GRENIER Jean : sa vie et son oeuvre

GRENIER Jean (1898-1971). Philosophe, essayiste et romancier, Jean Grenier a mené l’existence réservée d’un humaniste voué à la réflexion et à l’écriture. Né à Paris, il passe son enfance et sa jeunesse en Bretagne, dont les paysages de brumes et de grèves inspireront ses premières rêveries sur l’inconsistance des choses et la fluidité du réel. Après des études de philosophie marquées par la lecture de Schopenhauer et de Jules Lequier, qui fera l’objet de sa thèse, il obtient en 1922 l’agrégation. Au hasard des postes d’enseignement qu’il occupe (Alger, où il a pour disciple Albert Camus, Naples, Alexandrie, Le Caire), il découvre l’univers de la Méditerranée qui lui paraît impliquer une fervente adhésion à la vie.

Il reçoit en 1968 le Grand prix national des Lettres et achève sa carrière à la Sorbonne, comme titulaire de la chaire d’esthétique. Mieux que sa biographie, l’examen de ses écrits révèle, par sa diversité, l’originalité d’un homme sensible, curieux, disponible, dont on voit sans peine la parenté intellectuelle avec Jean Paulhan (leur Correspondance sera publiée en 1984). L’œuvre de Jean Grenier ne relève nullement d’une pensée linéaire; il s’est en effet penché aussi bien sur les problèmes de la philosophie morale (Essai sur l'esprit d'orthodoxie, 1938; Entretiens sur le bon usage de la liberté, 1948) que sur la critique d’art (il fut l’auteur d’une étude sur la poésie contemporaine) ou le récit qu’il conçoit de façon assez informelle — à la fois évocation de souvenirs personnels quelque peu métamorphosés et analyses de la vie quotidienne (les Iles, 1959; Inspirations méditerranéennes, 1961; Zes Grèves, 1957; Voir Naples, posth., 1973).

A bien des égards, la réflexion de Grenier semble avoir hérité de Paul Valéry : même vertige existentiel devant les contradictions qui naissent de la pensée consciente, même goût des lieux méditerranéens, même scepticisme face aux opinions arrêtées :