FABLIAUX (Histoire de la littérature)
Publié le 06/12/2018
Extrait du document
«
d'imagination.
C'est peu pour notre goOt moderne! Si
l'on regarde les textes, on découvre que bien d'autres
termes entrent en concurrence avec fabliau.
Les œuvres
appelées fabliaux reçoivent aussi le nom de contes ou
d'aventures, parfois de fables, de dits ou d'essamples.
C 'e st dire, dès l'abord, l'imprécision et le constant flot
tement du vocabulaire médiéval.
La représentation de
genres littéraires fixes et soigneusement distingués est
t p ut à fait étrangère à la pensée des hommes du Moyen
Age .
Il serait excessif, toutefois, de nier 1' existence du
genre, comme l'a fait J.
Rychne r.
Une soixantaine de
textes se désignent comme des fabliaux.
La critique
moderne accepte cette dénomination et parle de fabliaux
«certifiés».
Par voie d'extrapolation, on se croit auto
risé à compter au nombre des fabliaux des contes dont le
sujet et l'esprit sont très proches de ceux des fabliaux
certifiés.
Les dernières investigations arrivent à un total
de 125 histoires : soixante fabliaux certifiés, soixante
cinq contes se:mblables.
Sur la délimitation exacte du
genre et l'extension du corpus, des hésitations sont possi
bles.
Joseph Bédier recensait 147 fabliaux, Per Nykrog
en dénombrait 160.
Ces inventaires paraissent aujour
d'hui un peu généreux.
Il semble prudent d'exclure du
corpus quelques récits marginaux (traductions d'histo
riettes de la Disciplina clericalis ou fables piquantes de
Marie de France) et de compter pour un seul fabliau les
versions à la fois parallèles et légèrement différentes
d'une même histoire.
Ni des critères stylistiques ni des critères de ton ne
permettent d'opposer radicalement les fabliaux et les
contes courtois.
Les fabliaux vraiment grossiers restent
l'exception.
Sans doute, les fabliaux appartiennent à la
littérature des contes brefs en vers : leur longueur
moyenne est habituellement de 300 à 400 vers octosylla
biques.
A la différence du roman, qui s'étend dans la
durée, prend une allure biographique et conduit le héros
à travers une succession d'aventures, le fabliau met en
scène une seult: et unique aventure et abandonne le prota
goniste du récit au moment où l'aventure s'achève, selon
l'esthétique de la short story.
Toutefois, les traits formels
sont insuffisants pour définir le genre.
Seuls l'inspiration
et le contenu p•�rmettent, en dépit de la diversité thémati
que des 125 histoires, de dégager une certaine parenté et
d'isoler le fabliau des autres contes brefs.
Joseph Bédier
définissait les fabliaux comme « des contes à rire en
vers ».
Il faut retenir cette volonté de divertissement et y
voir un trait spécifique.
Quand les auteurs évoquent leurs
intentions, ils utilisent divers mots (gaberie, risee, trufe)
du vocabulaire comique.
De leurs récits ils nous disent :
«ce sont mos pour la gent faire rire».
Sur le plan du
contenu, une constante se dégage : les deux tiers des
récits content des intrigues amoureuses et érotiques où
l'adultère est roi.
Ce sont d'ordinaire des situations trian
gulaires, avec les trois partenaires obligés : mari, femme
et amant, et donc des histoires de maris trompés.
La
dispersion thématique d'un tiers des fabliaux reste évi
dente, mais une irrésistible ligne de convergence rappro
che toutes les histoires, érotiques ou non érotiques : la
représentation de la toute-puissance de la ruse dans un
monde incertain et douteux et le triomphe des esprits
retors.
On ne l'a pas assez souligné, même dans les
travaux les plus récents.
Pour les auteurs de contes plai
sants, la ruse est la grande force qui mène le monde.
L'idéalisation de la tromperie, l'identification de l'au
teur avec tous les héros habiles donnent à ces textes un
indéniable air de famille.
Genèse et développement du genre
Les premiers fabliaux connus auxquels on puisse assi
gner une date approximative sont ceux de Jean Bodel, grand
écrivain d'Arras, dont la dernière œuvre, le Congé,
a été composée avant le 1er décembre 1202, alors que le
poète était atteint d'une lèpre incurable.
L'origine du
genre remonte donc aux dernières années du xu• siècle.
