GUILLAUME IX D'AQUITAINE : sa vie et son oeuvre
Publié le 14/12/2018
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GUILLAUME IX D'AQUITAINE (1071-1127). Poète occitan. Guillaume IX d’Aquitaine, septième comte de Poitiers, est le plus ancien troubadour connu. Il n’a pas quinze ans lorsqu’il accède au pouvoir sur un vaste domaine qui va de la Touraine aux Pyrénées. Sa vie est marquée par deux croisades : celle — désastreuse — de 1103, en Terre sainte, et celle — triomphale — de 1119-1120, en Espagne. Vers 1115, il a pour favorite la vicomtesse de Châtellerault, dite la Maubergeonne, pour laquelle il a sans doute composé ses plus ferventes chansons. Sa légende, complaisamment rapportée par les chroniqueurs latins, fait de lui un provocateur et un débauché. Mais la liberté de ses mœurs, qui s’exprime dans des poèmes pleins de verve, ne l’a pas empêché de formuler une érotique fondée sur la quête d’une perfection éthique acquise à partir du service d’amour.
Nous avons gardé de lui onze pièces. Celles qui sont probablement les plus anciennes sont les plus audacieuses. Elles sont composées dans une forme sans doute autochtone : le tercet 11/11/13. Puis viennent les cansos, dont les coblas (strophes) sont du type 8/8/8/4/8/4 : parmi ces œuvres, la chanson IV (Farai un vers de dreit nient), qui accumule les paradoxes et rejette finalement l’amie de rêve au nom du charnel, et la chanson V, qui condamne les dames qui se donnent à des clercs ou à des moines, puis relate comment le poète, déguisé en pèlerin, se fait passer pour muet auprès de deux nymphomanes, qu’il comble par ses prouesses érotiques. La chanson VI exprime la désillusion du poète, qui prend conscience de la vanité des passions humaines, et la chanson VII (cobla 8/8/8/8/4/8/4) revient à l’inspiration truculente des pièces I, II et III.
«
accès à la
conservation par le manuscrit (et les textes de
son contemporain Èble de Ventadour se sont perdus) : la
chance du comte de Poitiers est d'avoir pu disposer du
pouvoir politique, qui a sans doute aidé à la diffusion et
à la mémorisation de ses cansos.
JI n'est pas impossible
que d'autres influences aient joué : Guillaume IX a pu
entendre Je jongleur gallois Bréri lorsque celui-ci est
venu en Poitou raconter les légendes celtiques et plus
particulièrement l'histoire de Tristan et Yseut; il n'a sans
doute pas méconnu la civilisation de l'Islam, qu'il a
rencontrée en Orient et en Espagne -voire à Poitiers,
où avaient été déportés des esclaves musulmans, et
notamment des femmes, chanteuses et danseuses, qui
amenaient avec elles tout un répertoire de récits et de
complaintes.
La chanson XI est écrite en quatrains
8A8A8A8B, qui est une structure de zadjal (chanson de
femme) très répandue en Andalousie.
Guillaume IX n'a vraisemblablement pas inventé la
fin 'amor (et ce terme est absent du corpus conservé),
mais il a contribué à lancer des topoi qui feront fortune
dans la poétique troubadouresque : celui de l' amor de
lonh, de l'amour de loin pour une créature de rêve; celui
de la mort par amour; celui du service courtois, caracté
risé par la soumission absolue à la dompna.
D'où l'im
portance de ce poète, qui fut le maître et l'ami du trouba
dour Marcabru, et de qui relèvent tout autant la lyrique
idéaliste de Jaufré Rudel que la poésie réaliste et satiri
que de Cercamon ou de Raimbaut d'Orange (dont nous
avons gardé une canso du non-sens assez proche de la
chanson IV).
La Vida de Guillaume IX réduit le personnage à un
trichador de dompnas, et c'est le visage qu'il conserve
dans le roman d'oïl Joufroi de Poitiers (xm• siècle),
dernier avatar de sa légende; mais, par-delà le séducteur
impénitent et le provocateur amusé, on devine un grand
poète dont l'angoisse exhale un scepticisme profond et
désabusé quant au sens réel de l'aventure humaine, jus
qu' au jour où le cynique se laisse prendre au frémisse
ment d'une passion exclusive : voilà qui suffit à faire de
Guillaume IX un grand romantique avant la lettre, à une
époque où pourtant le lyrisme profane n'a pas encore
conquis son statut culturel.
Mais ce statut culturel, Guil
laume IX contribue efficacement à le donner à la chanson
d'amour occitane, à laquelle il confère.
-et de façon
définitive -ses lettres de noblesse, lui ouvrant ainsi
deux siècles d'essor.
Quand on mesure ce que l'Occi
de nt, et en particulier la tradition littéraire française, doit
aux troubadours, on peut sans erreur dire du comte de
Poitiers qu'il est l'homme d'une modernité confirmée
par la fraîcheur d'une écriture dont la jeunesse ne cesse
d'émerveiller Je lecteur d'aujourd'hui -et cet éloge
ravirait celui qui, tout au long de son œuvre, n'a cessé de
chanter Iajovenz.
[Voir aussi COURTOISIE, TROUBADOURS).
BIBLIOGRAPHIE On trouvera une bibliographie complète sur Guillaume IX
dans J.-Ch.
Pay en , le Prince d'Aquitaine.
Essai sur Guil·
laume IX, sa vie, son œuvre, son érotique, Paris, Champion,
1980.
Voir aussi Hermann Braet : «Guilhem de Peitieus : Sai
rema(nc) ...
aitan vau», dans Miscellania Aramon i Serra, Barce
lone, 1979, p.
115 sqq.
On consultera la bibliographie donnée chaque année par la
revue Encomia, organe de la Société internationale d'études
courtoises..
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