeilles
de tapisserie. Puisqu'on était victorieux, ne fallait-il
pas s'amuser? La canaille s'affubla ironiquement de dentelles
et de cachemires. Des crépines d'or s'enroulèrent aux
10 manches des blouses, des chapeaux à plumes d'autruche
ornaient la tête des forgerons, des rubans de la Légion
d'honneur firent des ceintures aux prostituées. Chacun
satisfaisait son caprice; les uns dansaient, d'autres
buvaient. Dans la chambre de la reine, une femme lustrait
1s ses bandeaux avec de la pommade; derrière un paravent
deux amateurs jouaient aux cartes; Hussonnet montra à
Frédéric un individu qui fumait son brûle-gueule accoudé
sur un balcon; et le délire redoublait son tintamarre
continu des porcelaines brisées et des morceaux de cristal
20 qui ~onnaient, en rebondissant, comme des lames d'harmomca.
Puis la fureur s'assombrit. Une curiosité obscène fit
fouiller tous les cabinets, tous les recoins, ouvrir tous les
tiroirs. Des galériens enfoncèrent leurs bras dans la couche
2s des princesses, et se roulaient dessus par consolation de ne
pouvoir les violer. D'autres, à figures plus sinistres,
erraient silencieusement, cherchant à voler quelque chose;
DEUX TEXTES COMMENTÉS
mais la multitude était trop nombreuse. Par les baies des
portes, on n'apercevait dans l'enfilade des appartements
30 que la sombre masse du peuple entre les dorures, sous un
nuage de poussière. Toutes les poitrines haletaient; la chaleur
de plus en plus devenait suffocante; les deux amis,
craignant d'être étouffés, sortirent.
Dans l'antichambre, debout sur un tas de vêtements, se
35 tenait une fille publique, en statue de la Liberté, - immobile,
les yeux grands ouverts, effrayante.
Vous ferez de ce texte un commentaire composé, en vous
demandant par exemple comment sous une apparente objectivité
!'écrivain parvient à suggérer ses réactions personnelles face au
saccage du palais.
Comme le soulignent le titre et le sous-titre de l'oeuvre : L'Education sentimentale, Histoire d'un jeune homme, le roman de Flaubert comporte deux intrigues; l'une sentimentale, car le personnage principal, Frédéric Moreau, hésite entre une grande passion romantique et d'autres formes d'amour, avec une jeune provinciale, une demi-mondaine et une dame de la haute société; l'autre politique, car le romancier entendait faire l'histoire morale des hommes de sa génération en évoquant l'évolution politique de la France depuis 1840 jusqu'au début du second Empire. C'est sur le second aspect que l'accent est mis dans cette page : Frédéric, après avoir erré à travers Paris où se déroulent les événements révolutionnaires de février 1848, est parvenu au palais des Tuileries, abandonné par ses occupants. Il a rencontré à l'entrée un de ses amis, Hussonnet, un journaliste bohème toujours enclin à plaisanter. Et tout à coup le peuple fait son apparition, inoffensif jusqu'au moment où, après avoir jeté par une ...
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mais la multitude était trop nombreuse.
Par les baies des
portes, on n'apercevait dans l'enfilade des appartements
30 que la sombre masse du peuple entre les dorures, sous un
nuage de poussière.
Toutes les poitrines haletaient; la cha
leur de plus en plus devenait suffocante; les deux amis,
craignant d'être étouffés, sortirent.
Dans l'antichambre, debout sur un tas de vêtements,
se
35 tenait une fille publique, en statue de la Liberté, -immo
bile, les yeux grands ouverts, effrayante.
Vous ferez de ce texte un commentaire composé, en vous
demandant par exemple comment sous une apparente objectivité
!'écrivain parvient à suggérer ses réactions personnelles face au
saccage du palais.
Devoir rédigé
Comme le soulignent le titre et le
sous-titre de l'œuvre :
L'Education
sentimentale, Histoire d'un jeune
homme,
le roman de Flaubert
comporte deux intrigues; l'une senti
mentale, car
le personnage principal,
Frédéric Moreau, hésite entre une
grande passion romantique et d'autres
formes d'amour, avec une jeune pro
vinciale, une demi-mondaine et une
dame de la haute société; l'autre poli
tique, car
le romancier entendait faire
l'histoire morale des hommes de sa
génération en évoquant l'évolution
politique de la France depuis
1840
jusqu'au début du second Empire.
C'est sur
le second aspect que l'accent
est mis dans cette page : Frédéric,
après avolf erré
à travers Paris où se
déroulent les événements révolution
naires de février 1848, est parvenu
au palais des Tuileries, abandonné par
ses occupants.
Il a rencontré à l'entrée
un de ses amis, Hussonnet, un journa
liste bohème toujours enclin à plai
santer.
Et tout
à coup le peuple fait
son apparition, inoffensif jusqu'au
moment où, après avoir jeté par une
INTRODUCTION
a) Introduction
proprement dite
de
l'œuvre dont provient
l'extrait.
b) Situation du texte
lui-même..
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