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Fourberies de Scapin de Molière: ACTE II, SCÈNES 5 ET 6

Publié le 17/01/2022

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À la partie d'exposition, qui suit le « prologue » et qui est fondée sur des tirades relativement longues de Scapin, correspond un comique d'ironie : Scapin se présente comme un allié tout dévoué à Argante qui n'agit que pour son bien ; il fait valoir l'habileté avec laquelle il a amené le frère de la jeune fille à accepter l'argent d'Argante contre la rupture du mariage (frère imaginaire et discussion imaginaire); il propose un chiffre énorme (cinq ou six cents pistoles) afin de faire passer plus tard la somme dont il a besoin (deux cents pistoles) comme un moindre mal.

« — il faut donc passer à l'action proprement dite, qui va amener le dénouement qui va faire le deuxièmeacte (scène 6): Silvestre entre alors en scène pour jouer le rôle du soudard.

Après acte' des paroles, c'estl'« acte » du mouvement.

Silvestre se montre tellement agité, tellement dangereux et effrayantqu'Argante accepte de payer les deux cents pistoles sitôt qu'il est parti.

La comédie est terminée.

Il nereste plus à Scapin qu'à obtenir de recevoir la bourse en mains propres. Le principe de variété et les diverses formes de comique L'organisation des procédés comiques de ces deux scènes correspond à cette organisation « théâtrale »que nous venons d'observer. Ironie À la partie d'exposition, qui suit le « prologue » et qui est fondée sur des tirades relativement longues deScapin, correspond un comique d'ironie : Scapin se présente comme un allié tout dévoué à Argante quin'agit que pour son bien ; il fait valoir l'habileté avec laquelle il a amené le frère de la jeune fille à accepterl'argent d'Argante contre la rupture du mariage (frère imaginaire et discussion imaginaire); il propose unchiffre énorme (cinq ou six cents pistoles) afin de faire passer plus tard la somme dont il a besoin (deuxcents pistoles) comme un moindre mal. Répétition et gradation Puis le dialogue se met vraiment en place lorsque Scapin, se faisant le porte-parole du soudard, détaillel'équipement dont il a besoin, et l'on retrouve la technique bien connue de la répétition, conjuguée ici aveccelle de la gradation.

« Il me faut un cheval...

», dit Scapin, et Argante accepte sans discuter de donnersoixante pistoles.

Scapin enchaîne immédiatement, comme le ferait aujourd'hui un magnétophone: « Ilfaudra le harnois et les pistolets...

» ; et Argante ajoute vingt pistoles et fait l'addition (approuvéironiquement dans son calcul par Scapin); il cède, mais en faisant un premier commentaire d'agacement.Scapin reprend alors imperturbablement: «Il me faut aussi un cheval pour monter mon valet » ; cette fois,Argante se révolte, et Scapin doit intervenir directement pour argumenter; il gagne et le vieillard accepted'ajouter trente pistoles.

Et de trois.

Mais il n'est pas quitte, car Scapin reprend sans transition : « Il mefaut encore...

» ; au mot de mulet, Argante le coupe, furieux, et déclare préférer aller en justice.

Le jeu estallé jusqu'à quatre, mais il est désormais interrompu, malgré les supplications de Scapin (« Monsieur, unpetit mulet.

»).

Il ira pourtant jusqu'à cinq, après la tirade de Scapin sur les procès, Argante, abasourdi,s'empressant de demander: « À combien est-ce qu'il fait monter le mulet ? » Mais la somme de deuxcents pistoles est décidément trop forte, et malgré l'étourdissante plaidoirie de Scapin contre lesplaidoiries, il n'en démordra plus. Fantaisie verbale On aura remarqué au passage que Molière, soucieux de varier ses procédés, ne s'en est pas tenu qu'aucomique de répétition et de gradation.

Il a inséré, au milieu du dialogue rapide entre Scapin et Argante,deux longues tirades de Scapin qui reposent sur le principe de la «fantaisie verbale », tout en constituantune véritable satire de l'institution judiciaire.

Sous cette expression commode de fantaisie verbale(étudiée par R.

Garapon), on range toutes les tirades dans lesquelles le plaisir d'assembler les mots et dejouer avec eux prend le pas sur la volonté de transmettre une signification.

Jeu en usage dans toutes lesformes de textes comiques depuis le Moyen-Âge, il se caractérise souvent par des accumulationsincohérentes de mots, d'expressions, de phrases (fatrasie).

Or, Molière s'est bien gardé d'ôter toutecohérence à ses deux tirades. Il est parvenu au contraire à produire un effet d'étourdissement verbal, tout en construisant sesaccumulations de manière extrêmement logique: du sergent au juge (première tirade), de l'exploit auxexpéditions (deuxième tirade).

Et, en se servant de termes techniques empruntés au langage judiciaire,mais dont la plupart étaient connus de la majorité de ses spectateurs, il produit un effet de galimatiassans jamais cesser de décrire très exactement les différentes étapes d'une procédure.

En somme, Molièrea retenu de la technique de la fantaisie verbale son système rythmique (brièveté des propositions et desphrases, effets de parallélisme syntaxique et d'accumulation) et son système lexical (choix de mots raresou techniques), sans jamais perdre de vue qu'il s'agit pour Scapin de convaincre Argante des dramatiques incommodités dela justice française.

Double effet comique,donc : le comique verbal créé par cetteutilisation particulière du lexique judiciaireproduit une description délirante dusystème judiciaire, autrement dit une satireirrésistible de la justice.

Remarquons enfinqu'ainsi organisées, ces deux tirades,pourtant relativement longues, neralentissent en aucune manière le tempo. »

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