Grand oral du bac : La poésie espagnol(Histoire de la littérature)
Publié le 15/11/2018
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RIGUEUR ET PROFONDEUR
Fortement influencée par le christianisme dans un premier temps, l'histoire de la poésie espagnole est souvent empreinte d'un esprit satirique et d'un regard critique sur la société de son temps. Bien que toute cette histoire soit jalonnée d'auteurs d'exception, deux périodes furent particulièrement florissantes : le Siècle d'or (xvie siècle) et le XXe siècle. Si les styles sont très variés, le destin de l'homme et son attitude face à la mort sont des thèmes qui préoccupent très souvent les auteurs. La richesse et la qualité de la poésie espagnole lui confèrent un retentissement mondial.
LES ORIGINES
• La poésie castillane émerge au Moyen Âge, vers le xie siècle. Auparavant alors que le pays était aux mains des Romains, les livres et manuscrits étaient écrits en latin. Lors de la conquête des Maures se développe une littérature arabe espagnole.
• C'est de cette tradition que naissent vers 1150 les kharjas, de courts poèmes lyriques rédigés en castillan. Axés sur des thèmes chrétiens, ils n’en reprennent pas moins les derniers vers d'un moaxaja (poésie arabe populaire du Ve siècle).
Les ménestrels, ou jucimis
Ils popularisent une poésie épique et lyrique dont la particularité est de traiter d'événements historiques récents (lutte contre les Maures ou rivalités entre seigneurs) plutôt que de thèmes mythiques ou anciens.
• Le premier et le plus célèbre de ces poèmes anonymes est le Poème du Cid (Cantar de mio Cid) datant du xiie siècle. Ce chef-d'œuvre de la poésie épique
médiévale conte les aventures de Rodrigo Diaz de Bivar, dit le Cid Campeador (1043-1099), dans son combat contre les Maures lors de la reconquista, et de sa prise du royaume de Valence, où il meurt. On y exalte le courage et la loyauté avec un talent narratif remarquable.
Le métier de clergie
Au xiiie siècle apparaît une nouvelle école littéraire, dite du métier de dergie (mester de derecia), qui observe de strictes structures et règles métriques, en réaction contre la liberté dont les juglares avaient fait usage en matière de prosodie. Les sujets en sont les légendes et les histoires concernant les saints et des récits issus de la culture latine. Ils sont rédigés par des clercs dans les monastères. Parmi les grands auteurs de l'époque, citons Lôpez de Ayala et son poème Rimado de palado, et surtout Conzalo de Berceo.
Conzalo de Berceo (v. 1195-v. 1164) Né dans le village de Berceo, en Castille, il est le premier poète espagnol à connaître la célébrité. Son style simple d'une exquise facture font de ces textes des chefs-d'œuvre de la littérature religieuse, en particulier Miracles de Notre Dame. Ces autres œuvres les plus significatives sont Le Martyre de saint Laurent et La Vie de saint Dominique de Silos.
La poésie courtoise
La force et la sensibilité qui se dégagent de l'écriture de Juan Ruiz (v. 1290-v. 1350), archiprêtre de Hita, amorce une transition qui atteindra sa pleine maturité durant le Siècle d'or. Son Livre de bon amour (1343), où se mêlent toutes les formes traditionnelles de l’art poétique médiéval, ouvre une veine satirique qui fera de nombreux émules.
• C'est au xve siècle que la production littéraire espagnole se développe considérablement en partie grâce à la naissance de l'imprimerie. L'influence italienne, qui est très présente, commence à en modifier la forme littéraire. L’amour devient l'un des thèmes principaux. On passe des monastères à la cour des châteaux. Ces histoires, extraites des épopées sont assemblées en romanceros, recueils de courts poèmes assez semblables à des ballades.
Juan de Mena (1411-1456)
Ce chroniqueur royal, poète favori du roi Jean II, est le maître de cette poésie de cour. Son chef-d'œuvre, Le Labyrinthe de Fortune, est conçu sur le modèle de L'Enfer de Dante : ce long poème allégorique de 300 strophes à la gloire du seigneur Alvaro de la Luna promène le lecteur à travers sept cercles planétaires.
Inico Lôpez de Mendoza, marquis de Santillana (1398-1458)
Cet aristocrate lettré, bibliophile et guerrier, est l'auteur de 42 sonnets (dont Sonnets à la manière italienne) et de 18 «chansons» (Proverbes que les vieilles disent au coin du feu). Ses Proverbes (1437) sont destinés à l'éducation d'un jeune prince, et dans L'Enfer des
Fernando de Herrera (1534-1597)
Surnommé le Divin par ses compatriotes, ce chef de l'école sévillane a fixé les règles de versification et de métrique de la poésie, a enrichi son vocabulaire et a défini l'idéal poétique en quatre mots : grâce, clarté, gravité, honnêteté. Il annonce le style baroque avec son chef-d'œuvre d'un lyrisme éclatant, La Bataille de Lépante (1571).
