FATRASIE et FATRAS
Publié le 06/12/2018
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FATRASIE et FATRAS (xiiie-xive siècle). La critique a longtemps déprécié, à cause de leur médiocre valeur esthétique et de leur absence d'« émotion », la « resve-rie », la « fatrasie » et le « fatras », ces formes poétiques qui semblent purs jeux de mots et laborieuse recherche de l’absurdité. L’ancêtre, la « resverie » (le terme signifie « incohérence »), oppose, dans une succession de distiques (jusqu’à soixante-dix) de sept ou huit et quatre syllabes, une continuité, celle du rythme claudicant, de la rime et de la syntaxe, à une succession de ruptures du sens : il s’agit en effet d’improviser deux vers qui ne riment pas, puis de faire rimer avec le second un nouveau couple, pour obtenir une sorte de « bout-rimé absurde » (P. Zumthor). Ainsi, dans cette pièce anonyme publiée par A. Jubinal (Jongleurs et trouvères..., 1835; rééd. 1977) : « Nus ne doit estre jolis/S’il n’a amie. J’aim autant crouste que mie/Quant j'ai grant faim. Tien cel cheval par le fraim/Maleüreus.. ». La « fatrasie » picarde de la seconde moitié du xmc siècle puis, après 1300, le « fatras » développent l’effet de non-sens; la forme rigide (une strophe de six pentasyllabes suivie de cinq heptasyllabes, glose saugrenue des deux vers dissociés d’un distique emprunté au registre courtois, sur le schéma AB AabaabbabaB) recouvre
«
1300,
« fatras •> jusqu'en 1340, mais cette technique a
été récupérée par le théâtre, puis par le « coq-à-l'asne »
du xvt• siècle [voir COQ-A-L'ÂNE].
Le sens est produit,
non par les références au monde, mais par un jeu de
contradictions sémantiques (un muet qui parle) ou par la
rencontre entre éléments de réel disjoints (une maison
s'approche), ou par l'absence de lien entre sujet et prédi
cat, entre l'action et les circonstances.
Seules la rime et
la mélodie supportent la continuité du discours : une
seule phrase complexe, aux articulations marquées mais
factices, confronte des bribes de réel, en un mouvement
de libération qui touche moins la réalité même que le
langage, et que P.
Zumthor a appelé « surréalisme du
discours ».
Un tel système -ou plutôt « anti-système »
- ne se comprend que dans le cadre d'une poésie très
codifiée, à l'intérieur de laquelle toute altération est
créatrice, et où seule, d'ailleurs, 1' introduction d'un écart
dans les formes existantes est source de renouvellement
(ainsi fonctionne la parodie).
La rencontre d'énoncés
incohérents n'est pas l'indice d'une cohérence plus pro
fonde qui se situerait au-delà du réel : «Tripe de
moustarde/Se faisoit musarde/Dou poistron (=cul) s'an
tain ...
» ne renvoie qu'à une dérision de la cohérence
sémantique du langage, qui, rendu à son autonomie,
débarrassé de la nécessité de.
»
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