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FOUGERET DE MONBRON Louis Charles : sa vie et son oeuvre

Publié le 06/12/2018

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FOUGERET DE MONBRON Louis Charles (1706-1760). Rangé parmi les romanciers libertins grâce à sa célèbre Margot la ravaudeuse (1750), Fougeret de Mon-bron tire sa vraie originalité d’une attitude devant la vie. Contemni et contemnere, mépriser et être méprisé : ce « cosmopolite » lève les masques, mais sa dénonciation sans espoir ni cause à défendre se retourne contre lui-même. Seule reste une écriture spécifique, et qui annonce parfois Chamfort : procès-verbal ironique et distancié d’un monde peuplé de dupes et d’« habiles comédiens », dont la dissection porte pour fruit de « haïr par raison ce qu’(on) haïssait par instinct » (le Cosmopolite, 1750).

 

Le « cœur velu »

 

« J’ai le cœur velu », aurait répondu Fougeret à Diderot qui s’étonnait de le voir rester de glace à un concert. Ce « tigre à deux pieds » (Diderot dixit, dans la Satire première) naquit à Péronne en Picardie; son père Jean Fougeret, petit fournisseur aux armées, s’enrichit au temps de Law, devint « de Monbron » et envoya Louis-Charles à Paris au régiment des Gardes du corps (1726), où il resta jusqu’en 1730. Il quitte alors le service, mène une vie de débauche et d’oisiveté d’où sa famille le tire en 1735, en lui achetant la charge de valet de chambre du roi, dont il se défait quatre ans plus tard. Ses amis se nomment alors d’Allainval, le chevalier de Mouhy, l’abbé Pellegrin, figures faméliques de la bohème littéraire du temps. Le véritable tournant de son existence se situe en 1742, lorsqu’il décide de «promener ses ennuis », voyages qu’il racontera dans le Cosmopolite (1750) : le voici en Angleterre, en Hollande, en Turquie. Revenu en France, lesté désormais de l’héritage paternel, il donne deux ouvrages parodiques, le Discours prononcé au Roi par un paysan de Chaillot (1744), satire antimonarchique en style poissard, et une Henriade travestie en vers burlesques (1745), 

« cc Je tiens à tout et je ne tiens à rien , Publiés la même année, le Cosmopolite et Margot la ravaudeuse apparaissent comme les faces complémen­ taires d'un même projet d'écriture.

Là, un parcours « horizontal » qui va d'un peuple, d'une culture à l'autre; ici, une coupe verticale du laquais au grand seigneur en passant par le moine et le financier.

De même que chacun met à nu son corps et son caractère devant la «catin », de même le coup d'œil non prévenu du voyageur perspicace permet-il de déceler la décevante vérité de chacun.

« L'univers est une espèce de livre dont on n'a lu que la première page quand on n'a vu que son pays.

J'en ai feuil­ leté un assez grand nombre que j'ai trouvées presque éga­ lement mauvaises.

Cet examen ne m'a pas été infructueux.

Je halssais ma patrie.

toutes les impertinences des peuples divers parmi lesquels j'ai vécu m'ont réconcilié avec elle.

Quand je n'aurais tiré d'autre bénéfice de mes voyages que celui-là, je n'en regretterais ni les frais ni les fatigues».

Ces quelques lignes tirées du Cosmopolite furent pla­ cées par Byron en épigraphe à Childe Harold (1812).

Le ((cosmopolitisme » provocateur de Fougeret se veut l'affirmation d'une indépendance absolue à l'égard de son pays comme de toute morale : le narrateur du Cosmopolite est un « outlaw » (R.

Trousson), mais qui assume sereinement un égoïsme et un appétit de plaisir que les autres vivent dans la mauvaise conscience.

Et les plus «masqués» (les Vénitiens au temps du carnaval) ne sont pas les pires du troupeau.

Une cible privilégiée, pourtant : le clergé, sous toutes ses formes et de tous les temps -derviches de Constantinople, prêtres d'Apollon cherchant à «jouir en secret» de la sibylle de Cumes ( !), chevaliers de Malte courant les cantatrices, moines surtout, accablés de qualificatifs malsonnants, penail­ lons, fraparts, cafards porte-froc, bâtards des Apôtres; un Inquisiteur espagnol se comporte exactement comme celui de Candide (1759).

Contre eux, Fougeret cultive les deux registres voltairiens de l'ironie devant une liturgie décrite de l'extérieur, d'où est expulsée toute significa­ tion spirituelle : ainsi de ce « tic fort singulier» du pape, qui consiste à « fendre l'air avec deux doigts comme si les mouches l'incommodaient»; et de 1' indignation lyrique lorsque le jeu devient dangereux comme ce scan­ dale, à Florence, d'une prise de voile forcée (en 1760, Diderot entreprendra sa Religieuse).

De même le récit se développe-t-il à deux niveaux : celui de la narration anecdotique où d'aventure en aventure tombent les illu­ sions (les « vilaines maisons de plâtr e et de bois » de Constantinople ne ressemblent guère aux palais des contes orientaux, etc.), et celui d'une réflexion générale en forme de maximes sur la nature humaine, la vertu ( « le plus méchant est celui qui sait le moins se contrefaire » ), l'incommunicabilité des civilisations ((> se proclame « maître absolu de ses volontés et souverainement indé­ pendant >>; Margot a fait fortune et se retire à la campa­ gne, jouissant de « ce que la vie a de plus délicieux dans tous les genres ».

Mais neuf ans plus tard, le sarcasme de la Capitale des Gaules s'appuiera sur la nostalgie d'un «âge heureux où vivaient nos ancêtres», où le moi désemparé pourra plonger ses racines.

En ce sens, l'itinéraire intellectuel de Fougeret de Mon bron paraît exemplaire d'une révolte qui, en 1750, est encore en quête d'une idéologie.

BIBLIOGRAPHIE Œuvres.

Margot la ravaudeuse, in Romans libertins du XVIII' siè­ cle, Laff ont, « Bouquins >>, 1993; le Cosmopolite ou le Citoyen du monde, suiv i de la Capitale des Gaules ou la Nouvelle Baby­ lone, Bord eau x, Ducros, 1970, avec une introduction et des notes parR.

Trousson.

A consulter.

-J.H.

Broome, >, il sait masquer la vacuité du sens sous les contournements for­ mels (périphrases et métaphores filées prolifèrent sous sa plume) ou les rimes surprises (Paul de Kock/bock; de Lesseps/forceps; Brummel!cummel.

..

).

Reste que cette rhétorique de la gratuité amuse parce qu'elle se veut résolument hypertextuelle, pastichant la plastique par­ nassienne («le Cid»), travestissant les registres tragi­ ques ( « Carnaval des chefs-d' œuvre») ou parodiant jus­ qu'à l'outrance les pièces zutiques («la Singesse >>).

Ainsi le texte de Fourest n'existe-t-il que par référence à une culture (livresque, linguistique) sans laquelle il se dissout.

Et sans doute faut-il voir un dernier clin d'œil dans le choix dérisoire d'une guenon pour Muse : il est vrai que le rut remplace ici le luth, et que, pour le Poète, profanateur sacré, il s'agit avant tout «d'incaguer la pudeur, de convomir le bon goût».

Là encore Fourest n'existe qu'au second degré.. »

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