Giorgio STREHLER : « Dans L'Illusion comique nous avons été frappé essentiellement par cette métaphore de la vie de l'homme qui utilise le théâtre pour une démonstration de la relativité des liens et des sentiments des protagonistes des scènes du monde ou ce joue l'aventure humaine »
Publié le 12/03/2012
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Pierre Corneille (1606-1684) est un auteur et dramaturge Français. Son chef d'oeuvre L'Illusion comique rédigée entre 1635-1636 est une pièce baroque par excellence. Elle a pour sujet le théâtre lui-même, qui est évoqué de manière tantôt symbolique, tantôt réelle. Le baroque en général met en scène une certaine vision du monde, qui, selon cette vision, rien n'est stable et tout est éphémère. L'Illusion comique est la pièce la plus représentative de ce mouvement. Celui-ci privilégie le déplacement et le changement en y mêlant l'apparence, contrairement à l'esthétique classique qui prône l'universalité de la nature et de l'homme. Dans L'Illusion comique, Primadant un vieux père cherche depuis dix ans son fils qui s'est enfui du cocon familial. Après de longues recherches infructueuses, il rend visite à un magicien qui va lui révéler les aventures de son fils par le biais d'illusions : « Sous une illusion vous pourriez voir sa vie … Par des spectres pareils à des corps animés ; il ne leur manquera ni geste, ni parole « (vers 150-153).
L'Illusion comique est une pièce de théâtre qui prend le théâtre comme sujet. Corneille met en scène le théâtre pour en faire son éloge, prouver ses vertus et ainsi en célébré les avantages moraux qu'il dégage. Le second thème majeur que l'on peut également relever dans l'oeuvre de Corneille, est, la mise en scène du « théâtre du monde «. Cette expression venant du latin « theatrum mundi « s'applique à une conception religieuse de la vie et de l'homme selon laquelle, le monde est un théâtre sous le regard de dieu. On peut dès lors qualifier la vie de pièce de théâtre ou chacun y joue un ou plusieurs rôles au travers de différents masques.
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thème majeur que l'on peut également relever dans l'oeuvre de Corneille, est, la mise en scène du « théâtre dumonde ».
Cette expression venant du latin « theatrum mundi » s'applique à une conception religieuse de la vie et del'homme selon laquelle, le monde est un théâtre sous le regard de dieu.
On peut dès lors qualifier la vie de pièce dethéâtre ou chacun y joue un ou plusieurs rôles au travers de différents masques.
A ce sujet, le metteur en scèneItalien Giorgio Strehler dit : « Dans L'Illusion comique nous avons été frappé essentiellement par cette métaphore dela vie de l'homme qui utilise le théâtre pour une démonstration de la relativité des liens et des sentiments desprotagonistes des scènes du monde ou ce joue l'aventure humaine ».
En effet, le sentiment à une part importantedans l'oeuvre, il est présent chez tous les protagonistes mais de façons inégal et différent.
Pour Clindor c'est lesentiment d'amour volage, Isabelle l'amour passionnel/aveugle et Lyse l‘amour inaccessible.
Pour Adrastec'est aussi un sentiment amoureux, mais celui-ci est plus sournois.
Rosine représente l'amour frénétique sur lequel selie l'adultère.
Pridamant et Géronte sont quant à eux rongés par l'amour paternel.
Pridamant cherche en vain son filset Géronte endosse le rôle du père soucieux de l'avenir de sa fille.
Dorante quant à lui représente certainement lesentiment amical, celui qui va en aide à un ami dans le besoin.
En effet, c'est Dorante qui présente Alcandre àPridamant.
Cette étroite relation entre Dorante et Pridamant s'illustre avec le vers 159 : « Pour un si bon amie jen'ai point de secret.
».
Les sentiments des protagonistes sont tous incertains face à l'avenir, pour les uns, lessentiments apparaissent réels, pour d'autre, bien moins sincères.
C'est dans l'errance et dans les erreurs que lespersonnages vont progresser au coeur de cette aventure humaine différente pour chacun des personnages.
Ainsi d'après la citation de Giorgio Strehler et de nos connaissances, nous verrons en quoi le théâtre estune réalité fictive de la vie? Dans une première partie nous analyserons L'Illusion comique entre réalité et fiction.Dans une seconde partie nous verrons l'Illusion comiques « entres sentiments véritables et fictifs ».
Puis enfinl'aventure humaine et le théâtre de la vie.
La pièce de Corneille est du faite de sa construction sur trois niveaux, très complexe et difficile à cerner.Le premier niveau correspond aux dialogues entre Alcandre et Pridamant, deux hommes ayant étaient présentés parDorante.
Un père (Pridamant) cherche désespérément son fils.
Ses recherches l'on conduit partout (v.34) : « le Pô,le Rhin, La Meuse, et la scène, et le Tage ».
Il tente par tous les moyens de retrouver son enfant, même enaffrontant les puissances mystiques comme mages et sorciers (v40-41) : « J'ai déjà sur ce point consulté les enfers,j'ai vu les plus fameux en ces noirs sciences ».
Son désespoir pousse Dorante à présenter Alcandre à ce père quisouffre la fugue de son fils.