La poésie baroque
Trois grands noms succéderont à Herrera, qui contribueront pour une large part à la renommée du Siècle d'or, justifieront cette formule et ouvriront la voie au baroque : Luis de Gôngora, Lope de Vega et Francisco Quevedo. Chacun cultive un raffinement extrême, construit sur la prolifération de procédés rhétoriques, notamment la métaphore.
«
LE
XIX • SIÈCLE
ET LE ROMANTISME
Le mouvement est esquissé par
NICOLAS fERNANDEl DE MORATIN
(1737- 1780), DIT MoRATIN t'ANCIEN,
qui introduit le
classicisme à la
française dans
son pays.
On
retiendra sa
tragédie Lucrèce
(1763), sa
comédie La
Petimetra (1762) et pour la poésie,
La Fiesta de taros en Madrid et l'épique
Destruction des vaisseaux de Cortés.
Une période de stagnation s'ensuit,
due en partie au régime absolutiste
de Ferdinand Vil et à l'invasion de
l'Espagne par Napoléon.
La mort du
monarque entraîne une explosion
du mouvement romantique, dont les
figures de proue sont José de
Espronceda, Gaspar Nuiiez de Arce
et Gustavo Adolfo Bécquer.
Ce chantre de
l'esprit de révolte
des romantiques
marque sa poésie
à la fois de
révolte sociale,
aiguisée par son
esprit socialisant
et de sa
métaphysique.
On lui doit Le Diable
monde, un poème philosophique, et
différentes odes comme La Chanson
du pirate et L'Hymne au soleil.
GASPAR NUiiEZ DE AICE (1834- 1903)
Cet homme politique, élu en 1865
député conservateur aux Cortès de
Valladollid, a laissé une dizaine
d'œuvres dramatiques.
Il est surtout
connu pour sa poésie lyrique, classique
de forme, exaltée et romantique sur le
fond : Cris de combat {1875).
Il occupe une place particulière :
méconnu de son temps, il sera célébré
comme le poète de l'intimisme
avec ses Rimas, où il développe
une mystique de l'amour, faite
d'alternances entre l'abstraction,
la sensualité, l'ironie et le désespoir.
Il écrit également des œuvres
fantastiques comme Légendes, recueil
qui ne sera publié qu'après sa mort.
li
exercera une forte influence sur Juan
Ram6n Jiménez et Rafael Alberti.
LA GÉNÉRATION DE 1898
La dernière décennie du XIX' siècle se
caractérise par une intense activité
créatrice, autour d'un groupe
d'écrivains baptisé la «génération de
1898».
Tournant le dos à une grandeur
disparue (l'Espagne perd ses dernières
colonies), ce sont des adeptes de la
libéralisation et de la modernisation du
pays et de fervents défenseurs de
la spécificité culturelle espagnole.
Sur le plan littéraire, ils s'attachent à
renouveler les techniques, les images,
les rythmes et les rimes.
Dans le
domaine poétique, les deux grandes
figures de cette époque sont sans
conteste Miguel de Unamuno et
Antonio Machado.
MIGUEL DE UNAMUNO (1864-1936)
Philosophe, philologue, romancier,
auteur dramatique, pamphlétaire,
professeur de grec (1891), puis recteur
(1914) de l'université de Salamanque, il
recherche et exalte l'âme de l'Espagne
éternelle dans une perspective
individuelle qui annonce
l'existentialisme.
Tiraillé entre foi et
raison, il est l'une des premières figures
d'intellectuel engagé, ce qui lui vaut la
déportation aux iles Canaries puis l'exil
en France.
Il participe à l'instauration
de la république et meurt au début de
la guerre civile.
Poésies (1907), Rosaire
de sonnets lyriques {1912), Rimes de
l'intérieur (1923), Romancero de J'exilé
(1928) et Cancionero (posthume, 1953)
sont ses principales œuvres poétiques.
un temps
professeur
de français au
lycée de Soria,
en Vieille
Castille, publie
ses premiers poèmes Solitudes
(So/edades, Galer/as y Otros Poemas,
1907) après un séjour à Paris, puis,
revenu en Andalousie, Les Paysages de
Castille (Los Campos de Costilla, 1912),
une œuvre méditative inspirée de
Miguel de Unamuno.
À la mort de sa
femme, en 1912, le poète se consacre
à traduire, au moyen de l'écriture
poétique, l'inquiétude intérieure d'un
esprit entièrement voué à la réflexion
philosophique.
