Genèse et écriture de L'éducation sentimentale de Flaubert

« 328 1 Flaubert.

Œuvres majeures Apparemmen1t on m'avait vu, car le jour même, au repas de midi, et comme tout le monde mangeait dans une salle commune, à l'auberge où nous étions logés, j'entendis quE~Iqu'un qui me disait: "Monsieur, j•~ vous remercie bien de votre galante­ rie." Je me retournai; c'était une jeune femme assise avec son mari à la table voisine.

"Quoi donc? lui demandai-je, préoccupé.

- D'avoir ramassé mon manteau; n'est-ce pas vous? - Oui, Madame", repris-je, embarrassé.

Elle me regarda.

Je baissai les yeux et rougis.

Quel regard, en effet! comme elle était belle, cette femme ! je vois encore cette prunelle ardente sous un sourcil noir se fixer sur moi comme un soleil.

Elle était grande, brune, avec de magnifique cheveux noirs qui lui tombaient en tresses sur les épaules ...

» Inoubliable Élisa, «Adieu! et cependant je penserai toujours à toi ...

» Jusque dans l'étreinte de la prosti­ tuée, vaine consolatrice de ses amours inassouvies: « Une femme se présenta à moi, je la pris; et je sortis de ses bras plein de dégoût et d'amertume.

[ ...

]J'eus des remords comme si l'amour de Maria eût été une religion que j'eusse profanée.

» Élisa s'appelle ici Maria, elle deviendra Marie dans L'Éducation senti­ mentale de 1869.

Il y a déjà une Marie dans une autre œuvre de jeu­ nesse, Novembre, achevée en 1842: une étrange et pathétique figure de fille publique dont le narrateur s'éprend, qu'il perd et qui le laissera inconsolé, ache­ vant dans l'ennui ~~t la résignation une existence désor­ mais vide de sens .: « Le type dont presque tous les hommes sont en quête n'est peut-êtrE~ que le souvenir d'un amour conçu dans le ciel ou dès h~s premiers jours de la vie ; nous sommes en quête de pri!Sque tout ce qui s'y rapporte, la seconde femme qui vous plaît ressemble presque toujours à la première, il faut un grand degré de corruption ou un cœur bien vaste pour tout aimer.». »