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GAUTIER Pierre Jules Théophile : sa vie et son oeuvre

Publié le 13/12/2018

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gautier

GAUTIER Pierre Jules Théophile (1811-1872). Permanence et solidité : tels sont les mots qui peuvent caractériser la manière d’être, de penser et d’écrire de Théophile Gautier. Ses croyances et ses aspirations apparaissent vers sa vingtième année et, si elles s’affinent au cours des ans, si elles s’approfondissent jusqu’à prendre parfois des résonances dramatiques, elles restent identiques dans leur nature et dans leur objet. La création littéraire du poète est un univers solidement architecturé, aussi beau, aussi riche et aussi dramatiquement décevant que l’Eldorado de son Fortunio. Les lignes de force en sont la liberté de l’artiste, le culte de la beauté et de l’art, l’aspiration à l’absolu, la soif de l’impossible unité.

 

Une vie au service de la plume

 

Les hasards de la carrière administrative de son père ont fait naître Théophile Gautier à Tarbes, où il ne passa que les premiers mois de son existence. Dès 1814, son père est nommé chef de bureau aux octrois de Paris, et la famille Gautier habite 130, rue Vieille-du-Temple, puis 4, rue du Parc-Royal. Théophile vit une enfance choyée et sans histoire. N’ayant pu supporter la rudesse de l’internat du collège Louis-le-Grand, qu’il fréquente de janvier à avril 1822, il entre comme externe au collège Charlemagne, où il se lie d’une amitié indéfectible avec Gérard de Nerval. Très tôt passionné de lecture et d'art, oscillant entre la peinture et la poésie, il opte pour la carrière artistique : en 1829, sa famille s’est installée 8, place Royale, et Théophile fréquente l’atelier du peintre Rioult; pendant les vacances, qu’il passe en famille à Mauperthuis, près de Coulommiers, il s’adonne à la peinture, faisant des portraits qui ne manquent pas de grâce ou décorant l’église du village d’une vaste toile représentant saint Pierre soignant les paralytiques.

 

Lancé très jeune dans les ateliers de peintres, il le fut également dans les milieux littéraires, grâce à Gérard de Nerval, qui l’emmena chez Pétrus Borel et qui, le 27 juin 1829, le présenta à Victor Hugo, pour lequel Gautier garda toute sa vie une admiration passionnée. Déçu par la difficulté d’acquérir une technique picturale solide — et prétextant sa myopie —, il revient à sa vocation première : son premier recueil, Poésies, parut le 28 juillet 1830, en pleine révolution.

 

Se dégageant progressivement du milieu familial, il fréquente le Petit Cénacle de Jehan Duseigneur, puis va habiter l’impasse du Doyenné, lieu de rencontre d’une bohème littéraire et artistique qui laissera, dans la mémoire de ceux qui l’ont vécue, le souvenir d’une vie passionnante, insouciante et libre, riche d’échanges artistiques d’une qualité rare. Il y retrouve, outre Nerval et Auguste Maquet, Alphonse Brol, Jules Vabre, Joseph Bouchardy, Célestin Nanteuil, Delacroix [voir Cénacles ROMANTIQUES (les)].

 

Sa vie sentimentale est orageuse, et les aventures se multiplient. En 1836, Eugénie Fort lui donne un fils, qu’il reconnaît et à qui il donne son nom et son prénom. Il vit quelques années avec une mystérieuse Victorine, personnage haut en couleur, avec laquelle les disputes, souvent violentes, étaient suivies de réconciliations pas

 

sionnées. En 1841, il écrit le livret du ballet Giselle pour Carlotta Grisi, pour laquelle il éprouva des sentiments sur la nature desquels ses biographes se sont longuement interrogés sans pouvoir apporter une réponse déterminante. C’est avec Ernesta Grisi, la sœur aînée de Carlotta, qu’il se lie à l’automne de 1843 : il vivra avec elle plus de vingt ans, et elle lui donnera deux filles : Judith, née en 1845, et Estelle, née en 1847. Cette union ne met pas fin à sa vie sentimentale : on connaît ses liaisons avec Régina Lhomme, avec la célèbre actrice Alice Ozy, avec Marie Mattéi...