Tout en célébrant le
paysage, l'histoire, le peuple et l'esprit
de la Castille, il médite sur le passé et
le présent, la vie et la mort.
Sa poésie
mêle des influences romantiques.
symbolistes et populaires, et dessine
des symboles entre songe et réalité.
Il
s'exile en France quand la guerre civile
fait rage et meurt à Collioure.
LA GÉNÉRATION DE 1927
Le vigoureux courant intellectuel
provoqué par la génération de 1898
continue son rayonnement après la
Première Guerre mondiale.
Une
brillante génération de poètes, dite
«génération de 1927 », apparaît à la
fin des années 1920 et au cours des
années 1930.
Tout cet élan de créativité se voit
brutalement interrompu par la guerre
civile.
De nombreux intellectuels se
taisent ou partent en exil.
Cependant
parmi les premières œuvres du
xX' siècle, on remarque le travail d'un
poète andalou qui obtiendra le prix
Nobel en 1956, Juan Ram6n Jiménez.
Jiménez ouvre la voie à cette
génération de poètes d'exception que
sont Federico Garcia Lorca, Jorge
Guillén, Luis Cernuda, Pedro Salinas,
Rafael Alberti et Vicente Aleixandre, et
exerce une influence considérable sur
ses confrères.
Ce
proche de
Jiménez est à
la fois poète,
écrivain et
peintre.
Influencées
par Gongora,
ses premières
œuvres sont
d'inspiration populaire et de forme
raffinée (Cal y Canto, 1929) puis
d'inspiration surréaliste (Sermons et
Demeures, 1929).
Après L'Hamme
inhabité (1931), il se lance dans
l'activisme révolutionnaire.
Contraint
à l'exil, il évoque alors de manière
lyrique l'Espagne féodale et mystique :
Entre l'œillet et l'épée (1941), Oro
maritima (1953).
Avec La Gallarda
(1945), il exalte la liberté de l'homme.
Il rentre en Espagne après la
publication de Mépris et Merveille
(1974).
VICENTE ALEIXANDRE (1898-1984)
Ses premières œuvres sont
d'inspiration surréaliste et panthéiste.
Le style y est sensuel et richement
imagé.
Dans cette veine, citons Ambito
(1928), La Destruction au l'Amour
(1933), Ombre du paradis (1944).
Après la guerre, son style s'ouvre au
monde contemporain et à l'expression
de la solidarité humaine, notamment
avec Didlogas del conocimienta (1974).
Il obtient le prix Nobel en 1977 pour la
modernité d'un style qui a marqué son
temps.
Salinas, influencé
par le surréalisme,
c'est le poète de
la solitude et du
déchirement.
Cette poésie de la
méditation consiste
en quatre étapes :
les années d'apprentissage, la
jeunesse, la maturité et le
commencement de la vieillesse.
Cette
veine tourmentée excelle dans Profil
de l'air (1927).
Donde habite el olvido
(1927).
Il réalise son œuvre majeure
en 1936, La Réalité et le Désir.
Exilé en
1938, il meurt a Mexico.
exprime mieux
que personne
l'esprit
populaire de l'Espagne, dont il
emprunte à toutes les traditions.
S'il doit sa célébrité à son théâtre,
son travail poétique eut un grand
retentissement, notamment pour sa
force de communion avec l'humanité.
Il réunit ses diverses inspirations
lyriques de l'Espagne dans Romancero
gitan (1928).
Il voyage en Angleterre, à
Cuba, et aux États-Unis (il vit neuf mois
à New York).
Parmi ses principaux
poèmes, citons Poème du Cante Jondo
(1931} et Un poète à New York, inspiré
de son séjour.
Après la rédaction de Chant
funèbre pour Ignacio Sanchez
Mejfas (1934), il est arrêté par un
escadron de la mort franquiste et
fusillé le 19 août 1936.
lORCE GUILLÉN (1893-1984)
Mêlant la tradition de G6ngora et
l'intellectualisme moderne, Guillén se
fait connaître
par un
recueil
poétique
d'une grande
rigueur
formelle:
Cantique
(1928).
Ce
recueil, qu'il
remanie sans
cesse jusqu'en 1950, sert de socle à
son travail.
Guillén s'exile en 1939 aux
États-Unis.
Sa poésie traduit dès lors
un pessimisme croissant, que l'on
retrouve dans son œuvre en trois
volumes, Clamor {1936-1950), traitant
de questions sociales et politiques.
JUAN RAMON JIMÉNEZ (1881-1958)
Son travail vise à parvenir, hors de tout
engagement politique, philosophique
ou social, à
l'expression
idéale de la
pensée.
Platera et
moi(1917)
constitue
l'œuvre
phare de
cette première
période.
Suivront Éternités en 1918 et Unité en
1925.
