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Fantasio (II - 7 fin) - Musset

Publié le 14/02/2011

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Le page. — Oui, la guerre est déclarée. Il y a eu entre lui et le roi une scène épouvantable devant toute la cour, et le mariage de la princesse est rompu. Elsbeth. — Entendez-vous cela, monsieur Fantasio ? vous avez fait manquer mon mariage. La gouvernante. — Seigneur, mon Dieu ! le prince de Mantoue s'en va, et je ne l'aurai pas vu ! Elsbeth. — Si la guerre est déclarée, quel malheur ! Fantasio. — Vous appelez cela un malheur, Altesse ? Aimeriez-vous mieux un mari qui prend fait et cause pour sa perruque ? Eh î Madame, si la guerre est déclarée, nous saurons quoi faire de nos bras ; les oisifs de nos promenades mettront leurs uniformes ; moi-même je prendrai mon fusil de chasse, s'il n'est pas encore vendu. Nous irons faire un tour d'Italie, et si vous entrez jamais à Mantoue, ce sera comme une véritable reine, sans qu'il y ait besoin pour cela d'autres cierges que nos épées. Elsbeth. — Fantasio, veux-tu rester le bouffon de mon père ? Je te paye tes vingt mille écus. Fantasio. — Je le voudrais de grand cœur ; mais, en vérité, si j'y étais forcé, je sauterais par la fenêtre pour me sauver un de ces jours. Elsbeth. — Pourquoi ? Tu vois que Saint-Jean est mort ; il nous faut absolument un bouffon. Fantasio. — J'aime ce métier plus que tout autre ; mais je ne puis faire aucun métier. Si vous trouvez que cela vaille vingt mille écus de vous avoir débarrassée du prince de Mantoue, donnez-les-moi, et ne payez pas mes dettes. Un gentilhomme sans dettes ne saurait où se présenter. Il ne m'est jamais venu à l'esprit de me trouver sans dettes. Elsbeth. — Eh bien ! je te les donne ; mais prends la clef de mon jardin : le jour où tu t'ennuieras d'être poursuivi par tes créanciers, viens te cacher dans les bluets où je t'ai trouvé ce matin ; aie soin de prendre ta perruque et ton habit bariolé ; ne parais jamais devant moi sans cette taille contrefaite et ces grelots d'argent ; car c'est ainsi que tu m'as plu : tu redeviendras mon bouffon pour le temps qu'il te plaira de l'être, et puis tu iras à tes affaires. Maintenant tu peux t'en aller, la porte est ouverte. La gouvernante. — Est-il possible que le prince de Mantoue soit parti sans que je l'aie vu ?   

La fantaisie de Musset dramaturge n'est pas uniquement un jeu brillant de l'esprit. Elle se pénètre souvent de sensibilité ou d'idéal, de vie frémissante, bref, d'éléments qui prêtent au drame autant qu'à la poésie. N'est-ce pas ce que nous trouverons en particulier dans le dénouement de Fantasio ? — Pour éviter qu'Elsbeth, princesse de Bavière, n'épouse le grotesque prince de Mantoue, Fantasio a provoqué un scandale : il a enlevé au bout d'un hameçon la perruque de Marinoni, aide de camp du prince qui, depuis le début de la pièce, passe pour son maître. Mis en prison, Fantasio est délivré par Elsbeth :    Le Page. —Oui, la guerre est déclarée... —> sans que je l'aie vu ? «

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« Faites pleurer ma mort aux veuves des Troyens...) — Fantasio : le bouffon («perruque...

habit bariolé...

taille contrefaite...

grelots d'argent...

») et ce qu'il symbolise :le rêve, les fantaisies de l'imagination. 2.

— Sensibilité et mouvement dramatique. 1.

— L'éternelle jeunesse du libertin blasé Le libertin blasé, l'« oisif des promenades », a gardé le culte désintéressé..., sentimental, de la jeunesse et del'amour.

Après avoir provoqué le scandale qui a entraîné la rupture du mariage mantouan, voilà qu'il envisage une «promenade » militaire en Italie ! L'exaltation provoquée par son idéal toujours vivace soulève toute sa tirade : « Vous appelez cela un malheur,Altesse ? etc.

» Elle nuance de sentiment l'hyperbole familière de « Altesse ».

(Jusqu'à présent Fantasio appelaitElsbeth « Madame ») et l'ironie des premières phrases.

Finalement le ton se fait lyrique, de plus en plus enthousiaste; et, pour clore l'envolée, une image épique où l'on sent, avec l'emphase de la jeunesse, tout l'élan généreux del'amour :«...

et si vous entrez jamais à Mantoue, ce sera comme une véritable reine, sans qu'il y ait besoin pour celad'autres cierges que nos épées ». 2.

— La confidence d'Elsbeth.

- Le dénouement. Le dévouement de Fantasio et sa séduction — qui ont permis et permettront encore à Elsbeth d'échapper à la tristeréalité — font naître peu à peu dans le cœur de la princesse une sympathie profonde « non pas amour, mais autrechose qu'amitié ».

(J.

Lemaître).

Musset note finement les progrès du sentiment (Cf.

Marivaux).

En même tempsl'action s'achève, sur le plan des âmes. « ...Cela » : la guerre n'est pas qualifiée ; terme neutre, qui équilibre le reproche (guerre) et la reconnaissance(mariage évité). « Monsieur Fantasio » : reproche...

officiel.

Peu à peu « monsieur Fantasio » deviendra « Fantasio », puis : « il nousfaut absolument un bouffon » ; puis « mon bouffon ». Après la tirade exaltée de Fantasio, sympathie : quelque vivacité dans les débuts de phrases : « Fantasio, veux-tu...

Je te paye...

Pourquoi ? Tu vois que...

absolument...

» Moins folle que Fantasio, elle sent que ce dernier estfait pour le rôle qu'il a joué jusqu'à présent.

Elle ne suit pas le rêve militaire de Fantasio, flambée d'un instant, et luidemande de rester.

Mais réaction de défense de l'indépendant Fantasio.

(Le rêve naît et s'évanouit capricieux) : ilfaut accepter un compromis.

Et ce sont les confidences émues des séparations : « car c'est ainsi que tu m'as plu.

»Impératifs : « viens », « aie soin », « ne parais jamais »...

Puis des futurs succèdent aux impératifs.

Elsbeths'absorbe dans le rêve qu'elle vit déjà.

Regrets, soupirs, à la pensée des séparations nécessaires : « Et puis tu iras àtes affaires ». Conclusion. Complexité de cette page toute en délicatesse et en nuances : quelques touches grotesques ; élégantedésinvolture ; féerie ; amour de l'amour, de la jeunesse, du rêve ; psychologie et symbolisme ; drame et poésie.

A lasource : l'âme si riche de Musset : esprit, rêve, sentiment, et son expérience si profonde du cœur de l'homme ;jeune malgré tout par sa foi dans l'amour et dans le rêve, par ce qu'il y a d'éternel dans le romantisme.. »

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