 

Sa production littéraire est variée : poésie, théâtre, prose, avec des nouvelles et des romans; production littéraire journalistique abondante dans le Figaro, le Cabinet de lecture, la France littéraire... La renommée de Gautier grandit, et le caractère alerte de sa plume attire sur lui l’attention des hommes d’affaires du journalisme moderne naissant. La collaboration de Gautier au journal la Presse, créé en juillet 1836 par Emile de Girardin, marque un tournant dans son existence : la rédaction du feuilleton va devenir pour lui une activité primordiale et la source essentielle des revenus d’une existence dans laquelle les charges se multiplient au fil des années. Pendant le reste de son existence, il écrira au moins un feuilleton hebdomadaire, rendant compte des nouveautés théâtrales ou des nouveautés artistiques (notamment les Salons annuels), d’abord dans la Presse (dont il fut nommé directeur littéraire vers 1841), jusqu'en 1855, puis dans le Moniteur universel, jusqu’en 1869, et dans le Journal officiel, jusqu’en 1871.

 

Cette activité absorbante a été ressentie par lui comme une obligation pénible — mutilante même, parfois — et a développé en lui l’horreur de la feuille blanche qu'il devait couvrir de « pattes de mouche ». Mais elle lui a été également un moyen d’évasion puisque ses qualités d’observateur méticuleux et de conteur alerte ont poussé les directeurs de journaux à lui confier des reportages. C’est à cette fin qu’il visite la Belgique et la Hollande en 1836, l’Espagne en 1840, l’Italie en 1850, Constantinople en 1852, l’Allemagne en 1854 et 1858, la Russie en 1858 et 1861, l’Égypte en 1869.

 

Sans idées politiques précises, il s’est tenu à l’écart de la révolution de 1848 et s’est adapté au second Empire. A cette époque, et malgré trois échecs à l’Académie française, où il n’entra jamais, il fait figure de personnage officiel, surtout dans l’entourage de la princesse Mathilde, qui le nomme son bibliothécaire en 1868. Membre de nombreux jurys de beaux-arts, il apparaît comme l’arbitre à l’autorité incontestée pour tout ce qui touche à la peinture et à la sculpture, en même temps qu’il est perçu comme le maître de l’école de l’Art pour l’Art.

 

Ses dernières années sont éclairées par son amour sublimé pour Carlotta Grisi. La guerre de 1870 fut pour lui un véritable effondrement : effondrement de sa sécurité matérielle, mais aussi délabrement de sa santé; il supporte mal les épreuves morales et les souffrances physiques du siège de Paris, et il meurt d’une maladie de cœur, en son domicile de Neuilly, qu’il occupait depuis quinze ans.

Le romantique engagé

 

Vibrant à l’unisson de la jeunesse de son temps, Gautier se passionne pour les discussions littéraires et artistiques : quand sonne l’heure de la bataille, celle d'Her-nani, le 25 février 1830, c’est tout naturellement à Gautier que le maître reconnu confie le commandement de l’escouade des partisans. Ses premiers recueils sont profondément marqués par le romantisme : effets de clair de lune ou de soleil couchant, profusion de monuments gothiques, de tintements de cloches (« Les vibrements de la cloche qui tinte / D’un monde aérien semblent la voix éteinte »), ou visions cauchemardesques (« Avec ses nerfs rompus, une main écorchée / Qui marche sans le corps dont elle est arrachée / Crispe ses doigts crochus armés d’ongles de fer / Pour me saisir... »), ou visions macabres (« Quelques têtes de mort vous apparaissent blanches / Avec leurs crânes nus, avec leurs grandes dents / Et leurs nez faits en trèfle et leurs orbites vides / Qui semblent vous couver de leurs regards avides »). Le jeune poète mélancolique médite sur la rapidité de la fuite du temps (« Comme l’ombre d’un songe au bout de peu d’instants / Ce qui charme s’en va... ») ou bien « lève les yeux au ciel et triste se souvient ».

