EXTRAIT DU MALADE IMAGINAIRE DE MOLIERE Acte 3 scène 3 – BERALDE RAISONNE SON FRERE
Publié le 06/06/2024
Extrait du document
«
EXTRAIT DU MALADE IMAGINAIRE DE MOLIERE
Acte 3 scène 3 – BERALDE RAISONNE SON FRERE
INTRODUCTION
1.
2.
3.
4.
Béralde est entré en scène à la fin de l’acte II.
Personnage dont on n’avait
pas encore parlé, son arrivée est rendue nécessaire par l’insertion d’un
intermède qu’il offre à son frère en affirmant que ce spectacle « vaudra bien
une ordonnance de monsieur Purgon ».
À travers cette réplique perce déjà
l’incrédulité avec laquelle Béralde, dans la troisième scène de l’acte suivant,
va traiter la maladie supposée d’Argan.
Béralde se propose en effet de
convaincre son frère de ne pas marier sa fille à un médecin ; pour cela, il a
besoin de le persuader qu’il n’est pas malade : c’est en effet la maladie
d’Argan qui est la cause de tous les dérèglements de sa maison et si ce
personnage retrouvait toute sa lucidité, les troubles engendrés par son état
se résoudraient ipso facto.
S’engage alors un débat entre les deux hommes,
dans lequel Béralde, dans le rôle du personnage raisonneur, se fait le porteparole de l’auteur et du bon sens.
Or, Béralde est un « impie en médecine »,
comme Dom Juan avant lui.
Dans cet extrait, interrogé par son frère, il
soutient l’opinion que le savoir des médecins se borne à l’emploi d’un jargon
qui confine au charabia, et que toute la force de leur art repose sur la
crédulité humaine, crédulité dont ils sont eux-mêmes le plus souvent les
inconscientes victimes.
De fait, les propos de Béralde se présentent comme
une profession de foi sceptique, inspirée de Montaigne (Essais II, 12, II, 37
et III, 13 notamment), mais on y entend également à mots couverts une
satire d’inspiration libertine de toute idéologie fanatique.
On peux découper ce texte en 4 parties:
Lignes 1-4 : a) Le savoir des médecins se borne aux mots qu’ils
emploient
Lignes 5-14 : b) La médecine flatte la crédulité des hommes
Lignes 15-19 : c) Le galimatias des médecins
Lignes 20-27 : d) Les médecins dupes de leur art.
LIGNES 1-4 : A) LE SAVOIR DES MÉDECINS SE BORNE AUX MOTS QU’ILS
EMPLOIENT
Argan : Vous voulez donc dire, mon Frère, que les Médecins ne savent rien ?
Béralde : Non, je ne dis pas cela ; la plupart d’entre eux sont de très bons
Humanistes qui parlent fort bien Latin, qui savent nommer en Grec toutes les
maladies, les définir ; mais pour les guérir, c’est ce qu’ils ne savent pas.
La première question d’Argan porte sur la consistance même du savoir des
médecins : il s’étonne que son frère n’en admette pas la valeur.
Béralde, quant à
lui, tient à nuancer son propos.
Les médecins ne sont pas totalement ignorants : ils
savent des choses, mais rien qui guérisse.
Argan :
Forme interrogative sans inversion sujet/verbe : spontanéité de la réaction et
sa vivacité.
Souligne le caractère stupéfiant de l’opinion de Béralde en reformulant ses
propos : « vous voulez dire… »
Universalisation et généralisation du propos : les médecins : article défini à
valeur totalisante ; négation totale « ne… rien… » à valeur superlative.
Argan
radicalise le propos de son frère pour le rendre irrecevable (on pourrait
trouver des exceptions et ainsi anéantir la pertinence argumentative du
propos).
Béralde :
Commence par rectifier le propos de son frère, trop brutal et ne
correspondant pas parfaitement à la complexité de son raisonnement : adv.
de négation « Non », expressif.
Reprise du verbe « dire » employé par son
frère.
Commence par admettre que les médecins savent quelque chose.
Généralise
le propos tout en maintenant une certaine nuance « la plupart » : c’est
beaucoup d’entre eux, mais pas tous.
Le superlatif « très bons » devant le substantif humaniste témoigne de
l’ouverture d’esprit de Béralde, attentif à reconnaître aux médecins une
certaine forme de science.
(Attention : « humanistes » signifie grosso modo
« intellectuels »).
