Faire, à la manière de La Bruyère, le portrait d'Alceste, de M. Jourdain et de Philaminte.
Publié le 16/02/2012
Extrait du document
« S’il veut vivre heureux à la cour, disait un vieux courtisan, un honnête homme doit se faire sourd, muet, aveugle : sourd, pour ignorer les cruelles médisances qui s’y débitent sans trêve ni remords; muet, pour ne se laisser aller à aucun de ces éclats que provoque dans une âme sincère, le spectacle de rhypocrisie triomphante; aveugle, pour ne pas apercevoir les multiples vilenies qui se commettent et dont une seule suffirait à déshonorer un roturier. « Or le seigneur Alceste n’est ni sourd, ni aveugle, ni surtout muet, et voilà pourquoi il est malheureux. Il aime la vérité et il se heurte à de continuels mensonges; il déteste la calomnie et il la voit s’acharner à la réputation d’autrui; il a le culte de la justice, et il en voit les autels désertés....
«
II a pris des legons de maintien.
Voyez-le saluer une visiteuse de marque.
Queue grace, quelle aisance!...
Mais il a mal calcule ses distances, le
deuxieme pas le met nez a nez avec la belle; il la prie de reculer un tan-
tinet, pour que sa reverence soit dans les regles trois pas sont de rigueur!...
Il a quitte l'habit noir et uni, pour revetir un costume congruent a ses pre-
tentions : has de soie, talons rouges, haut de chausses en velours cramoisi,
camisole de satin vert.
L'avant-diner, il se drape dans une indienne la
plus propre du monde, a l'instar des t gens de qualite Comme eux, 11
s'exerce aux armes, tire et pare de tierce et de quarte, saura bientot se mettre en garde, et porter a l'adversaire de terribles bottes.
En attendant,
il en recoit, de sa servante qu'il a voulu eblouir.
Memes progres du cote de !'esprit.
Il ne distingue pas encore bien dia-
logue de prologue; mais it discerne depuis ce matin la prose des vers.
Encore un peu, it rivalisera avec les marquis et detronera, les Trissotins.
II s'essaie a donner un tour galant a tout ce dit; it reve de compli-
menter In dame de ses voeux.
La seule presence de la marquise Dorimene
le rend spirituel.
La voici; il la vent saluer en termes choisis...
remotion
le gagne, il se trouble, prend un mot pour l'autre et bafouille lamentable-
ment.
Premiers pas d'un apprenti; !'usage lui donnera de ,l'assurance!...
Son maitre de philosophie lui a communiqué !'amour de la science.
Sans
elle, declare-t-il, la vie est !'image de la mart.
Nonobstant, la logique lui
semble trop rebarbative, la morale trop genante, la physique l'effraie avec
son tintamarre de mots etranges...
it en remet retude a plus tard.
Pour
!'instant it s'en tient a l'orthographe; de la, passera a l'altnanach...
apres,
l'on verra.
Le jeu des consonnes et des voyelles le jette dans un joyeux
etonnement.
S'il vous rencontre, it vous demandera d'emettre le son u,
puis da, puis fa, et vous expliquera in theorie de ces diverses prononcia-
tions.
Le voila lance dans la carriere scientifique; jusqu'ou n'ira-t-il pas? Rien n'est &ranger au gentilhomme niusique, peinture, danse, it doit
tout savoir.
Jordanus chante faux.
Qu'A cela ne tienne!...
Il execute la
romance de Jeanneton : execution, c'est le mot idoine! II a decide de donner
chez lui des concerts ou accourront tons les melomanes.
Enfonce Mecenas,
enfonce Montauron! En peinture il a des gouts...
simples : une corbeille de
fruits, un gigot, une brioche, voila rornement de sa salle a manger.
Lebrun
et Mignard ne sont point ses hommes.
La choregraphie lui inspire une
vraie passion : it ne reve que menuets, courantes, passe-pieds et pavanes.
Presentement, it offre a ses antis titres des bals ou it n'epargne ni violons ni rafraichissements.
Brillant debut! Quoi de plus pour etre gentilhomme?...
Une particule, un titre, des
alliances? Jordanus les aura.
Autrefois cela se conquerait sur les champs
de bataille, il en cattail du sang; maintenant cela s'achete n'importe on,
moyennant eons et pistoles.
Son ambition est connue : le garcon tailleur
lui donne de < Votre Grandeur 3; un faquin l'appelle 4 mon Gentil-
homme 3..
Noblesse oblige : itles recompense princierement.
DOA ses
laquais portent livree.
Il les mande A tout moment, sans autre raison que de les montrer a ses hotes et a lui-meme.
It affecte de hanter les gens de
bonne maison; les bourgeois recceurent, specialement sa femme, in plus
bourgeoise des bourgeoises.
Ii a rhonnetir de preter de !'argent a un comte
- sans interet, cela s'entend.
Dorante a-t-il !'intention de le lui rendre?
Je sais qu'il n'en a pas le moyen.
Ce charmant emprunteur l'a introduit
chez Dorimene.
Bouquets, bijoux, diamants, fetes, diners, serenades, rien
n'est trop beau pour une marquise...
Marquise? pourquoi, apres tout, sa fine
ne le serait-elle pas?...
Sous ce pretexte, Cleonte, bon bourgeois et honnete
homme, s'est vu brutalement econduit.
Mais ii s'agit bien maintenant de marquis! Le flls du Grand-T'urc, it
peine &barque dans la Capitale, vent voir Jordanus, dont in renommee
s'etend déjà jusqu'au pays du soleil levant.
Et, sachant que sa fine est belle
et sage, le prince 'manifeste le desir de repouser.
Le moyen de resister
an vouloir de ces despotes orientaux?...
De son beau-pere it fera un ma-
mamouchi n - ce qui en turc signifie a palatin 3, et equivaut, pour le
moins it marquis.
Jordanus accepte avec un empressement emerveffle.
En
grande pompe, selon les rites orientauX, 11 regoit les insignes de sa nouvelle
dignite...
Sa vanite est comblee...
L'hymen est celebre...
C'est fait.
Jordanus a etc joue : il a marie Lucile A Cleonte et reste Jordanus, comme levant!...) > % = /1 % ? # ,%%% - $ / / !" . $ ,@% ) ! 1 % 3 10 & % A !5 ! !% + > ! % - $ 5 % ) ! % + 5 & 6% ) " . ; % 3 % 3 " %%% ! ! !. % 4 " % ,%%% 0 % 11 % 8! ! !! %%% % 4 " 4%%% $ % 3 * * * % . % 3 $ " * 7 11 B C 1 % 4 ! 7 0% F ! , ? B%%% G B % ( ! 2 " $ 7H % ! > II = A & " A. & % 8! ! $% J* % ) 5 1% ) ! " ! ; ! ! % ) D K % 11 B E % 9 / % F !* 0 ! %%% - B $ 1 B%%% !" ! ! ! % < %%%- ! , 3 #$ ! 9 * * % + ! % 3 B%%% J ! 1$ 1 & K & % % + > %%% !%%% 3 !%%% 9 % * 3 9 ,%%%. »
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