 

Mais, à travers les imitations, perce déjà l’originalité potentielle de Gautier, par son sens aigu du pittoresque — dans la peinture des paysages aimés, par exemple —, de la couleur; par les transpositions d’art, où l'on devine déjà le maître: par la nostalgie de l’impossible rêve d'unité; par la profession de foi artistique comme par la virtuosité technique.

 

Si l’engagement romantique est resté, dans sa dimension spirituelle et dans les droits qu’il reconnaît à l’imaginaire, une des tendances fondamentales de Gautier, il n’a cependant pas privé ce dernier de son sens critique : Gautier publie, en août 1833, les Jeunes-France « roman goguenard », qu’il a qualifié lui-même de « Précieuses ridicules du romantisme », et dans lequel, en raillant les manies de ses contemporains, il prend ses distances par rapport à la mode. L’humour en effet, pouvant aller parfois jusqu’à l’ironie, et très souvent jusqu’au pastiche, donne à la prose de Gautier son originalité : le dualisme de l’auteur transparaît de façon permanente dans le léger persiflage qui traverse ses pages les plus sérieuses, et cela jusqu’à la fin de sa vie.

 

Les contradictions et les hantises

 

Gautier est l ’homme des contradictions; il méprise les mesquineries de l’homme et de la société qui ont inventé le paravent commode d’une morale permettant de respecter de simples apparences; mais c’est l'ami le plus fidèle, le plus dévoué : « le bon Théo », telle est l’expression qui revient le plus souvent sous la plume de ceux qui l’ont connu.

 

C’est aussi l'homme incapable d’aimer, car en lui l’esthétique prime le sentiment, ou même en tient lieu : « Ce n’est pas le regard qu’il aime, dans les yeux, c’est la forme pure des paupières, c’est la limpidité des prunelles; ce n'est pas la finesse et la grâce qui lui plaisent dans un sourire, c’est la correction des contours, c’est la teinte pourpre des lèvres; enfin pour lui la beauté de l’âme n’ajoute rien à la beauté », dit, par l’intermédiaire d’Irène de Châteaudun, Delphine de Girardin à propos d’Edgar de Meilhan-Théophile Gautier. Mais c’est l’amant passionné, à la riche carrière sentimentale, et qui, au soir de sa vie, sublimera tous ses désirs dans un amour éthéré pour Carlotta Grisi.

 

C’est l’homme qui proclame : « Trois choses me plaisent : l’or, le marbre et la pourpre; éclat, solidité, couleur », mais qui contribue, pour une large part, à répandre en France la connaissance d’Hoffmann et qui s’affirme

 

comme un des maîtres du fantastique : ses nouvelles fantastiques (le Pied de momie, la Morte amoureuse, Arria Marcella...) sont peut-être le meilleur de son œuvre, par l’art avec lequel il sait brouiller les pistes, effacer la frontière entre le possible et l’impossible, forcer le lecteur à remettre en question ses certitudes les plus élémentaires [voir Fantastique].

 

C’est l’homme paresseux, faisant de l’indolence une forme de sagesse, n’écrivant que contraint et forcé, mais dont l'œuvre complète ne pourra jamais être réunie en une collection unique parce qu’elle est trop abondante.

 

C’est l’homme tenté par l’immobilité et qui rêve son paradis comme un palais oriental, dans lequel il vivrait dans le luxe : « Moi je serais là, immobile, silencieux, sous un dais magnifique, entouré de piles de carreaux, un grand lion privé sous mon coude, la gorge nue d’une jeune esclave sous mon pied en manière d'escabeau, et fumant de l’opium dans une grande pipe de jade », mais qui se passionne pour les voyages, avide de découvrir de nouveaux visages, d’autres civilisations, d’autres images; regrettant le passé, mais à l’affût des innovations.

 

C’est l’homme de tous les désenchantements « dans l’exil de la vie », « dans le désert du monde », souffrant d’un ennui d’essence métaphysique, mais c’est le compagnon le plus amusant, en quête perpétuelle du « drôle », c’est le causeur brillant que tous les salons s’arrachent, c’est le conteur spirituel dont les lecteurs attendent avec impatience le divertissement.

