George Sand (1804-1876): Indiana
Publié le 05/02/2013
Extrait du document
L'héroïne, Indiana, après avoir vécu une passion malheureuse à Paris, a été contrainte de retourner dans son île natale, l'île Bourbon (actuelle île de la Réunion).
Rarement elle descendait dans les gorges de la rivière SaintGilles,
parce que la vue de la mer, tout en lui faisant mal, l'avait
fascinée de son mirage magnétique. Il lui semblait qu'au-delà de
ces vagues et de ces brumes lointaines la magique apparition
s d'une autre terre allait se révéler à ses regards. Quelquefois les
nuages de la côte prirent pour elle des formes singulières : tantôt
elle vit une lame blanche s'élever sur les flots et décrire une ligne
gigantesque qu'elle prit pour la façade du Louvre; tantôt ce
furent deux voiles carrées qui, sortant tout à coup de la brume,
IO offraient le souvenir des tours de Notre-Dame de Paris, quand
la Seine exhale un brouillard compact qui embrasse leurs bases
et les fait paraître comme suspendues dans le ciel ; d'autres fois
c'étaient des flocons de nuées roses qui, dans leurs formes
changeantes, présentaient tous les caprices d'architecture d'une
1 s ville immense.
L'esprit de cette femme s'endormait dans les illusions du
passé, et elle se prenait à palpiter de joie à la vue de ce Paris
imaginaire dont les réalités avaient signalé le temps le plus
malheureux de sa vie. Un étrange vertige s'emparait alors de sa
20 tête. Suspendue à une grande élévation au-dessus du sol de la
côte, et voyant fuir sous ses yeux les gorges qui la séparaient de
l'Océan, il lui semblait être lancée dans cet espace par un
mouvement rapide, et cheminer dans l'air vers la ville prestigieuse
de son imagination.
Signalons par ailleurs que, dans sa réalité même, ce paysage est a priori propice à la rêverie. Ses caractéristiques et les éléments qui le composent, les vagues, les brumes, les nuages, les flocons de nuées, et bien sûr l'omniprésence de l'eau, contribuent à donner l'impression de contours brouillés, donc interprétables. Ils permettent d'autant plus facilement l'envol dans l'imaginaire. Le rythme même des phrases ponctuées d'adverbes ou d'expressions adverbiales, « quelquefois« (1. 5), « tantôt... tantôt « (l. 6-8), « tout à coup « (l. 9), « d'autres fois« (l. 12), semble suivre le mouvement du rêve...
«
COMMENTAIRE COMPOSé
DIFFICULTÉS -CONSEILS -PROPOSITION·S _
•George Sand (1804-1876), de son vrai nom Aurore Dupin,
fut
un écrivain à la personnalité complexe et forte.
En son
temps, sa forme
d'originalité provoqua le scandale.
C'est celle
d'une femme libre partagée entre un romantisme sensible aux
charmes de la nature, qui lui fera écrire des
romans« cham
pêtres
» comme La Mare au diable, La Petite Fadette, ou
François le Champi, et une
révolte contre les préjugés de la
société qui brident la femme.
Elle s'engagera politiquement
après
1848, appuyant la cause socialiste, pour finalement se
retirer
à la fin de sa vie dans son domaine de Nohant, déçue
dans ses espoirs.
Elle sera alors celle qu'on appellera « la
bonne Dame de Nohant ».
• George Sand écrit Indiana en 1832 ; elle vient alors de
quitter son mari et d'adopter son pseudonyme.
Ce roman est
le second de son œuvre et contribuera à la faire connaître.
S'y
développent les thèmes qui lui sont chers de l'opposition entre
la femme amoureuse et
la réussite sociale, entre les impéra
tifs de
la passion et les contraintes de la société, symbolisées
par le mariage.
Son héroïne se voit brisée par l'égoïsme
masculin : amoureuse de Raymon, elle est mariée au vieux
colonel Delmare et aimée de
Sir Ralph Brown.
Le lyrisme et
la confidence personnelle se mêlent dans ce roman au ton de
la femme éprise de liberté.
La Préface d'Indiana
éclaire
l'intention
de l'auteur : «J'ai écrit Indiana avec le sentiment
non raisonné,
il est vrai, mais profond et légitime de l'injustice
et de la barbarie des lois qui régissent encore l'existence de
la femme dans le mariage, dans la
famille et dans la société.»
•Si vous ne connaissiez pas l'œuvre, il fallait être particuliè
rement attentif aux éléments donnés
en annexe du texte : la
date du roman
(1832), et les indications sur l'état psychologi
que de l'héroïne.
•Plan
Le libellé vous donnait une piste, celle qui consiste à
montrer comment réel et imaginaire s'entrelacent.
En l'occur
rence,
il était prudent de la suivre, car tout le texte repose sur
la transformation d'un paysage regardé par une femme en
105.
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