Gérard de Nerval, Odelettes, 1832: Une allée du Luxembourg (commentaire)
Publié le 17/02/2012
Extrait du document
Gérard de Nerval, " Une allée du Luxembourg "
Odelettes, 1832
Elle a passé, la jeune fille, Vive et preste comme un oiseau ; A la main une fleur qui brille, A la bouche un refrain nouveau. C’est peut-être la seule au monde Dont le cœur au mien répondrait ; Qui, venant dans ma nuit profonde, D’un seul regard l’éclairerait !... Mais non, - ma jeunesse est finie... Adieu, doux rayon qui m’a lui, - Parfum, jeune fille, harmonie... Le bonheur passait, - il a fui !
Intro :
Nerval est un ecrivain francais de la premiere partie du XIXeme siecle. Il est essentiellement connu pour ses recueils de poemes (Odelettes, Les chimeres) et ses nouvelles (Les lles du feu, Aurelia).
Odelettes est un recueil publie en 1832.
"Une allee du Luxembourg" est un coup de foudre, une rencontre qui ne se reproduira plus. L'intérêt de cette odelette reside dans l'évocation d'un moment fugitif cristallisant le fantasme amoureux et le regret du temps passe.
Comment Nerval parvient-t-il à traduire le caractère éphémère de cette rencontre ?
- I. Jeunesse et vieillesse
- II. Une recontre impossible à cause des distorsions temporelles
- III. Nerval parvient a renouveler l'elegie (plainte poetique) en donnant une interpretation nouvelle au regret du temps passé
«
)
Ainsi cette rencontre se place tout d'abord dans la lignee de l'opposition traditionnelle
entre la jeunesse et la vieillesse.
Cependant, le traitement du temps va au-dela dans le
poeme II.
Une recontre impossible a cause des distorsions temporelles
A.
La temporalite particuliere Le raccourci temporel du dernier vers resume bien la temporalite particuliere du poeme (probleme
du temps).
Le brusque passage de l'imparfait au passe compose (il delimite l'action et la paracheve
(achever jusqu'au bout)) conclut une serie d'actions accomplies, douloureusement envisagees comme deja
nies : \elle a passe", \doux rayon qui m'a lui".
Au passe simple, Nerval prefere le passe compose, moins
litteraire, plus tangible, an de donner l'impression d'un evenement qui viendrait juste de se produire.
Les points de suspension et points-virgules viennent brouiller la chronologie supposee de l'evenement.
Aussi est-il dicile d'etablir si le portrait de la jeune lle, le moment de son passage et les re
exions du
poete sont simultanes ou successifs : tout arrive dans un espece de tourbillon atemporel, dont on sent
qu'il n'a dure qu'un instant.
B.
Le fantasme du poete
Cette brievete n'exclut pas un fantasme elabore.
Le deuxieme quatrain represente un surgissement
du r^eve, lequel est signie par l'emploi du conditionnel present.
\Peut-^etre" sut a amorcer un pro jet
ambitieux : la decouverte de l'^ame soeur qui, pour n'^etre qu'une hypothese, s'ancre immediatement et
irremediablement dans un present d'eternite : \C'est peut-^etre la seule au monde".
En employant ce
presentatif, Nerval arme qu'il est encore convaincu de la validite de son intuition : il ne la place pas
sur le compte du souvenir ou de la pure r^everie : elle entre d'emblee dans l'ordre de l'existence.
C.
Les regrets
Apres le passage de la jeune lle et le fantasme qu'il suggere, c'est un retour a l'amere solitude.
Le
referent temporal n'est cependant pas clairement indique comme present, si bien que la temporalite du
texte echappe par cet \Adieu" qui nous amene en boucle, a la destruction du fantasme : \il a fui".
Cette
mouvance de la temporalite est sans doute la plus grande reussite du poeme.
Pour traduire l'instant
fugitif, Nerval tisse un canevas temporel lui-m^eme en fuyant, insaisissable.
Entre deux irreels, celui de
l'instant irremediablement acheve (passe compose) et celui du fantasme non-avenu (conditionnel), la
rencontre de cette jeune lle sera devenue un pur moment de magie atemporelle et universelle.
Perdu
dans deux dimensions du temps irreconciliables, les deux personnages sont donc condamnes a ne jamais
se rencontrer.
)L'originalite de ce poeme reside donc davantage dans son evocation de la ugacite"
de la rencontre que dans l'opposition entre jeunesse et vieillesse.
Ce traitement nouveau
de la temporalite donne a l'elegie (la plainte poetique) une dimension nouvelle.
III.
Nerval parvient a renouveler l'elegie (plainte poetique) en
donnant une interpretation nouvelle au regret du temps passe
A.
Le rythme dans le poeme montre la fuite du temps Le ton elegiaque est en eet module par la simplicite et l'ecacite du rythme.
Si la deploration
est encore sensible dans les metaphores opposees de l'obscurite et de la clarte (cf vers 7 et 8), si le vers
9 resonne bien comme une lamentation, le reste de l'odelette n'en est pas moins une piece enlevee.
Elle
est d'ailleurs rythmee non par les soupirs du poete, mais par la marche \vive et preste" de la jeune
lle qui semble imprimer un balancement binaire a tout le poeme des lors que le premier vers a donne
2.
»
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