L'Extase totale, texte de référence
de sa dernière phase créatrice, célèbre
l'union de la poésie et du monde.
Il
reçoit le prix Nobel en 1956, deux ans
avant sa mort à Porto Rico.
PEDRO SALINAS (1892·1951)
Professeur, romancier et poète, il
s'exile aux États-Unis en 1936 et y
mourra.
Selon son désir, il sera
inhumé tt Porto Rico.
Sa poésie allie
le génie.
la beauté et une authenticité
remarquable.
Et, par-dessus tout,
Salinas reste un grand poète de
l'amour.
Sa poésie réunit a la fois
l' a vant -ga rde et la tradition.
Sa
recherche de l'essentiel rend son
écriture simple, mais pour celui qui
recherche la profonde complexité
de la réalité, elle est complexe.
Ses
œuvres majeures de jeunesse sont
Présages (1923), Le Hasard certain
(1929), Fable et Signe (1931).
Ses
œuvres les plus accomplies sont
Raison d'amour (1936} et El
Contemp/odo {1946).
LA GÉNÉRA TION DE
1936
La génération qui suit que l'on appelle
parfois «génération de 1936 », est
directement aux prises de la censure
franquiste.
Elle esquive l'écueil en se
tournant vers l'expression de la foi
religieuse pour certains, mais tous
développent une forme de lyrisme
intime.
Les plus en vue de cette
mouvance sont German Bleiberg,
Carmen Conde, Luis Felipe Vivanco,
Juan Panera, Leopoldo Panera, Luis
Rosales Camacho, Dionisio Ridruejo et
surtout Miguel Hernandez.
Cet
autodidacte, qui publia ses
premiers poèmes dès 1930, est un
auteur engagé, un combattant
républicain pendant la guerre civile.
Son œuvre majeure est L'Éclair
ininterrompu (1936).
Arrêté et jeté en prison, il meurt de
tuberculose dans la prison d'Alicante
en 1942.
Son Recueil d'absence, écrit
en cellule, sera publié en 1958.
Ses poèmes ont été popularisés par
le chanteur Paco lbanez.
QUELQUES CONTEMPORA INS
Tous les poètes héritiers de la
génération de 1936 ont en commun
une certaine inquiétude pour l'avenir
de l'Espagne.
Leur poésie est
éminemment subjective.
Cependant,
leur vision du monde se veut plutôt
sereine, parfois religieuse.
Les plus en vue sont José Hi erra,
qui représente le courant de
l'antiesthétisme, Bias de Otero, Gabriel
Celaya et José Angel Valente.
GABRIEL CELAYA (1911
-1991)
Il écrit ses premiers poèmes en 1932
et publie Mer de silence en 1935.
Il se consacre pleinement à l'écriture
à partir de 1952.
Ami de Pablo Neruda
et de Machado qu'il visite en France,
certains de ses poèmes seront mis en
musique par Paco lbanez.
Parmi son œuvre, citons Contas Jberos
(1955), Musique Céleste (1958), Un
mande ouvert (1986}.
losi HIERRO
(1922·2002)
Fils spirituel de la génération de 1927,
il est jeté en prison pendant la guerre
civile.
libéré, il s'installe à Valence,
où il commence à écrire Terre sans
nous {1947) puis Joie.
Il fonde les
revues Carcel, puis Proe/ avec Ricardo
Guillon.
Un des symboles de la poésie
de Hierro est la mer.
La musique constitue aussi une partie
essentielle de sa poésie, qui est avant
tout musique des mots, extension de
la vie.
Son dernier livre de poèmes,
Cahier de New York, est co nsi dé ré par
la critique comme une des œuvres
majeures de la poésie contemporaine.
BLAS DE 0TIIO (1916·1979)
Sa première œuvre, Cantique spirituel
(1942), rappelle la mystique de Jean
de la Croix.
Avec Ange férocement humain {1950),
Roppe/ de conscience (1951 ), Je
demande Jo paix et la parole (1955),
Parler clair (1959}, Ceci n'est pas un
livre (1953) et Tandis que {1970), il
s'affirme comme un combattant
antiélitiste, qui parle au nom du plus
grand nombre.
Jost ANGEL VALENTE (1929·
)
Enseignant pendant quelques années à
l'université d'Oxford, il vit à Genève de
1958 à 1980.
Il partage aujourd'hui sa
vie entre Almerfa, Genève et Paris.
Ce
poète de l'indicible, pourtant héritier
de la tradition espagnole, travaille sur
le vide, le rien.
Parmi son œuvre, on retient L'Innocent
(1967), La Fin de l'âge d'argent {1973),
Intérieur avec figure (1976), Paysage
avec des oiseaux jaunes (1989).
En
1994, il reçoit le prix national de
poésie..
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