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GUÉROULT Guillaume : sa vie et son oeuvre

Publié le 15/12/2018

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GUÉROULT Guillaume (début du xvie siècle-v. 1561). Poète, traducteur, et l’un des tout premiers auteurs — après Marot — de chansons huguenotes, Guillaume Gué-roult est aussi l’une des figures les plus représentatives du milieu des imprimeurs lyonnais sensibles à la Réforme; l’un des écrivains les plus soumis, par ailleurs, au pouvoir de l’illustration et de la mise en musique : il a toujours été conscient que, par cette triple action de l’image, de la mélodie et du vers, on pouvait plus fortement contribuer à l’édification morale du lecteur — et agir sur lui. Au demeurant, un personnage agité et difficile à saisir, que les incertitudes de la perspective pousseraient à considérer plutôt comme un être lucide et indépendant. Il n’a pas hésité, en tout cas, à se jeter à plusieurs reprises dans la gueule du loup, au risque de se perdre, comme Dolet; mais, plus habile sans doute, cet homme qui signait Patience victorieuse a tout évité, quoique l’on ignore tout de sa mort.

 

L'homme d'une chanson et d'un procès

 

Né à Rouen au début du siècle, dans une ville qui a fourni beaucoup d’hommes à la Réforme, et dans un milieu d’imprimeurs (son oncle Guillaume Simon du

« Bosc, imprimeur-libraire, pan pour Genève, dont il devient citoyen en 1547), Guéroult s'est fait connaître en écrivant des Chansons spirituelles, qui circulent avant d'être imprimées en 1548.

Les recueils de «chansons spirituelles» regroupaient le texte et la musique de chansons à sujet religieux, qu'allait marquer de plus en plus l'inspiration réformée.

Plusieurs de ces recueils avaient déjà paru, dont un de Marguerite de Navarre; le livret de Guéroult donne la musique de Didier Lupi Second, sur des textes comme la fameuse «Susanne, un jour, d'Amour sollicitée» : trente-huit fois mise en musique au cours d'un siècle (dont deux fois par le seul Roland de Lassus), traduite en flamand, allemand et anglais, chantée par les catholi­ ques et encore plus par les protestants.

elle fait de l'his­ toire biblique de Suzanne résistant aux vieillards un modèle tout simple et dramatique de vertu courageuse.

A la veille de sa disparition, en 1560, Guéroult, conscient déjà du succès de son recueil, tente de le redoubler en publiant une Lyre chrestienne, mise en musique par Hauteville, et composée de poèmes de Du Bellay et de Guéroult, dont deux cantiques sur une autre «haute dame » de la Bible, qui vient tenir compagnie à Suzanne : Judith.

Mais c'est dans d'autres textes réformés que cette Judith trouvera le succès ; l'intention religieuse et politi­ que de Guéroult n'est d'ailleurs plus très nette, puisque le recueil, outre qu'il comprend des textes du gallican Du Bellay, est dédié à Marguerite de Savoie.

S'il ne fait aucun doute que Guéroult a appartenu à la Réforme, il est certain qu'on doit le situer du côté des Libertins, dans la minorité dirigée par Perrin et V andel à Genève, et que Calvin élimine en 1555.

Avant cette date, Guéroult, qui a pourtant publié son premier psaume à la suite de Deux Sermons de Calvin ( 1546), s'est déjà attiré la haine de celui-ci : arrêté à plusieurs reprises, et en particulier en mars 1549 «pour avoir proféré plusieurs parolles sinistres contre Calvin » et pour « paillardise», toujours défendu par V andel, il doit quiuer Genève après l'échec des Libertins en 1555 et rentrer définitivement en France, séjournant tantôt à Lyon, tantôt à Paris, où il semble avoir composé la très virulente et très drôle Epis­ tre du seigneur de Brusquet aux magnifiques et honorez Syndicz et Conseil de Genève ( 1559) : le fou du roi propose de venir vendre ses lunettes de folie à la bonne ville de GenèYe, qui en a grand besoin car c'est le royaume des myopes et des hypocrites.

La verve rabelai­ sienne, qui n'apparaît que rarement dans son œuvre, fait tout d'un coup de Guéroult un polémiste efficace.

En fait, le plu s grand moment de l'activité de Guéroult se situe entre 1549 et 1553, quand il travaille à Lyon, puis à Vienne, dans l'atelier de rimprimeur Arnoullet, son beau-frère, qui a adhéré à la Réforme.

