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FABLIAUX (Histoire de la littérature)

Publié le 06/12/2018

Extrait du document

histoire
FABLIAUX. On appelle communément fabliaux des contes plaisants en vers, écrits pour la plupart au xiiie siècle. Le mot picard fabliau (en deux syllabes au Moyen Age), qui correspond au francien fablel, fableau, a été généralisé par la critique à partir du xvie siècle. Les médiévistes d’aujourd’hui continuent d’employer ce terme dialectal pour désigner une littérature qui déborde largement le cadre de la Picardie.
 
Dans la littérature médiévale, le mot fabliau signifie simplement « récit », et plus précisément « récit fictif », par opposition au terme estoire, chargé de plus de dignité et prétendant faire la relation d’événements authentiques du passé. Le vocable le plus répandu pour désigner le genre se contente donc de faire référence à la littérature d’imagination. C’est peu pour notre goût moderne! Si l’on regarde les textes, on découvre que bien d’autres termes entrent en concurrence avec fabliau. Les œuvres appelées fabliaux reçoivent aussi le nom de contes ou d’aventures, parfois de fables, de dits ou d’essamples. C’est dire, dès l’abord, l’imprécision et le constant flottement du vocabulaire médiéval. La représentation de genres littéraires fixes et soigneusement distingués est tout à fait étrangère à la pensée des hommes du Moyen Âge.
 
Il serait excessif, toutefois, de nier l’existence du genre, comme l’a fait J. Rychner. Une soixantaine de textes se désignent comme des fabliaux. La critique moderne accepte cette dénomination et parle de fabliaux « certifiés ». Par voie d’extrapolation, on se croit autorisé à compter au nombre des fabliaux des contes dont le sujet et l’esprit sont très proches de ceux des fabliaux certifiés. Les dernières investigations arrivent à un total de 125 histoires : soixante fabliaux certifiés, soixante-cinq contes semblables. Sur la délimitation exacte du genre et l’extension du corpus, des hésitations sont possibles. Joseph Bédier recensait 147 fabliaux, Per Nykrog en dénombrait 160. Ces inventaires paraissent aujourd’hui un peu généreux. Il semble prudent d’exclure du corpus quelques récits marginaux (traductions d'historiettes de la Disciplina clericalis ou fables piquantes de Marie de France) et de compter pour un seul fabliau les versions à la fois parallèles et légèrement différentes d’une même histoire.
 
Ni des critères stylistiques ni des critères de ton ne permettent d’opposer radicalement les fabliaux et les contes courtois. Les fabliaux vraiment grossiers restent l’exception. Sans doute, les fabliaux appartiennent à la littérature des contes brefs en vers : leur longueur moyenne est habituellement de 300 à 400 vers octosylla-biques. A la différence du roman, qui s’étend dans la durée, prend une allure biographique et conduit le héros à travers une succession d’aventures, le fabliau met en scène une seule et unique aventure et abandonne le protagoniste du récit au moment où l’aventure s’achève, selon l’esthétique de la short story. Toutefois, les traits formels sont insuffisants pour définir le genre. Seuls l’inspiration et le contenu permettent, en dépit de la diversité thématique des 125 histoires, de dégager une certaine parenté et d’isoler le fabliau des autres contes brefs. Joseph Bédier définissait les fabliaux comme « des contes à rire en vers ». Il faut retenir cette volonté de divertissement et y voir un trait spécifique. Quand les auteurs évoquent leurs intentions, ils utilisent divers mots (gaberie, risee, trufe) du vocabulaire comique. De leurs récits ils nous disent : « ce sont mos pour la gent faire rire ». Sur le plan du contenu, une constante se dégage : les deux tiers des récits content des intrigues amoureuses et érotiques où l’adultère est roi. Ce sont d’ordinaire des situations triangulaires, avec les trois partenaires obligés : mari, femme et amant, et donc des histoires de maris trompés. La dispersion thématique d’un tiers des fabliaux reste évidente, mais une irrésistible ligne de convergence rapproche toutes les histoires, érotiques ou non érotiques : la représentation de la toute-puissance de la ruse dans un monde incertain et douteux et le triomphe des esprits retors. On ne l’a pas assez souligné, même dans les travaux les plus récents. Pour les auteurs de contes plaisants, la ruse est la grande force qui mène le monde. L’idéalisation de la tromperie, l’identification de l’auteur avec tous les héros habiles donnent à ces textes un indéniable air de famille.
 
