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Figaro dit, dans « le Barbier de Séville » : « Je me presse de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer. » Le rire de Figaro n'est-il pas celui de Beaumarchais ? En quoi diffère-t-il de celui de Molière? (De quoi l'un et l'autre rient-ils? Pourquoi et comment rient-ils ?)

Publié le 10/02/2012

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figaro

La verve joyeuse de Figaro est l'expression vivante de cette mentalité et, selon toute vraisemblance, le mot fameux que nous avons à commenter, avant de franchir la rampe du théâtre, fleurit sur les lèvres du comte Caron de Beaumarchais, dans un de ces salons où la grande affaire est de combattre le sombre ennui, où l'on rit beaucoup, quitte à pleurer ensuite dans le secret. Auteur et personnage se ressemblent comme deux frères. Le second, musicien ambulant, bureaucrate, garçon apothicaire, auteur dramatique, valet de chambre, concierge, barbier et entremetteur, prêt à toute besogne, accueilli dans une ville, emprisonné dans une autre ...

figaro

« sa pupille et se voit préférer un jeune homme beau et spirituel.

Mais l'intrigue de Molière est enfantine auprès de la marche endiablée, sans cesse ·rebondissante de l'action chez son imitateur.

Mêmes transformations dans les caractères.

Arnolphe est, chez Molière, un vieux tuteur facile à duper; le Bartholo de Beam;narc?ais est le contraire d'une ganache : alerte_, rusé défiant, il est de taille a se mesurer avec cette fine mouche de Rosi~e tendre, malicieuse, et d'une innocence beaucoup plus inquiétante que ce'lle d'Agnès.

II est capable de tenir en échec Lindor, plus nuancé, plus subtil, lui aussi, que l'Horace de l' « Ecole ».

Pour mieux apprécier encore les profondes divergences entre les deux comédies, il faut surtout opposer Figaro au valet d' Arnolphe, Alain.

Celui-ci n'existe pas, en face de I;étinèelant, de· l'irrésistible barbier.

Mais étendons maintenant notre comparaison à tout le théâtre de Molière et aux deux principales œuvres de.

Beaumarchais.

Demandons-nous de quoi, pourquoi et comment riaient Poquelin et.

Caron.

Ils ne rient pas des mêmes sujets.

Molière s'égaie, dans « les Précieuses », d'un travers de son temps, d'une épidémie de bel eprit, d'une vague d'amour romanesque.

Dans « les Femmes savantes », même rire, à propos de.

ce que nous appelons une «actualité»: La Préciosité est devenue Pédantisme; le beau sexe prétend alors à la science, autre occasion de se gausser de ses contemporains et de les montrer bernés par des faquins qui exploitent leurs manies.

Il raille encore l'ignorance prétentieuse des médecins de son siècle, et de leurs.

alliés, les apothicaires, occupés à purger et à saigner, terrorisant les naïfs, les gogos.

Et sa vive, sa cinglante plaisanterie excite encore nos rires.

Les petits marquis turlupins, si joliment définis par La Fontaine : « Belle tête, mais de cervelle point », servent également de cible à ses· coups; il en fait ses bouffons, comme il a fait d'un Purgon, d'un Dia­ foirus ses « têtes de Turc » .

.

Mais le plus souvent c'est à «l'éternel fond de l'homme» qu'il emprunte sa matière; c'est notre ~œur, avec ses passions, avec ses vices toujours ridicules P.ar quelque endroit, avec ses petitesses, ses vulgarités, ses manies, qui constitue pour lui la source iné:puisable du comique.

L'amour .

sénile, l'amour atrabilaire, l'amour intéresse lui suggèrent des scènes, des mots immortels, il les incarne en dès types inoubliables.

L'avarice, l'hypocrisie ne sont pas seulement odieuses à ses yeux, elles lui fournissent une excel­ lente matière comique; il en rit, il nous en fait rire.

Il sait limiter le champ de sa plaisanterie.

Il obéit à la grande loi classique _de -la convenance.

Il ne convient pas, pense-t-il, de battre en brèche les institutions séculaires, de s'attaquer à l'autorité, de bafouer ce qu'il y a de plus sacré ici-bas.

Et si, çà et là, il ridiculise la paternité, le mariage, la religion même, ce n'est pas, semble-t-il, par un dessein prémédité, ·du moins s'en défend-il avec la dernière énergie.

· Figaro-Beaumarchais ne connaît pas ces scrupules.

« Il rit de tout », sans exception.Nous sommes au siècle de l'irrespect, de l'insolence, qu persiflage.

Rien ne trouve grâce devant le terrible barbier.: ni les hommes ni les choses.

La comédie n'est plus ici qu'un pamphlet contre les privilèges et les ,privilégiés, mais adapté à la scène devenue tribune.

Nobles, évêques, juges, censeurs, criti9.ues, « maringouins » : .tout ce qui domine, tout ce qui.

gêne est lardé d'epigrammes.

L'audace de Beaumarchais dénonce les lettres de cachet, la tutelle dans laquelle le pouvoir maintient la Presse, et peut-être sont-ce là des abus; mais elle bafoue aussi - oh! avec une habileté consommée! - le mariage et la maternité.

Avec lui, on rit non plus du vice ou du travers ridiculisés, mais de l'impertinence plébéienne victorieuse de la morgue aristocratique, du comte mis en déroute par le ba'rbier, son rival amoureux.

Et ce rire est révélateur d'un état d'esprit, inconnu au temps de Molière.

Les intentions .

varient aussi, on le devine, de Molière à Beaumarchais.

Ayec tout son siècle, fidèle à l'idéal formulé par Santeul dans ces trois mots latins.: Castigat ridendo mores, libéralement attribués aux «Anciens», Molière se propose en riant une fin morale.

Il y revient sans cesse dans ses préfaces.

Il veut être utile aux hommes, d'abord en dénonçant leurs vices et leurs travers, en étalant sur la scène de facon concrète saisissante le ridicule et l'odieux de ces turpitudes ou de ce·s faiblesses, 'leurs réper~us­ sions fâcheuses dans la vie domestique et la.

vie sociale.

II veut ensuite. »

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