Dorante qui vante les mérites du mage laisse tout de même hermétique le père deClindor.
Cependant le scepticisme de Pridamant va disparaitre dès la première illusion et la mise en valeur de latoute-puissance d'Alcandre et de l'étendue de ses pouvoirs (en devinant par exemple la venue de Pridamant).Alcandre montrera à Pridamant les aventures de son fils au fond de sa grotte.
Ainsi Pridamant endossera, comme authéâtre, le statut de spectateur et Alcandre de metteur en scène.
Le second niveau correspond à la résurrectiondes faits passée de Clindor par le biais des pouvoirs d'Alcandre.
Celui-ci va retracer les péripéties clefs de la vie deClindor en les lui montrant par le biais de spectres pareille à des êtres humains : « Sous une illusion vous pourriezvoir sa vie … Par des spectres pareils à des corps animés ; il ne leur manquera ni geste, ni parole » (vers 150-153).
Par la grotte, Pridamant comprendra que son fils est rentré aux services d'un certains Matamore.
Cet épisodeprendra la forme de récit enchâssé au sein du premier niveau.
Il correspond à l'acte2, 3 et 4 de la pièce de théâtre.Enfin, le troisième niveau correspond au dernier acte.
Dans ce troisième niveau, Clindor, Isabelle et Lise sontdevenues acteur.
Dans les premières parties de l'acte le spectateur pense que ce qu'il a sous les yeux n'est que lasuite des aventures des trois protagonistes.
En fait ce n'est que les personnages en pleine exercice de leursfonctions.
Un second récit, quant à lui fictif s'enchâsse dans le spectacle général.
Dès lors le spectateur tout comme Pridamant sont perdus entre le réel et la fiction.
Cette cohérence qu'il ya entre l'acte2, 3 et 4 puis l'acte 5 vont induire le spectateur en erreur.
Dans les actes2, 3 et 4 Clindor était auservice de Matamore après s'être enfuit de chez son père (v.497) : « Banni de mon pays par la rigueur d'un père ».Durant ces actes, Clindor tombe amoureux d'une femme beaucoup plus riche qui se nomme Isabelle (v.494) : « Quej'adore Isabelle/ que je n'ai plus de coeur ni d'âme que pour elle ».
Cependant, Clindor est rongé par la pauvreté etpar l'hostilité de Géronte qui veut à tout prix marier sa fille à Adraste.
Un mariage d'intérêt bien plus qu'un mariageamoureux.
Malgré cet écart entre les deux jeunes gens, Isabelle est décidé à suivre son amour Clindor en fuyant lecercle familial.
Or qu'est-ce que constate le spectateur dans le cinquième acte ? Les deux jeunes gens sont auxservices d'un grand seigneur qui se nomme Florilame.
Les deux jeunes gens sont mariés, le mari étant d'originemodeste qui a fui le cocon familial très tôt pour se marier avec une femme beaucoup plus aisée que lui.
Lessimilitudes sont telles que le spectateur ne voit pas ce qui se joue réellement sous ses yeux, du fait, de lavraisemblance des deux situations.
Le spectateur pense être dans la continuité de ce couple picaro.
Or l'acte 5n'est qu'un extrait d'une pièce de théâtre qui montre Clindor, Isabelle et Lyse dans leur vie professionnelle.
Idempour le thème de l'amour qui est représenté de manière quasi similaire entre les deux derniers niveaux.
Pour lesecond niveau, il se caractérise à travers l'amour aveugle mais fortement passionnel d'Isabelle, par l'amour libertin etvolage de Clindor, l'amour envahissant et sournois d''Adraste et l'amour jaloux de Lyse.
Dans l'Acte 5 on retrouve lesmêmes caractéristiques sentimentales chez Isabelle et Clindor, auxquelles s'ajoute l'amour frénétique de Rosine.
Orce troisième niveau n'est qu'une pièce de théâtre qui revête la vie et ses différentes facettes ce qui accentue lecaractère de la vie humaine représenté dans l'Illusion comique.
Cette illusion dont est victime le spectateur et Pridamant n'est que le fruit du dramaturge lui-même.
Quandnous parlons de dramaturge, nous parlons bien évidement de Corneille mais aussi d'Alcandre.
Alcandre entend offrir àPridamant les faits passés de son fils par le biais de personnages acteurs pareils à des spectres animés (v.
152-153).
Dès lors tout s'apparente au théâtre, Alcandre entend raconter cet histoire dans sa grotte la nuit, qui seule(la grotte) sera illuminée par les « rayons d'un faux jour » (v.4).
Cette atmosphère que crée Alcandre laisse penseraux salles de théâtre de l'époque qui étaient très sombres, et où, seule l'estrade était illuminée.
Mais l'atmosphèreirréelle et mystique que crée Alcandre se joue également sur tonalité, il laisse entrevoir un monde mystérieux etinquiétant que l'on constate par l'utilisation flagrante des différents champs lexicaux liés à la magie et à la nature.« Charmes » (v.121, 211,214), « noires sciences » (v.41), « tonnerre » (v.49) … tous ces termes suscite.
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