GALANTERIE (Histoire de la littérature)
Publié le 13/12/2018
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GALANTERIE (XVIIe siècle). La galanterie est — selon une acception prépondérante du terme à l’époque — un mode de comportement et une esthétique littéraire, en vogue entre 1650 et 1680. Ce phénomène est encore assez mal connu et sans doute sous-estimé. Il est vrai que son analyse se heurte d’emblée à une difficulté majeure : le terme est alors « surabondamment employé et d'une dangereuse polysémie » (M. Cuénin, Mme de Villedieu).
Une dangereuse polysémie
L’origine du mot — dont l’étymologie n’est pas latine mais sans doute germanique — est obscure. Attesté au xivc siècle, le verbe galer signifie « s’amuser », et son dérivé galant qualifie un « homme hardi », voire un « garnement ». Mais il s'établit très tôt un paradoxe sémantique extrême : face à ce sens péjoratif apparaît le sens laudatif de « vaillant » et, par extension, d’« homme remarquable ». Cette ambivalence se maintient au xvne siècle. D'un côté, un galant est un effronté, un trompeur et, par dérivation, un séducteur (ainsi un vert galant est un brigand des bois et, au sens figuré, celui du sobriquet donné notamment à Henri IV, un séducteur effronté), une femme galante est une femme de mœurs libres, une galanterie, une liaison amoureuse. Mais, à l’opposé, galant peut désigner aussi un parfait honnête homme, et galanterie le raffinement des manières et de l’esprit. Un siècle plus tard, Voltaire soulignera cette ambivalence en distinguant (Dictionnaire philosophique, article « Galant ») le galant homme, modèle de civilité, et l'homme galant, homme à bonnes fortunes. Dans les années 1660, l’ambiguïté de ce champ lexical est renforcée par la grande vogue que connaissent ces mots, employés à tout propos et pour désigner toutes sortes de choses. Il faut alors distinguer — fût-ce au prix de quelque simplification :

«
«Un
galant», qui peut être un séducteur, voire un
vaurien, mais aussi, à l'inverse, un homme remarquable,
qui a le« cœur bon» et« bien de l'esprit» (Méré) et qui
sait, entre autres, être agréable aux dames;
«Une galanterie», qui peut être une liaison amou
reuse (sens qui subsiste aujourd'hui), mais aussi un pro
pos agréablement tourné, ou une fête, un cadeau, un
plaisir offert à quelqu'un;
«La galanterie», enfin, qui désigne au sens courant
la civilité (usage encore vivant de nos jours) ou, plus
spécialement, un grand agrément des manières et de
l'esprit; bref, une éthique et une esthétique.
C'est ce
dernier sens qui nous intéresse ici.
Un art de vivre
Modèle de comportement, cette conception élevée de
la galanterie a suscité, à l'époque, des polémiques et
des raffinements d'analyse.
Quatre traits essentiels se
dégagent.
En premier lieu, la galanterie ainsi entendue corres
pond à un processus d'élaboration assez long: sensible
dès le début du siècle, le phénomène ne trouve sa pleine
expansion qu'au lendemain de la Fronde, et surtout dans
les premières années du règne personnel de Louis XIV.
En second lieu, ce modèle de comportement concerne
les milieux mondains et courtisans.
Prônée dans les
salons de l'Hôtel de Rambouillet puis, surtout, de M
11e
de Scudéry, la galanterie est une attitude aristocratique.
Elle ne suppose pas pour autant une naissance noble chez
ses adeptes : elle est une somme de qualités individuel
les.
A cet égard, elle se rapproche de l'honnêteté [voir
HoNNt!:TE HOMME), dont elle apparaît comme un super
latif : un galant homme se doit d'être honnête homme,
mais en plus il doit être brillant.
D'ailleurs -et c'est un troisième point essentiel-,
la galanterie est un code de comportement qui se fonde
sur la distinction.
Cela se manifeste dans le soin que
ses tenants mettent à la séparer de la galanterie au sens
vulgaire du terme, et cela s'exprime dans les attitudes
qu'elle valorise : élégance; art du loisir; discrétion; esprit
cultivé sans affectation (de fait, elle se détourne nette
ment des outrances de la préciosité [voir PRÉCIOSITÉ]).
Elle s'érige ainsi en une éthique mondaine, dont les pou
voirs sanctionnent la validité : lorsque le jeune
Louis XIV se veut galant, les jésuites admettent et justi
fient cette attitude.
Dans l'ensemble des valeurs ainsi
mises en avant, être agréable auprès des dames est
important, mais sans que cela implique une relation
amoureuse.
Enfin, la galanterie est une valeur moderne, toute liée
à la mondanité du siècle.
Elle préfigure en partie Je dan
dysme (mais n'admet pas, elle, les attitudes blasées), et,
exigeant l'art de savoir donner «une vue agréable à des
choses fâcheuses >> (Méré), elle fonde une des premières
théories de l'humour.
Le style galant
L'expansion du modèle galant se traduit, dans la prati
que littéraire, par la valorisation d'une thématique, mais
surtout d'une certaine qualité de l'expression.
La thématique galante, en effet, n'est pas extrême
ment originale.
Rappelons, pour mémoire, que les galan
teries, au sens ordinaire du terme (liaisons amoureuses
plus ou moins licites), sont de longue date un inépuisable
réservoir de sujets.
Quant à la galanterie «relevée », on
constate d'abord qu'elle est matière à exposés et débats
dans la littérature du temps : par exemple, M11• de Scu
déry consacre un long passage de la Clélie à une discus
sion sur «l'air galant»; matière aussi à jeux de salons,
comme la Carte du royaume de Galanterie (1660), ou de ballets.
Par ailleurs, la référence à la galanterie est, au
x vu e siècle, un lieu commun pour indiquer le raffinement
des mœurs : ainsi La Calprenède en investit 1' Antiquité
(ce que d'autres, après lui, s'efforceront d'ailleurs de
justifier) et écrit : , la « let
tre galante », qui tendent un moment à s'ériger en genre.
L'écriture galante se reconnaît des maîtres parmi les
écrivains mondains: Voiture, bien sûr, mais aussi Sara
sin.
Dans la préface qu'il donne aux Œuvre s (1656) de
ce dernier, Pellisson dégage l'essentiel de ce qu'on peut
en retenir comme doctrine.
Le registre galant se veut.
»
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