Certains de ces textes sont d'une brièveté et d'une sim
plicité évidentes.
Ainsi Brunain, la vache au prêtre,
anecdote sur l'avidité du clergé, ou le Vilain âe Farbu,
récit illustrant la balourdise épaisse d'un rustre.
D'au
tres, comme le Vilain âe Bailleul, piquante histoire d'un
mari trompé, le Souhait insensé (li Sohaitz desvez), his
toire d'un rêve obscène, et surtout Barat et Haimet,
ample fabliau où s'affrontent des voleurs particulière
ment experts, témoignent de grandes qualités de compo
sition et d'un fin talent littéraire.
La grande époque créatrice de fabliaux est incontesta
blement le xm• siècle.
La plupart de ces textes sont ano
nymes.
Ceux qui sont signés d'un nom d'auteur ne nous
instruisent en rien sur le bagage littéraire et les produc
tions du créateur.
Un seul nom de grand écrivain connu
par ailleurs figure dans la liste des auteurs du xme siècle,
c'est celui de Rutebeuf.
Le fabliau s'arrête dans les
années 1330-1340, avec les ménestrels Jean de Condé
et Watriquet de Couvin, qui ont écrit quelques-uns des
chefs-d' œuvre les plus réussis du genre.
Un des premiers érudits à s'intéresser aux fabliaux,
Gaston Paris, expliquait la genèse du genre par l'in
fluence de 1' Orient.
L'Inde aurait été la patrie de ces
contes , qui seraient venus en Occident par Byzance et
par l'intermédiaire des Arabes.
La Disciplina clericalis
d'un juif converti, Pierre Alphonse, qui écrivait en Espa
gne à la fin du x1• siècle, aurait été un maillon important
dans la transmission des histoires comiques de l'Orient
dans le monde chrétien.
On ne croit plus beaucoup
au jourd'hui à cette théorie grandiose de l'origine
indienne des contes.
Joseph Bédier, redoutable démolis
seur de mythes, porta dans sa thèse, en 1893, des coups
fatals à cette explication.
Il fit remarquer que les grands
recueils orientaux n'ont exercé qu'une influence limitée
en Occident, que nos fabliaux ne s'inspirent guère du
Pafïchatantra ou de Kali/ah et Dimnah, que seulement
une dizaine de contes français présentent des analogies
avec des histoires indiennes et que, même dans ce cas, il
n'est pas sûr que les versions occidentales procèdent
des orientales.
Ces arguments n'ont pas été contestés et
gardent encore toute leur valeur.
Edmond Faral tenta en 1924 de mettre en rapport les
fabliaux avec des textes latins, Geta, Querolus, Miles
gloriosus, Lydia, écrits à partir de la seconde moitié du
xue siècle.
Il trouvait dans ces deux séries d'œuvres, d'un
comique assez cru, des intrigues analogues.
Mais il faut
avouer que ces « comédies » latines, rédigées par des
clercs lettrés qui font souvent référence à l'Antiquité,
sont fort éloignées de nos fabliaux.
L'esclave intrigant,
personnage essentiel des textes latins, est absent des
contes français.
Il faut chercher ailleurs les sources du
genre.
D'abord, à l'époque de la naissance des fabliaux, le
goOt de la littérature plaisante est dans l'air.
Le Roman
de Renart éclôt précisément à la fin du xne siècle, et les
diverses branches de cette vaste série de fables animales
se développent tout au long du xm• siècle.
Une masse de
piécettes en vers, appelées d'un terme vague, «dits »,
parfois d'inspira tion antiféministe, parfois satirique,
souvent divertissante, connaît de plus en plus de succès.
Des boniments comme le Dit de l'herberie, des débats
comme la Bataille de Carême et de Charnage sont
contemporains des fabliaux.
Une grande part de ces pro
ductions est sans doute à mettre au compte de jongleurs
à la verve facile et sou cieux de faire rire le public pour
lui soutirer quelque argent.
Les modèles immédiats des fabliaux ont disparu, mais
il ne fait aucun doute que, dans nombre de cas, les.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- l'histoire de la littérature
- Comment la littérature peut-elle témoigner de la violence de l’histoire ?
- Histoire de la littérature française - cours
- ARTHUR et la légende arthurienne (Histoire de la littérature)
- OVIDE MORALISÉ (Histoire de la littérature)