Genèse et développement du genre
 
Les premiers fabliaux connus auxquels on puisse assigner une date approximative sont ceux de Jean Bodel,
 
grand écrivain d’Arras, dont la dernière œuvre, le Congé, a été composée avant le 1er décembre 1202, alors que le poète était atteint d’une lèpre incurable. L’origine du genre remonte donc aux dernières années du XIIe siècle. Certains de ces textes sont d’une brièveté et d’une simplicité évidentes. Ainsi Brunain, la vache au prêtre, anecdote sur l’avidité du clergé, ou le Vilain de Farbu, récit illustrant la balourdise épaisse d’un rustre. D’autres, comme le Vilain de Bailleul, piquante histoire d’un mari trompé, le Souhait insensé (li Sohaitz desvez), histoire d’un rêve obscène, et surtout Barat et Haimet, ample fabliau où s’affrontent des voleurs particulièrement experts, témoignent de grandes qualités de composition et d’un fin talent littéraire.
 
La grande époque créatrice de fabliaux est incontestablement le xme siècle. La plupart de ces textes sont anonymes. Ceux qui sont signés d’un nom d’auteur ne nous instruisent en rien sur le bagage littéraire et les productions du créateur. Un seul nom de grand écrivain connu par ailleurs figure dans la liste des auteurs du XIIIe siècle, c’est celui de Rutebeuf. Le fabliau s'arrête dans les années 1330-1340, avec les ménestrels Jean de Condé et Watriquet de Couvin, qui ont écrit quelques-uns des chefs-d’œuvre les plus réussis du genre.
 
Un des premiers érudits à s’intéresser aux fabliaux, Gaston Paris, expliquait la genèse du genre par l’influence de l’Orient. L’Inde aurait été la patrie de ces contes, qui seraient venus en Occident par Byzance et par l’intermédiaire des Arabes. La Disciplina clericalis d’un juif converti, Pierre Alphonse, qui écrivait en Espagne à la fin du XIe siècle, aurait été un maillon important dans la transmission des histoires comiques de l’Orient dans le monde chrétien. On ne croit plus beaucoup aujourd’hui à cette théorie grandiose de l’origine indienne des contes. Joseph Bédier, redoutable démolisseur de mythes, porta dans sa thèse, en 1893, des coups fatals à cette explication. Il fit remarquer que les grands recueils orientaux n’ont exercé qu’une influence limitée en Occident, que nos fabliaux ne s’inspirent guère du Panchatântra ou de Kalilah et Dimnah, que seulement une dizaine de contes français présentent des analogies avec des histoires indiennes et que, même dans ce cas, il n’est pas sûr que les versions occidentales procèdent des orientales. Ces arguments n’ont pas été contestés et gardent encore toute leur valeur.
 
Edmond Faral tenta en 1924 de mettre en rapport les fabliaux avec des textes latins, Geta, Querolus, Miles gloriosus, Lydia, écrits à partir de la seconde moitié du xiie siècle. Il trouvait dans ces deux séries d’œuvres, d’un comique assez cru, des intrigues analogues. Mais il faut avouer que ces « comédies » latines, rédigées par des clercs lettrés qui font souvent référence à l’Antiquité, sont fort éloignées de nos fabliaux. L’esclave intrigant, personnage essentiel des textes latins, est absent des contes français. Il faut chercher ailleurs les sources du genre.
 
D’abord, à l’époque de la naissance des fabliaux, le goût de la littérature plaisante est dans l’air. Le Roman de Renart éclôt précisément à la fin du XIIe siècle, et les diverses branches de cette vaste série de fables animales se développent tout au long du xme siècle. Une masse de piécettes en vers, appelées d’un terme vague, « dits », parfois d’inspiration antiféministe, parfois satirique, souvent divertissante, connaît de plus en plus de succès. Des boniments comme le Dit de l'herberie, des débats comme la Bataille de Carême et de Charnage sont contemporains des fabliaux. Une grande part de ces productions est sans doute à mettre au compte de jongleurs à la verve facile et soucieux de faire rire le public pour lui soutirer quelque argent.
 