L'affaire Michel Servet, dans laquelle Guéroult joue un rôle déter­ minant, rompt leur accord : Guéroult est favorable à la publication du fa m eu x Christianismi restitutio de Servet, condamné à la fois par l'Inquisition catholique et par Calvin (qu'il attaque); le travail a été exécuté dans un atelier clandestin d' Arnoullet, dirigé par Guéroult à Vienne.

On connaît le sort du livre et celui de Servet, mais c'est certainement sur Je conseil de Guéroult que Servet s'était réfugié à Genève, pensant y trouver la sécurité.

On a vu que Guéroult, qui en fit autant, s'il ne fut pas brûlé sur le bûcher, dut pourtant quitter Genève après deux procès.

Le collaborateur de Balthazar Arnoullet et le poète Il est difficile, pour les années 1549-1553, de faire le partage entre les initiatives d' Arnoullet et celles de Guéroult, qui devient son correcteur et traducteur.

Arnoullet dispose de graveurs remarquables, comme Clément Boussy et Bernard Salomon, et une partie du travail de Guéroult consiste à fournir les textes qu'il­ lustreront ces artistes : c'est le cas de sa Chronique des Empereurs (1552), traduction illustrée de médailles, de l'Histoire des plantes, traduction souvent rééditée de Fuchs, ornée de figures d'une grande précision (1550), et surtout du Premier Livre des emblèmes et du Blason des oyseaux ( 1550), dans lesquels gravure� et poèmes se commentent les uns les autres.

Dans l'Epi tomé de la Corographie d'Europe (1553), il s'adresse, dans de petits éloges étonnants des villes, à un public commer­ çant, sérieux, moral, mais curieux des grands ports et des grands marchés européens, y compris Constantinople.

Plus tard encore (1557), des scènes de la Bible sont expliquées sobrement par des commentaires en vers.

Les Hymnes du temps et de ses parties ( 1560) alternent prose savante et poésie simple dans les textes les plus sereins qu ·il ait écrits.

Car ce poète, qui se réclame encore en 1552 des rhétoriqueurs (en ce qu'ils immortalisaient les princes), a su faire son profit de Ronsard et de Belleau.

Déjà ses Emblèmes et Blason des oyseaux trouvaient une voie originale, où il fait véritablement figure de précurseur [voir EMBLÈME] : la fable.

Une thématique souvent austère, sévère pour les « tyrans », amère devant la victoire des plus forts et le cynisme de la société, retrouve dans la description des mœurs du monde animal un des modes d'expression privilégié et dans les recher­ ches de variation métrique les plus compliquées un moyen de séduction efficace.

11 ne fait aucun doute que La Fontaine a su piller cet étrange redresseur de torts, amateur de musique et de gravure.

On ne s'étonnerait pas non plus qu'Apollinaire ait connu le subtil > des Oyseaux.

BIBLIOGRAPHIE Il n'y a pas d'édition moderne des Chansons spirituelles de 1548.

quoique certaines soient citées dans des recueils de chan­ sons protestantes.

Cf.

G.

Becker, Guillaume Guéroulr er ses Chansons spi ri welles.

Paris, 1880: H.L.

Bordier, le Chansonnier lwguenor.

Paris.

1870.

La chanson « Susanne, un jour, d·Amour sollicitée » a été publiée dans un article essentiel (avec deux mises en musique) : K.J.

Levy, «Susanne.

1111 jour; The History of a !6th Century Chanson».

Annales musicologiques.

l, 1953.

Le Premier Livre des emblèmes de 1550 a été publié par de Vaux de Lan cey , avec une notic e im po rta n te sur Guéro ult , Rouen.

1937.

L 'Epistre du seigneur de Brusquer aux magnifiques et hono­ rés seigneurs Syndic;; er Conseil de Genève de 1559 est publié par E.

Balmas, à la fin de son artic le « Guillaume Guéro ul t, "terzo uomo" del processo Serveto », Montaigne a Padova, Padoue.

1962.

p.

218-223.

Les gravures illustrant l' Épiromé de la Corographie d'Europe de 1553 sont reproduites part iellem en t dans J.

Baudrier.

Bib lio ­ graphie lyonnaise, t.

X, reprint 1964 (Paris, F.

de Nobele), p.

137 sqq.

La Lyre cltresrienne de 1560 est décrite dans F.

Lacb èvre , Recueils collecrifs.

Pari s , 1922, p.

205-206.

A consulter.

-A.

Cartier,. »

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