Extrait du VIII° livre de l'Enéide de Virgile
Publié le 25/08/2012
Extrait du document
Un autre élément essentiel du mythe de l’âge d’or se retrouve dans l’extrait. Il s’agit de la paix. Car en effet, si Octave soumet les ennemis par la force, il instaure aussi une paix ardemment désirée après des années de guerres civiles ayant enflammé l’ensemble de l’Empire. C’est ce à quoi renvoient les phrases « l’Euphrate soumis coulait plus mollement « (ligne 30) et « l’Araxe indigné du pont qui l’enchaîne «. Virgile voit en Octave l’instaurateur de la Pax Romana symbolisée par la fermeture des portes du temple de Janus en 29 av. J.C. Enfin, l’influence grecque qui transpire ici est révélatrice d’un dernier aspect de l’âge d’or. Cet aspect est même renforcé par le fait qu’à travers la victoire des dieux romains (qui ont subit dans leurs attributions une forte hellénisation) sur les dieux barbares Virgile rend compte d’une victoire d’une civilisation sur une autre. Car en effet, l’utilisation de la culture grecque par la romanité a pour dessein final de civiliser le monde.
«
Cléopâtre.
Par ce stratagème, Marc Antoine se rangeant du côté de la reine d'Egypte devint traître à la patrie.
On le voit, Actium tire en fait moins son importance d'une victoire d'Octave sur un rival que sur un Orient, ennemi de Rome et qui de plus est dépeint par le poètecomme hétérogène (« mille étendards variés » ligne 10), non civilisé (« barbare » ligne 10).
Virgile illustre plus encore qu'Actium doit être vu comme la victoire deRome sur l'Orient en y plaçant un affrontement entre les divinités romaines (« Neptune, Vénus et Minerve » ligne 18) et les divinités étrangères (« Anubis » ligne17), ce qui illustre une opposition entre deux civilisations différentes.
C - LE TRIOMPHE :
Des lignes 22 à 32, Virgile décrit les triomphes d'Octave (« trois fois triomphant ») s'étant déroulés en août 29 (pour la victoire d'Actium, celle contre les dalmates enIllyrie et celle de la guerre d'Alexandrie).
Ce passage, en plus de nous renseigner sur la façon dont les trois jours de triomphe se sont déroulés, notamment avec ledéfilé des « nations vaincues » (ligne 28), illustre un changement qui s'opère avec la mise en place du principat.
John SCHEID, dans sa Religion et piété à Rome, ditque « l'un des traits fondamentaux du nouveau régime, c'est son aspect triomphal ».
En effet Auguste, conscient de l'importance de la victoire dans la stabilité du pouvoir, nous l'avons déjà vu, met celle-ci en scène et fait peu à peu du triomphe sonapanage et celui de la fonction impériale, alors que c'est normalement le général qui en a le bénéfice.
On le voit bien dans cet extrait, le général est Agrippa, mais c'estOctave qui triomphe.
Cet aspect triomphal du principat se retrouve dans une volonté permanente de célébrer la victoire, qui passe par la littérature (comme ici), lesdédicaces de temples (on le voit lignes 23-24) ou les pièces de monnaie représentant Auguste lauré (annexe : monnaie d'or).
La victoire est donc celle d'Auguste, ce qui lui permet de prendre le titre d'imperator hors magistrature, l'imperium caractérisant dès lors aux yeux de l'opinionAuguste et son régime.
* * *
La victoria augusti, victoire qui couronne Auguste, est exaltée par l'extrait qui nous la présente comme fondamentale pour la perpétuation du principat.
Mais sil'aspect militaire est fondamental, il n'est pas suffisant après les années de guerre civiles : ici Virgile apporte à Octave une dimension supplémentaire, que le régimelui-même exalte.
* * *
II/ LE RETOUR AUX VALEURS DE LA ROME REPUBLICAINE :
A – LES IULII ET LE CULTE DES ANCETRES :
Dans cet extrait, Auguste est présenté comme un descendant direct d'Enée, puisque celui-ci y « admire » (ligne 33) la destinée de sa lignée, représentée par« Vulcain » (ligne 29), dieu forgeron.
A travers ce moyen Virgile rappelle qu'Octave fait parti de la famille des Iulii, mais aussi qu'il est le fils de César, lui-mêmeappartenant à cette famille.
Cela a plusieurs incidences, permettant à Auguste d'apparaître comme un être au-dessus des autres, le princeps.En effet Octave, à l'instar de son père adoptif César et comme le veut la tradition patricienne, rappelle l'importance de sa famille dans l'histoire de Rome pour en tirerprestige, comptant selon les mythes d'illustres individus en son sein (annexe : arbre généalogique).
Enée est le fils de la déesse « Vénus » (ligne 18), elle-même seloncertaines légendes fille de Jupiter.
Le fils d'Enée est Iule qui a donné son nom à la famille des Iulii.
