FLÉCHIER Esprit : sa vie et son oeuvre
Publié le 06/12/2018
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FLÉCHIER Esprit (1632-1710). Alors qu’il fut un des maîtres de l’éloquence sacrée au xviie siècle, Fléchier souffre de la désaffection qui frappe ce genre. On pourrait, semble-t-il, assez utilement le redécouvrir. L’étude de cet « Isocrate français » fournirait, en effet, des clefs pour l’analyse des rhétoriques qui nous gouvernent, par le simple contraste entre leurs schémas élémentaires et l’architecture savante d’un discours modèle.
Né à Pernes, à côté d’Avignon, dans une famille de petite noblesse, Fléchier fit ses études à Tarascon, près de son oncle, supérieur des Prêtres de la Doctrine chrétienne. Formé par cette congrégation savante, il enseigna
la rhétorique et les langues anciennes à Narbonne. Ordonné prêtre en 1657, il prononce une première oraison funèbre, celle de Claude de Rebé, archevêque de Narbonne, en 1659. Venu à Paris suivre les leçons d’éloquence de Richesource, il est successivement catéchiste dans une paroisse, puis précepteur, en 1665, chez le conseiller du roi M. de Caumartin, maître des requêtes. A la même époque, il fréquente assidûment la société précieuse de l’Hôtel de Rambouillet et du salon de Mme Deshoulières. Le style et l’esprit de ce milieu marquent les œuvres profanes qu’il compose alors, tels le petit poème latin décrivant le carrousel de 1662 ou les

«
épîtres
badines qu'il échange avec M11• de La Vigne.
Dans une lettre à Mme Deshoulières figure un portrait de
Fléchier par lui-même : il se montre avec subtilité très
conscient et très bon juge de ses qualités littéraires.
Ayant suivi M.
de Caumartin, commissaire du roi, à
la cour de justice exceptionnelle qui se tint à Clermont
en 1665-1666, il rédigea de piquants Mémoires sur les
Grands Jours d'Auvergne.
Destinés au seul divertisse
ment de ses amis parisiens, ces Mémoires, qui ne furent
publiés qu'en 1844, offrent une vision insolente et indis
crète, mais pénétrante, d'une province décrite avec une
distanciation d'ethnologue.
L'humour y est constant sans
pour autant devenir un tic insupportable.
Cette œuvre
confidentielle et, dans les deux sens du terme, précieuse,
a une vigueur de trait qui va bien au-delà de la virtuosité
du bel esprit.
Fléchier devient lecteur du Dauphin en 1668 et voit
grandir sa réputation de prédicateur.
Son style se dégage
peu à peu des excès d'une époque où les orateurs sacrés
ne craignaient pas d'avoir recours aux leçons des comé
diens et d'utiliser les plus gros effets théâtraux.
«Tl
prêchait avec un vieux, goût et un style moderne », dira
d'Alembert dans son Eloge de Fléchier (1779).
11 suc
céda à l'un de ses modèles, l'évêque Godeau, à l'Acadé
mie française.
Reçu le même jour que Racine, il accapara
tout le succès de la séance par un discours qui était un
chef-d'œuvre d'encensement et qui laissa Racine bre
douillant et confus devant les insuffisances de son propre
compliment.
Fléchier fut gratifié de charges flatteuses,
telle celle d'aumônier de la Dauphine, et de bénéfices
substantiels, tel celui de l'abbaye de Saint-Séverin en
Poitou.
Il avait commencé, quelques années avant que Bos
suet ne vînt le supplanter, une carrière brillante dans
l'éloquence d'apparat avec l'Oraison funèbre de sa pro
tectrice, Julie d'Angennes, duchesse de Montausier, en
1672.
Sept autres lui succéderont, jusqu'à celle du duc
de Montausier en 1690, pour la duchesse d'Aiguillon, le
premier présid(:nt de Lamoignon, la reine Marie-Thérèse,
le chancelier Le Tellier, la Grande Dauphine.
Toutes
témoignent de sa finesse dans la description psychologi
que et de son habileté dans la mise en scène.
Mais la
plus célèbre de ses Oraisons funèbres est celle de
Turenne (1674).
Fléchier, qui parla un jour après que
Mascaron, sur le même sujet, eut ravi l'auditoire, réussit
à déplacer l'admiration sur son propre discours.
La rhétorique de Fléchier est remarquable par son
élégance, mais ..
si on lui applique les trois exigences qui
s'attachent à 1' éloquence : instruire, plaire, toucher, on
constate que s'il instruit toujours, il plaît presque à coup
sOr mais il touche rarement.
Son éloquence fait les déli
ces des connai�seurs, mais un excès de goût la retient sur
la pente de l'émotion.
La métaphore est trop souvent
filée pour elle-même, forçant le sens : c'est ainsi qu'il
compare la vie de Turenne à «un de ces fleuves qui
s'étendent à mesure qu'ils s'éloignent de leur source et
qui portent enfin partout la commodité et l'abondance >>.
Son style possède au plus haut degré ce qu'on appelait
le «nombre», qui est un composé d'harmonie, de
rythme, de cadence.
Il le doit parfois à un recours abusif
à l'antithèse.
De Turenne il dit par exemple :.
»
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