Giraudoux, "Electre", Acte I scène 4
Publié le 17/01/2022
Extrait du document


«
Le lyrisme se traduit par de nombreux points de suspension et de fréquentes tournures exclamatives (six dans notre extrait).
On note l'harmonie imitative et les jeux allitératifs en [s], en [r] et en [1] qui suggèrent l'écoulementde l'eau dans la phrase : «D'une source que la canicule ne tarit point, s'écoule entre les buis et les platanes le ruisseau dont j'ai dérivé deux rigoles, l'une sur prairie, l'autre taillée en plein roc.
»
Dans ce jardin poétique, la fiancée constitue la plus belle fleur (ou le plus beau fruit inaccessible), d'où la transitionprévisible à la fin de l'une des tirades amoureuses : «En ce début de printemps tout n'est que jacinthe et narcisse. Je n'ai jamais vu sourire Électre, mais c'est dans mon jardin que j'ai reconnu sur son visage ce qui ressemble leplus au sourire! » Par la suite, il s'adresse directement à elle en la vouvoyant respectueusement : «Ne la croyez pas, Électre.
[...] Moi, je coucherai dans le hangar Électre, d'où je surveillerai toute menace à votre sommeil[...].» Comme le montrent ses réponses, bienveillantes mais exagérément brèves ( « Cher jardinier..», «Merci, jardinier»), Électre n'entre pas vraiment dans ce discours amoureux qui reste un monologue lyrique et ardent.
Duel verbal.
De manière encore plus nette, Électre refuse d'entrer dans le jeu de l'amour maternel, et sa haine filiale est encore plus sensible que l'hostilité de Clytemnestre à l'égard du gendre potentiel.
Il s'ensuit unrenversement complet des rapports de forces : dans la première partie du texte, Clytemnestre écrasait le jardiniersous son mépris de souveraine, l'obligeant à déployer toute son éloquence pour combattre ses tentativesd'intimidation ( « Ose parler de ce jardin ! »), ses menaces ( « Tu n'auras pas Électre », «Et ainsi vivra Électre ») et ses insultes ( «Le sourire à ta main sale, à tes ongles noirs...»).
Avec Électre, le ton et l'attitude de Clytemnestre changent : ils révèlent la faiblesse de la mère cherchant vainement à reconquérir l'amour de sa fille («Ma petite Électre...
», déclaration maternelle qui s'attire une réplique cinglante d'Électre, «Je ne suis pas ta petite Électre.
»), ainsi que sa fragilité de femme accusée qui ne parvient à se disculper ( « La cause est entendue», comprend Égisthe).
Son discours emphatique est saturé d'exclamations, martelé par des répétitions obsédantes(«Et», «Jamais», «Pourquoi »).
Clytemnestre ne donne plus d'ordres, ne profère plus de menaces ( «Épouse Électre, jardinier, et tu es tué!»), mais elle implore inlassablement sa fille triomphante ( «Électre, je t'en prie», «Je t'en supplie»: « Que faut-il donc te dire pour te rappeler qui je suis, qui tu es! »).
Sa défaite se traduit par des propos de plus en plus réduits : son départ final s'apparente à une retraite précipitée ( «Partons, Égisthe...
»).
Elle s'efface piteusement devant l'image rayonnante de la mère idéale, de la « vraie mère » que lui présente sa fille : «Elle peut encore être une courbe, une conque, une pente maternelle, un berceau.
»
Les témoins — plutôt favorables au jardinier — de ce jeu d'attaque et de défense sont Égisthe ( « Cela va, jardinier», «Prépare dès demain tes semis d'immortelles ») et le Mendiant («Laissez-vous convaincre, reine ») ; ce dernier est le témoin le plus lucide : il joue son rôle de commentateur de l'action avec une liberté provocatrice ( «Oui, oui, qu'elles recommencent», «Elles sont folles ! ») mais sait apaiser les réactions violentes qu'il pourrait susciter («Égisthe s'est levé»), car il manie à merveille l'art de l'esquive : «Mais j'ai bu un peu aujourd'hui...».
(CONCLUSION)
Cette scène, placée sous le signe de l'affrontement, se déroule en l'absence d'Oreste (voir la fin de la scène 3).
Etpourtant, il n'est question que de lui dans la querelle qui oppose la mère et la fille : en exhumant le souvenir de lachute du frère, Électre paraît donc habitée par l'attente de son retour.
Il importe aussi de noter que dans les deux disputes auxquelles elle participe, Clytemnestre est perdante : lemariage a bien lieu ; elle doit fuir devant sa fille.
Cette défaite, préfiguration de l'issue du drame, souligne, dès lapremière apparition d'Électre, la force conquérante de sa haine..
»
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