Les modèles immédiats des fabliaux ont disparu, mais il ne fait aucun doute que, dans nombre de cas, les

histoire

« d'imagination.

C'est peu pour notre goOt moderne! Si l'on regarde les textes, on découvre que bien d'autres termes entrent en concurrence avec fabliau.

Les œuvres appelées fabliaux reçoivent aussi le nom de contes ou d'aventures, parfois de fables, de dits ou d'essamples.

C 'e st dire, dès l'abord, l'imprécision et le constant flot­ tement du vocabulaire médiéval.

La représentation de genres littéraires fixes et soigneusement distingués est t p ut à fait étrangère à la pensée des hommes du Moyen Age .

Il serait excessif, toutefois, de nier 1' existence du genre, comme l'a fait J.

Rychne r.

Une soixantaine de textes se désignent comme des fabliaux.

La critique moderne accepte cette dénomination et parle de fabliaux «certifiés».

Par voie d'extrapolation, on se croit auto­ risé à compter au nombre des fabliaux des contes dont le sujet et l'esprit sont très proches de ceux des fabliaux certifiés.

Les dernières investigations arrivent à un total de 125 histoires : soixante fabliaux certifiés, soixante­ cinq contes se:mblables.

Sur la délimitation exacte du genre et l'extension du corpus, des hésitations sont possi­ bles.

Joseph Bédier recensait 147 fabliaux, Per Nykrog en dénombrait 160.

Ces inventaires paraissent aujour­ d'hui un peu généreux.

Il semble prudent d'exclure du corpus quelques récits marginaux (traductions d'histo­ riettes de la Disciplina clericalis ou fables piquantes de Marie de France) et de compter pour un seul fabliau les versions à la fois parallèles et légèrement différentes d'une même histoire.

Ni des critères stylistiques ni des critères de ton ne permettent d'opposer radicalement les fabliaux et les contes courtois.

Les fabliaux vraiment grossiers restent l'exception.

Sans doute, les fabliaux appartiennent à la littérature des contes brefs en vers : leur longueur moyenne est habituellement de 300 à 400 vers octosylla­ biques.

A la différence du roman, qui s'étend dans la durée, prend une allure biographique et conduit le héros à travers une succession d'aventures, le fabliau met en scène une seult: et unique aventure et abandonne le prota­ goniste du récit au moment où l'aventure s'achève, selon l'esthétique de la short story.

Toutefois, les traits formels sont insuffisants pour définir le genre.

Seuls l'inspiration et le contenu p•�rmettent, en dépit de la diversité thémati­ que des 125 histoires, de dégager une certaine parenté et d'isoler le fabliau des autres contes brefs.

Joseph Bédier définissait les fabliaux comme « des contes à rire en vers ».

Il faut retenir cette volonté de divertissement et y voir un trait spécifique.

Quand les auteurs évoquent leurs intentions, ils utilisent divers mots (gaberie, risee, trufe) du vocabulaire comique.

De leurs récits ils nous disent : «ce sont mos pour la gent faire rire».

Sur le plan du contenu, une constante se dégage : les deux tiers des récits content des intrigues amoureuses et érotiques où l'adultère est roi.

Ce sont d'ordinaire des situations trian­ gulaires, avec les trois partenaires obligés : mari, femme et amant, et donc des histoires de maris trompés.

La dispersion thématique d'un tiers des fabliaux reste évi­ dente, mais une irrésistible ligne de convergence rappro­ che toutes les histoires, érotiques ou non érotiques : la représentation de la toute-puissance de la ruse dans un monde incertain et douteux et le triomphe des esprits retors.

On ne l'a pas assez souligné, même dans les travaux les plus récents.

Pour les auteurs de contes plai­ sants, la ruse est la grande force qui mène le monde.

L'idéalisation de la tromperie, l'identification de l'au­ teur avec tous les héros habiles donnent à ces textes un indéniable air de famille.