Et surtout, parmi les descendants de ce dernier et ascendantsréclamés d'Auguste se trouvent Remus et Romulus, eux-même fils de « Mars » (ligne 18), dieu de la guerre.
Ce mythe familial, d'autant plus important que selon uneprédiction du dieu Faunus faite à Enée ses descendants doivent être à l'origine de la domination d'une ville sur le monde, a été exalté par César ayant construit pourcela le temple de Vénus Génitrix.
Ce mythe est ainsi présent dans les traditions romaines du I° siècle avant J.C.
On a ici un témoignage du rôle joué par Virgile et sonEnéide dans son universalisation.
De ce fait l'extrait appuie la politique visant à sur humaniser les Iulii et à travers eux Auguste.De plus, le poète insiste sur la filiation entre César et Auguste, ce qui est fondamental lorsque l'on sait que depuis 44 avant J.C.
Jules César a été divinisé.
Ce fait estillustré avec : « sur [le front d'Auguste] reluit l'astre paternel » (ligne 7), allusion à la protection d'Octave par l'âme de César, l'astre dont il est question étant unecomète ayant traversé le ciel lors des funérailles de César et ayant été assimilée par le peuple à son âme.
Virgile reprend donc un thème exploité par Caius Iulius (desIulii) Caesar (lien avec César) Octavianus, se faisant appeler Divi filius (fils du divin) pour s'attacher la plèbe en utilisant le vecteur du devoir traditionnel demémoire (annexe : monnaie d'or).Auguste tire donc un prestige de ses ancêtres auxquels il rend un culte, conformément aux valeurs patriciennes : mais ses ancêtres sont présentés aussi comme ceuxde Rome (Enée, Romulus…).
Ainsi à travers la tradition la famille augustéenne est placée au-dessus des autres car le peuple leur rend un culte (Cf.
Quirinus).
Onvoit cela ici : Virgile parle des pénates (l.5), dieux protecteurs de Rome qui à la base étaient les protecteurs d'Enée puis de ses descendants.
B – PIETE, EVERGETISME ET RENOUVEAU DE LA RELIGION :
Dans cet extrait, la religion est présentée d'une autre manière comme étant un pilier du régime se mettant en place.
En effet Virgile y peint un Auguste plein de piété,qui rend tout d'abord hommage aux dieux à qui il attribue sa victoire (ligne 23 : « payant aux dieux de l'Italie l'immortel tribut de ses vœux »), et qui de plus etsurtout bâtit de nombreux temples à Rome (ligne 24 : « consacrait dans la Ville plus de trois cents temples »).
Selon de nombreux spécialistes ce chiffre estgrandement exagéré.
Mais il est le reflet de la volonté augustéenne de faire du nouveau régime un vecteur du renouveau de la religion : Auguste lui-même, dans sonautobiographie Res gestae, écrit : « dans mon cinquième consulat (29 avant J.C.), j'ai réparé dans Rome […] 82 temples ».
Notons que le prince utilise son argent :or l'évergétisme illustre un souci du bien public, valeur fondamentale de l'aristocratie romaine républicaine.Alors qu'Octave veut mettre en place un nouveau régime, bon nombre d'esprits lient les désordres du I° siècle avant J.C.
à la négligence qui entoure la religion d'Etat.Et la piété est une valeur fondamentale de l'aristocratie romaine.
C'est pourquoi Auguste veut la résurgence des dieux, des rites oubliés, ravivés par Virgile dans sonEnéide qui fait vivre les dieux au milieu des hommes, comme dans cet extrait, afin de garantir la « paix des dieux ».
Cette politique passe aussi, par exemple, àtravers des motifs patriotiques, par le bannissement de Rome des cultes égyptiens.
On peut penser que dans l'extrait l'auteur appuie cette politique, ou en tout casl'illustre, en insistant sur l'aspect zoomorphe des divinités égyptiennes (ligne 17 : « dieux monstrueux ») et en les rendant presque ridicules (« l'aboyant Anubis »).
C – LA PROTECTION DIVINE D'AUGUSTE ET LA PLACE D'APOLLON :
A travers ce que l'on a vu, ce sont une famille et Rome qui bénéficient de la bienveillance des dieux.
Mais Virgile montre aussi les liens privilégiés qu'Augusteentretient avec les divinités : il est protégé, ligne 6, par « les pénates », dieux protecteurs de Rome, et « les grands dieux ».
Mais surtout, une grande place estaccordée à Apollon.
En effet, ligne 20, c'est lui qui permet la victoire d'Actium : « Apollon […] bande son arc : frappés de terreur […] tous ont tourné le dos ».En fait, cela est lié au fait qu'Octave a fait d'Apollon son dieu tutélaire.
Par exemple une légende en fait le fils du dieu, ce qui le sur humanise.
Le nom prit d'augustusrenvoie pour certains à l'augurat, attribut d'Apollon.
Pourquoi ce choix ? Virgile, dont Apollon dieu des arts est d'ailleurs le protecteur, nous en donne des indices..
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