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Faut-il décréter un moratoire sur certaines recherches scientifiques ?

Publié le 17/01/2022

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La science synonyme de progrès. Cela est contredit. - Par l'exemple des centrales nucléaires. - Par la recherche concernant la « guerre des étoiles ». - Par les problèmes que posent les avancées de la biologie et de la génétique. - La pratique du moratoire choque certains scientifiq ues. - La communauté scientifique et la société civile doivent coopérer pour l'avenir de la science.

« humain mort ont entravé des recherches capitales pour la naissance de la médecine moderne.

Au XVIe siècle, àtravers ces luttes d'influence entre science et religion, les travaux d'un M.

Servet sur le coeur ont permis desavancées essentielles.

Le personnage principal de L'Œuvre au noir de M.

Yourcenar, Zénon, illustre parfaitement cette figure des médecins-philosophes-alchimistes du XVIe siècle, en lutte contre les certitudes désuètes de leurtemps et prêts à y laisser leur vie. Si la morale établie s'opposait à une vision différente du microcosme humain, plus vive encore était l'opposition si ontouchait le macrocosme, la vision de l'univers, à travers l'astronomie.

L'exemple célèbre de Galilée, imagearchétypale de l'homme de science bâillonné par l'Église, en témoigne.

B.

Brecht, à travers une pièce célèbre La vie de Galilée présente ces résistances de l'Église et de la morale commune à travers la voix, entre autres, d'un « petit moine » qui montre que changer la vision de l'univers, affirmer que la terre tourne autour du soleil, c'est changerl'ordre social autant que divin : « Que diraient les miens s'ils apprenaient de moi qu'ils se trouvent sur un petit amasde pierres qui, tournant à l'infini dans l'espace vide, se meut autour d'un autre astre, petit amas parmi beaucoupd'autres...

A quoi serait bonne encore l'Écriture sainte qui a tout expliqué et tout justifié comme étant nécessaire, lasueur, la patience, la faim, la soumission...

? » Et pourtant, on sait qu' « elle tourne ».

Religion et morale ont su s'enaccommoder, quoique la réhabilitation de Galilée n'ait été prononcée que récemment par Jean-Paul II! Ces résistances d'un autre âge, on les retrouve à des époques plus récentes, dès que les découvertes scientifiquestouchent à une conception consacrée de l'être humain.

Ainsi la psychanalyse a dû faire face au poids de la moraletraditionnelle pour affirmer l'influence de la sexualité dans la structuration psychique de l'homme.

L'inconscientvenait miner les belles certitudes de la conscience.

De même, plus récemment, les travaux touchant à lacommunication animale, notamment ceux entrepris sur des singes auxquels on inculquait une langue constituée designes manuels, ont remis en cause le monopole humain du langage, heurtant gravement les distinctionstraditionnelles de l'homme et de l'animal. Dans des domaines variés comme la médecine, l'astronomie, la psychologie, la recherche scientifique a été entravéepar des dogmes moraux, philosophiques et religieux qui n'avaient d'autre fondement que leur ancienneté, conditionde leur toute-puissance.

La disparition de tels freins ne peut sembler a priori que positive. Or ces images des martyrs de la science, sur lesquelles plane la figure mythique de Galilée, semblent poursuivrel'imaginaire des chercheurs contemporains alors qu'à bien des égards les pouvoirs ont été inversés.

Depuisl'optimisme scientiste du XIXe siècle, la science est un dogme, ayant le progrès pour principe, ses églises et seschapelles, elle est devenue une valeur inattaquable.

Pourtant elle influe de façon décisive dans tous les domaines dela vie humaine et comme telle, elle concerne l'ensemble de la société civile.

Par les révolutions techniques qu'ellepermet, elle modifie les conditions de production, l'organisation économique et sociale.

Par les voies qu'elle ouvre,elle brouille les repères éthiques d'une civilisation.

Cela est flagrant dans de nombreux domaines, notamment laphysique nucléaire, la biologie et l'électronique. Que sont devenues les préoccupations humanistes de P.

et M.

Curie ? L'énergie nucléaire a des applications tantciviles que militaires, avec dans ce cas, les effets redoutables, monstrueux, que l'on connaît.

Or, même dans sesutilisations pacifiques, le nucléaire, s'il n'est pas géré avec prudence et dans le souci de sauvegarder les générationsfutures, peut devenir une arme mortelle, comme l'illustre sinistrement l'accident de Tchernobyl.

Dans ce cas, lascience devient l'esclave de la logique économique de production au moindre coût et elle ne sert plus ni elle-même,ni l'humanité. Dans le domaine de la biologie, notamment en génétique, les découvertes ont bouleversé la notion de procréation,ce qui a des incidences sur la conception même de l'être humain.

Avec ses stocks d'ovules et de spermatozoïdes,ses embryons surgelés, le monde réel est-il si éloigné de la fiction de 1984 ? Outre le risque de commercialisation de l'être humain, n'y a-t-il pas une possibilité de dissociation entre la procréation et l'acte sexuel, voué au seul plaisir ?Plus grave, l'anonymat du sperme et des ovules ne risque-t-il pas d'entraîner la procréation d'enfants nés d'unionsincestueuses, enfreignant en cela un tabou fondateur de presque toutes les civilisations ? Et comment l'enfant issude tels procédés se percevra-t-il, comment évoluera son psychisme ? Les incidences morales, psychologiques,philosophiques de la biologie doivent être envisagées avec le plus grand sérieux. Quant à l'électronique, qui a révolutionné la vie ménagère et les communications, qui s'en plaindrait ? Et pourtant,pour ne considérer que l'informatique, elle modifie des secteurs économiques, des méthodes d'enseignement, desmodes de communication sans qu'il y ait réflexion préalable des divers acteurs sociaux. Face à de tels bouleversements, à une telle accélération des découvertes en Occident, l'optimisme de principe nesemble plus de mise et une véritable réflexion doit être menée par les scientifiques eux-mêmes et l'ensemble descitoyens qui bénéficient ou souffrent des retombées de la science. Les chercheurs eux-mêmes peuvent être à l'origine de réactions, réflexions et moratoires, comme le montre BrunoEscoubès pour le nucléaire ou la recherche concernant le génie génétique.

Mais les plus hautes autorités de l'Église et del'État peuvent alerter l'opinion par des proclamations solennelles.

Ainsi, Mgr Lustiger appelle à la vigilanceet prédit « des temps terribles, où il faudra que les hommes et les femmes aient beaucoup de couragepour sauver la dignité humaine ».

Le président de la République François Mitterrand, à l'occasion de lacréation du Comité national d'éthique, a déclaré que « plus vite va le monde, plus nous devons prendre le. »

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