 

C’est l’homme épris de spiritualité, mais englué dans la matière : « Je ne puis ni marcher ni voler; le ciel m’attire quand je suis sur la terre, la terre quand je suis au ciel; en haut, l’aquilon m’arrache les plumes; en bas, les cailloux m'offensent les pieds. J'ai les plantes trop tendres pour cheminer sur les tessons de verre de la réalité; l'envergure trop étroite pour planer au-dessus des choses et m'élever, de cercle en cercle, dans l’azur profond du mysticisme, jusqu’aux sommets inaccessibles de l'éternel amour ». C’est l’homme enfin qui, ayant une conscience aiguë et douloureuse de ses contradictions, s’enivre à les contempler.

 

Ces contradictions ne sont en fait que l’expression des hantises du poète prisonnier des contingences et avide de spiritualité, se sachant voué à la mort et aspirant à la permanence, rêvant de la perfection et de la beauté dont la réalité ne lui livre que des éléments épars. Rêve de beauté et hantise de la mort sont en effet les lignes directrices les plus évidentes de toute sa création. Toute entreprise humaine lui semble vouée, par essence même, à l’échec (« Pour savourer l'odeur, il faut briser le vase »), et ce n'est que par l’expression de ses hantises dans l’œuvre d’art que l’écrivain pourra espérer arracher un morceau d’éternité.

Le poète impeccable

 

Le plus étonnant peut-être, dans le cas de Gautier, est la précocité de sa profession de foi, et le caractère immuable de celle-ci. « L’art, c'est la liberté, le luxe, l’efflorescence, c’est l’épanouissement de l’âme dans l’oisiveté », telle est l’affirmation centrale, provocatrice, de la préface d’Albertus (1832), reprise et, avec brio, longuement développée dans la célèbre préface de Mademoiselle de Maupin (1835).

 

Il ne s’agit pas simplement de scandaliser le bourgeois en prenant le contre-pied des idées admises dans une société matérialiste. En esthète, dans la pleine acception du terme, Gautier a senti très jeune — c’est un trait constitutif de sa manière d’être — le lien entre l’art et le beau, liés l'un à l’autre, mais liés plus étroitement encore l’un et l’autre à la gratuité :

gautier

« le romantique engagé Vibrant à l'unisson de la jeunesse de son temps, Gau­ tier se passionne pour les discussions littéraires et artisti­ ques : quand sonne 1 'heure de la bataille, celle d' Her­ nani, le 25 février 1830, c • est tout naturellement à Gautier que le maître reconnu confie le commandement de l'escouade des partisans.

Ses premiers recueils sont profondément marqués par le romantisme : effets de clair de lune ou de soleil couchant, profusion de monuments gothiques.

de tintements de cloches ( « Les vibrements de la cloche qui tinte 1 D'un monde aérien semblent la voix éteinte » ), ou visions cauchemardesques ( « Avec ses nerfs rompus, une main écorchée 1 Qui marche sans le corps dont elle est arrachée 1 Crispe ses doigts crochus armés d'ongles de fer 1 Pour me saisir ...

»), ou visions macabres ( « Quelques têtes de mort vous apparaissent blanches 1 Avec leurs crânes nus, avec leurs grandes dents 1 Et leurs nez faits en trèfle et leurs orbites vides 1 Qui semblent vous couver de leurs regards avides » ).

Le jeune poète mélancolique médite sur la rapidité de la fuite du temps 1 « Comme l'ombre d'un songe au bout de peu d • instants 1 Ce qui charme s'en va ...

») ou bien « lève les yeux au ciel et triste se souvient >>.

Mais, à travers les imitations, perce déjà l'originalité potentielle de Gautier, par son sens aigu du pittoresque -d ans la peinmre des paysages aimés, par exemple -.

de la couleur; par les transpositions d'art, où l'on devine déjà le maître: par la nostalgie de l'impossible rêve d'unité; par la profession de foi artistique comme par la virtuosité technique.