Genèse et développement du genre Les premiers fabliaux connus auxquels on puisse assi­ gner une date approximative sont ceux de Jean Bodel, grand écrivain d'Arras, dont la dernière œuvre, le Congé, a été composée avant le 1er décembre 1202, alors que le poète était atteint d'une lèpre incurable.

L'origine du genre remonte donc aux dernières années du xu• siècle.

Certains de ces textes sont d'une brièveté et d'une sim­ plicité évidentes.

Ainsi Brunain, la vache au prêtre, anecdote sur l'avidité du clergé, ou le Vilain âe Farbu, récit illustrant la balourdise épaisse d'un rustre.

D'au­ tres, comme le Vilain âe Bailleul, piquante histoire d'un mari trompé, le Souhait insensé (li Sohaitz desvez), his­ toire d'un rêve obscène, et surtout Barat et Haimet, ample fabliau où s'affrontent des voleurs particulière­ ment experts, témoignent de grandes qualités de compo­ sition et d'un fin talent littéraire.

La grande époque créatrice de fabliaux est incontesta­ blement le xm• siècle.

La plupart de ces textes sont ano­ nymes.

Ceux qui sont signés d'un nom d'auteur ne nous instruisent en rien sur le bagage littéraire et les produc­ tions du créateur.

Un seul nom de grand écrivain connu par ailleurs figure dans la liste des auteurs du xme siècle, c'est celui de Rutebeuf.

Le fabliau s'arrête dans les années 1330-1340, avec les ménestrels Jean de Condé et Watriquet de Couvin, qui ont écrit quelques-uns des chefs-d' œuvre les plus réussis du genre.

Un des premiers érudits à s'intéresser aux fabliaux, Gaston Paris, expliquait la genèse du genre par l'in­ fluence de 1' Orient.

L'Inde aurait été la patrie de ces contes , qui seraient venus en Occident par Byzance et par l'intermédiaire des Arabes.

La Disciplina clericalis d'un juif converti, Pierre Alphonse, qui écrivait en Espa­ gne à la fin du x1• siècle, aurait été un maillon important dans la transmission des histoires comiques de l'Orient dans le monde chrétien.

On ne croit plus beaucoup au jourd'hui à cette théorie grandiose de l'origine indienne des contes.

Joseph Bédier, redoutable démolis­ seur de mythes, porta dans sa thèse, en 1893, des coups fatals à cette explication.

Il fit remarquer que les grands recueils orientaux n'ont exercé qu'une influence limitée en Occident, que nos fabliaux ne s'inspirent guère du Pafïchatantra ou de Kali/ah et Dimnah, que seulement une dizaine de contes français présentent des analogies avec des histoires indiennes et que, même dans ce cas, il n'est pas sûr que les versions occidentales procèdent des orientales.

Ces arguments n'ont pas été contestés et gardent encore toute leur valeur.

Edmond Faral tenta en 1924 de mettre en rapport les fabliaux avec des textes latins, Geta, Querolus, Miles gloriosus, Lydia, écrits à partir de la seconde moitié du xue siècle.

Il trouvait dans ces deux séries d'œuvres, d'un comique assez cru, des intrigues analogues.

Mais il faut avouer que ces « comédies » latines, rédigées par des clercs lettrés qui font souvent référence à l'Antiquité, sont fort éloignées de nos fabliaux.

L'esclave intrigant, personnage essentiel des textes latins, est absent des contes français.

Il faut chercher ailleurs les sources du genre.

D'abord, à l'époque de la naissance des fabliaux, le goOt de la littérature plaisante est dans l'air.

Le Roman de Renart éclôt précisément à la fin du xne siècle, et les diverses branches de cette vaste série de fables animales se développent tout au long du xm• siècle.

Une masse de piécettes en vers, appelées d'un terme vague, «dits », parfois d'inspira tion antiféministe, parfois satirique, souvent divertissante, connaît de plus en plus de succès.

Des boniments comme le Dit de l'herberie, des débats comme la Bataille de Carême et de Charnage sont contemporains des fabliaux.

Une grande part de ces pro­ ductions est sans doute à mettre au compte de jongleurs à la verve facile et sou cieux de faire rire le public pour lui soutirer quelque argent.

Les modèles immédiats des fabliaux ont disparu, mais il ne fait aucun doute que, dans nombre de cas, les. »

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