GIONO, Regain: Vous analyserez les impressions que vous ressentez à la lecture de ce texte et vous montrerez que la composition et la forme s'accordent étroitement avec la tonalité de l'ensemble.
Publié le 11/09/2014
Extrait du document

TEXTE
Aubignane est collé contre le tranchant du plateau comme un petit nid de guêpes ; et c'est vrai, c'est là qu'ils ne sont plus que trois ? Sous le village la pente coule sans herbe. Presque en bas, il y a un peu de terre molle et le poil raide d'une pauvre oseraie.
GIONO 69
Dessous, c'est un vallon étroit et un peu d'eau. C'est donc des maisons qu'on a bâties là; juste au bord, comme en équilibre, puis, au moment où ça a commencé à glisser sur la pente, on a planté, au milieu du village le pieu du clocher et c'est resté tout accroché. Pas tout : il y a une maison qui s'est décollée, qui a coulé du haut en bas, toute seule, qui est venue s'arrêter, toute les quatre fers d'aplomb, au bord du ruisseau, à la fourche du ruisseau et de ce qu'ils appelaient la route, là contre un cyprès.
C'était la maison de Panturle.
Le Panturle est un homme énorme. On dirait un morceau de bois qui marche. Au gros de l'été, quand il se fait un couvre-nuque avec des feuilles de figuier, qu'il a les mains pleines d'herbe et qu'il se redresse, les bras écartés, pour regarder la terre, c'est un arbre. Sa chemise pend en lambeaux comme une écorce. Il a une grande lèvre épaisse et difforme, comme un poivron rouge. Il envoie la main lentement sur toutes les choses qu'il veut prendre, généralement ça ne bouge pas ou ça ne bouge plus. C'est du fruit, de l'herbe ou de la bête morte : il a le temps. Et quand il tient, il tient bien.
De la bête vivante, quand il en rencontre, il la regarde sans bouger ; c'est un renard, c'est un lièvre, c'est un gros serpent de pierrailles. Il ne bouge pas ; il a le temps. Il sait qu'il y a, quelque part, dans un buisson, un lacet de fil de fer qui serre les cous au passage.
Il a un défaut, si on peut dire : il parle seul. Ça lui est venu aussitôt après la mort de sa mère.
Comme il est naturel, dans ce site presque abandonné, la civilisation disparaît. Du chemin il ne reste plus qu'un souvenir (« ce qu'ils appelaient la route «). A en juger par l'impression d'ensemble qui s'en dégage, le village semble participer à la vie de la nature, mais à une vie non domestiquée : il «est collé contre le tranchant du plateau comme un petit nid de guêpes «. Panturle s'harmonise étroitement avec ce milieu. Par son aspect il s'en distingue à peine : « on dirait un morceau de bois qui marche «. Quant il se fige dans certaines attitudes : « les mains pleines d'herbe... les bras écartés «, l'illusion est complète : « il est un arbre «. Et jusque dans le détail, la même impression se renforce : « sa chemise pend en lambeaux comme une écorce «, sa lèvre, par ses dimensions et sa couleur, évoque irrésistiblement « un poivron rouge «. On dirait que le lieu l'a modelé à son image. Son mode de vie marque aussi une régression. Ce n'est plus de la culture mais de la chasse qu'il tire sa subsistance. Et dans la quête du gibier il a la patience des animaux chasseurs.

«
GIONO 69
Dessous, c'est un vallon étroit et un peu d'eau.
C'est donc des
maisons qu'on a bâties là; juste au bord, comme en équilibre, puis,
au moment où ça a commencé à glisser sur la pente, on a planté,
au milieu du village le pieu du clocher et c'est resté tout accroché.
Pas tout: il y a une maison qui s'est décollée, qui a coulé du haut
en bas, toute seule, qui est venue s'arrêter, toute les quatre fers
d'aplomb, au bord du ruisseau, à la fourche du ruisseau
et de ce
qu'ils appelaient la route, là contre un cyprès.
C'était la maison de Panturle.
Le Panturle est un homme énorme.
On dirait un morceau de bois qui marche.
Au gros de l'été, quand il se fait un couvre-nuque
avec des feuilles de figuier, qu'il a les mains pleines d'herbe et qu'il se redresse, les bras écartés, pour regarder la terre, c'est un
arbre.
Sa chemise pend en lambeaux comme une écorce.
Il a une
grande lèvre épaisse et difforme, comme un poivron rouge.
Il
envoie la main lentement sur toutes les choses qu'il veut prendre,
généralement ça ne bouge pas ou ça ne bouge plus.
C'est du fruit,
de l'herbe ou de la bête morte : il a le temps.
Et quand il tient, il tient bien.
De la bête vivante, quand il en rencontre, il la regarde sans bouger; c'est un renard, c'est un lièvre, c'est un gros serpent
de pierrailles.
li ne bouge pas; il a le temps.
Il sait qu'il y a, quelque
part, dans un buisson, un lacet de fil de fer qui serre les cous au
passage.
li a un défaut, si on peut dire : il parle seul.
Ça lui est venu
aussitôt après la mort de sa mère.
GIONO, Regain, Grasset.
Vous analyserez les impressions que vous ressentez à la
lecture
de ce texte et vous montrerez que la composition
et
la forme s'accordent étroitement avec la tonalité de
l'ensemble.
COMMENTAIRE PROPOSÉ
INTRODUCTION
Giono excelle à faire vivre sa Haute-Provence avec l'accent
de l'homme qui aime son pays et ses habitants.
Sa communion
est totale avec eux et nul n'a mieux que lui ressenti ce mode
d'existence simple et naturel, si proche de celui des anciens âges..
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