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Genèse et structure des Fleurs du Mal de Baudelaire

Publié le 07/09/2013

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baudelaire

Baudelaire et Flaubert, unis dans un même dédain de l'universelle

bêtise, étaient tout désignés pour servir de victimes

expiatoires sur l'autel de la canaillocratie triomphante. Avec

le recul on peut considérer leur procès comme les premiers

effets dévastateurs de la collusion sournoise entre l'expansion

du capitalisme libéral et les clichés de la pseudo-démocratie

appelée à servir d'alibi à l'instauration de la société de masse.

Aujourd'hui, avec la dégradation irrémédiable de la vie

publique et le laminage de ce que l'on n'ose même plus

appeler« la culture«, on assiste à l'aboutissement, semble-t-il

ultime, de ce processus d'étouffement de l'esprit créateur.

En dépit de son acquittement, Flaubert n'était pas indemne

de tout blâme. Le tribunal lui reprochait, en effet, de ne

pas «s'être suffisamment rendu compte qu'il y a des limites

que la littérature, même la plus légère, ne doit pas dépasser

«.

Ecoeuré par cette atmosphère d'inquisition, Flaubert songea

un moment, à la suite du procès, à renoncer à éditer son

oeuvre en volume. Il céda finalement aux instances de Michel

Lévy, le premier éditeur de Baudelaire, et le roman parut en

avril 1857. Il faut rappeler que l'action en justice visait la

publication en feuilletons de Madame Bovary dans plusieurs

livraisons de la Revue de Paris, dirigée par un ami de Flaubert,

Maxime Du Camp, connu pour ses opinions républicaines.

Or, en l'occurrence, l'autocensure avait précédé la censure.

D'abord, ce même Du Camp avait exercé des pressions

sur l'auteur afin que celui-ci modifiât son oeuvre pour de

prétendues raisons littéraires; enfin, devant sa résistance, il

avait procédé à des suppressions qui avaient provoqué l'indignation

de Flaubert.

Celui-ci avait fait précéder la dernière partie de son roman

parue dans le numéro du 15 décembre d'une note stipulant

qu'en raison des mutilations imposées à son texte il «déniait

sa responsabilité des lignes qui suivent«. Il ajoutait qu'il

priait le lecteur «de n'y voir que des fragments et non un

ensemble.« Cet épisode confirme en tout cas que la censure

et l'incompréhension, dont des écrivains comme Flaubert et

Baudelaire, uniquement soucieux de probité littéraire,

avaient à pâtir, exprimaient un esprit du temps qui, au-delà

des divergences d'opinions, manifestait une véritable décadence

du goût, de l'intelligence et de la sensibilité.

l'originalité et l'origine

En justifiant le choix du Mal comme territoire de prédilection

de sa poésie, il se référait à une conception de la littérature et

de l'art qui, tout en se situant dans le prolongement du

Romantisme, ouvrait la voie à l'esthétique moderne. Celle-ci,

en identifiant la valeur à la nouveauté, libérait pour la première

fois la création littéraire des critères normatifs. L'arbitraire

individuel, autrefois proscrit, devient dès lors la source

même d'une originalité qui, tout en privilégiant la surprise et

l'émotion née de la transgression des clichés, se veut surtout

fidèle à l'origine perdue, occultée.

C'est dans cette tension qu'il introduit entre «l'originalité«

et «l'origine« que se situe l'apport de Baudelaire à la modernité.

«Le beau est toujours bizarre«, affirme-t-il, à la suite

d'Edgar Poe.

Mais comment alors concilier ce principe avec l'idée qu'il

exprime dans le projet de préface déjà cité, pour compléter et

préciser, semble-t-il, la disjonction qu'il venait d'effectuer

entre l'esthétique et la morale:

«Quelques-uns m'ont dit que ces poésies pouvaient faire

du mal. Je ne m'en suis pas réjoui. D'autres, de bonnes

âmes, qu'elles pouvaient faire du bien; et cela ne m'a

pas affligé. La crainte des uns et l'espérance des autres

m'ont également étonné, et n'ont servi qu'à me prouver

que ce siècle avait désappris toutes les notions classiques

relatives à la littérature. ,.

baudelaire

« 1 La Genèse Un poète célèbre et clandestin L'une des principales questions que l'on est amené à se poser sur la genèse de la création poétique baudelairienne est susci­ tée par l'écart que l'on constate dans la plupart des cas entre le moment où les vers ont été réellement écrits et la date de leur publication.

La parution tardive des Fleurs du Mal ne doit pas faire illusion.

Il suffit de prendre en compte à ce sujet le témoignage de Charles Asselineau, ami très proche et confident du poète, qui, dans ses souvenirs, écrit ceci : «Ainsi qu'il l'a écrit lui-même de Théodore de Banville, Baudelaire "fut célèbre, tout jeune." Il n'avait guère plus de vingt ans qu'on parlait déjà de lui dans le monde de la jeunesse littéraire et artistique comme d'un poète "originat ", nourri de bonnes études et procédant des maîtres vigoureux d'avant Louis XIV, particulièrement de Régnier.

Cette descendance, au moins comme inspi­ ration, n'était pas juste; sous ce rapport, Baudelaire ne procédait de personne.

Mais quant aux qualités d'exécu­ tion, de style, fermeté, netteté, précision, la parenté pouvait s'établir.

En ce temps-là déjà (1843-1844) la plupart des pièces imprimées dans le volume des Fleurs du Mal étaient faites; et douze ans plus tard, le poète, en les publiant, n'eut rien à y changer.

II fut prématuré­ ment maître de son style et de son esprit.

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