Cela est amplifié par deux propositions relatives juxtaposées, qui mettent en
parallèle la maîtrise qu’ont les médecins des langues anciennes.
Nouvel emploi du superlatif absolu devant l’adverbe « bien » ; verbe « savoir
» mis en valeur par la reprise du sujet dans le pronom relatif « qui » ;
prestige du Grec (langue ancienne plus rarement pratiquée) et emploi de
l’indéfini « toutes » devant le substantif « maladies ».
La fin de la proposition rebondit sur un second verbe complément de « savoir
», qui semble préciser l’étendue de la science des médecins et en montrer
l’importance : « définir ».
MAIS
Tout cela met en valeur la fin de la phrase, introduite par la conjonction
adversative « mais ».
La brièveté de cette fin de phrase tranche avec ce qui
précède et en accentue la véhémence.
« pour les guérir » : s’oppose, en tant que savoir technique et pratique, au
savoir purement livresque que supposent les verbes « nommer » et « définir
».
Forme emphatique « C’est ce qu’ils ne savent pas » met en relief l’incapacité
de la science médicale à déboucher sur une cure des maladies.
La phrase prend d’ailleurs fin brutalement sur la négation totale « ne savent
pas », ce qui laisse cette fois peu de place à la nuance : les médecins savent
des choses qui ne sont d’aucun secours pour l’art qu’ils prétendent exercer.
Autrement dit, les nuances apportées par Béralde au propos de son frère
expriment avec plus d’expressivité encore son incrédulité en médecine.
LIGNES 5-14 : B) LA MÉDECINE FLATTE LA CRÉDULITÉ DES HOMMES
Argan : Mais pourquoi donc, mon Frère, tous les hommes sont-ils dans la même
erreur où vous voulez que je sois ?
Béralde : C’est, mon Frère, parce qu’il y a des choses dont l’apparence nous
charme, et que nous 8 croyons véritables, par l’envie que nous avons qu’elles se
fassent.
La Médecine est de celles-là ; il n’y a rien de si beau et de si charmant que
son objet : par exemple, lorsqu’un Médecin vous parle de purifier le sang, de
fortifier le cœur, de rafraîchir les entrailles, de rétablir la poitrine, de raccommoder
la rate, d’apaiser la trop grande chaleur du foie, de régler, modérer et retirer la
chaleur naturelle, il vous dit justement le Roman de la Médecine, et il en est
comme de ces beaux songes qui pendant la nuit nous ont bien divertis, et qui ne
nous laissent au réveil que le déplaisir de les avoir eus.
Dans ce second mouvement, Argan cherche à comprendre la raison pour laquelle
son frère soutient une opinion selon lui extravagante.
Argan constate en effet que
l’opinion qui est la sienne est généralement admise et partagée par le plus grand
nombre.
Autrement dit, la quasi-unanimité des hommes constituerait une garantie
de vérité : si tout le monde ou presque pense comme lui, alors Argan se sent
conforté dans son opinion.
Béralde répond en radicalisant son propos : il détourne
le propos des médecins vers les hommes et incrimine la nature humaine.
Reprenant
les griefs de Montaigne et de Pascal, il attaque la faiblesse de la raison et, même si
le terme n’est pas prononcé, accuse l’imagination de rendre l’homme sensible aux
discours trompeurs.
Argan :
La question d’Argan constitue une objection : le grand nombre de ceux qui la
partagent garantit la validité d’une opinion.
Conjonction adversative « mais
», forme interrogative, emploi expressif de l’adverbe « donc ».
Généralisation du propos : emploi de l’indéfini « tous les hommes » ou de
l’adjectif « même erreur » : sentiment d’une communauté nombreuse.
N’est toujours pas convaincu par les propos de son frère : « erreur où vous
voulez que je sois ».
« Vouloir » synonyme ici de « supposer ».
Concl.
: réplique permet 1) de relancer le débat et 2) de généraliser le
propos, puisque tous les hommes sont désormais objets du propos : Béralde
va pouvoir montrer que le cas d’Argan n’est pas aussi rare qu’il y paraît.
Béralde :
....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- analyse linéaire Molière - Texte 1 : Acte II scène 5 (extrait du Malade Imaginaire)
- Molière, Le Malade Imaginaire, Acte I, Scène 1. Extrait commenté
- Analyse linéaire Acte 1 scène 1 Le malade imaginaire : monologue d’Argan
- La scène XII de l’acte III du malade imaginaire de Molière
- Scène XII de l'acte III du malade imaginaire de Molière