Si l'engagement romantique est resté, dans sa dimen­ sion spirituelle et dans les droits qu'il reconnaît à l'ima­ ginaire, une des tendances fondamentales de Gautier, il n'a cependant pas privé ce dernier de son sens critique : Gautier publie, en août 1833, les Jeunes-France >, mais qui contribue, pour une large part, à répandre en France la connaissance d'Hoffmann et qui s'affirme comme un des maîtres du fantastique : ses nouvelles fan­ tastiques (le Pied de momie, la Morte amoureuse, Arria Marcella ...

) sont peut-être le meilleur de son œuvre, par l'art avec lequel il sait brouiller les pistes, effacer la frontière entre le possible et 1' impossible, forcer le lec­ teur à remettre en question ses certitudes les plus élémen­ taires (voir FANTASTIQUE).

c· est l'homme paresseux, faisant de l'indolence une forme de sagesse, n'écrivant que contraint et forcé, mais dont l'œuvre complète ne pourra jamais être réunie en une collection unique parce qu'elle est trop abondante.

C'est l'homme tenté par l'immobilité et qui rêve son paradis comme un palais oriental, dans lequel il vivrait dans le luxe : «Moi je serais là, immobile, silencieux, sous un dais magnifique, entouré de piles de carreaux, un grand lion privé sous mon coude, la gorge nue d'une jeune esclave sous mon pied en manière d'escabeau, et fumant de l'opium dans une grande pipe de jade )>, mais qui se passionne pour les voyages, avide de découvrir de nouveaux visages, d'autres civilisations, d'autres ima­ ges; regrettant le passé, mais à l'affOt des innovations.

C'est l'homme de tous les désenchantements «dans l'exil de la vie», «dans le désert du monde)) , souffrant d'un ennui d'essence métaphysique, mais c'est le compa­ gnon le plus amusant, en quête perpétuelle du « drôle», c'est le causeur brillant que tous les salons s'arrachent, c'est le conteur spirituel dont les lecteurs attendent avec impatience le divertissement.

C'est l'homme épris de spiritualité, mais englué dans la matière : « Je ne puis ni marcher ni voler; le ciel m'attire quand je suis sur la terre, la terre quand je suis au ciel; en haut, J'aquilon m'arrache les plumes; en bas, les cailloux m'offensent les pieds.

J'ai les plantes trop tendres pour cheminer sur les tessons de verre de la réalité; l'envergure trop étroite pour planer au-dessus des choses et m'élever, de cercle en cercle, dans l'azur profond du mysticisme, jusqu'aux sommets inaccessi­ bles de l'éternel amour>>.

C'est l'homme enfin qui, ayant une conscience aiguë et douloureuse de ses contradic­ tions, s'enivre à les contempler.

Ces contradictions ne sont en fait que 1 'expression des hantises du poète prisonnier des contingences et avide de spiritualité, se sachant voué à la mort et aspirant à la permanence, rêvant de la perfection et de la beauté dont la réalité ne lui livre que des éléments épars.

Rêve de beauté et hantise de la mort sont en effet les lignes direc­ trices les plus évidentes de toute sa création.

Toute entre­ prise humaine lui semble vouée, par essence même, à l'échec ( « Pour savourer 1 'odeur, il faut briser le vase »), et ce n'est que par l'expression de ses hantises dans l'œuvre d'art que l'écrivain pourra espérer arracher un morceau d'éternité.

le poète impeccable Le plus étonnant peut-être, dans le cas de Gautier, est la précocité de sa profession de foi, et le caractère immuable de celle-ci.

«L'art, c'est la liberté, le luxe, l'efflorescence, c'est l'épanouissement de l'âme dans l'oisiveté », telle est l'affirmation centrale, provocatrice, de la préface d'Albertus (1832), reprise et, avec brio, longuement développée dans la célèbre préface de Made­ moiselle de Maupin (1835).

Il ne s'agit pas simplement de scandaliser le bourgeois en prenant le contre-pied des idées admises dans une société matérialiste.

En esthète, dans la pleine acception du terme, Gautier a senti très jeune -c'est un trait constitutif de sa manière d'être-le lien entre l'art et le beau, liés l'un à l'autre, mais liés plus étroitement encore l'un et 1 'autre à la gratuité :. »

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