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Extrait du côté de chez Svann, À la recherche du temps perdu, 1913 et commentaire de texte

Publié le 06/01/2012

Extrait du document

temps

Et tout d'un coup le souvenir m'est apparu. Ce goût c'était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l'heure de la messe), quand j'allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m'avait rien rappelé avant que je n'y eusse goûté; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d'autres plus récents ; peut-être parce que de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s'était désagrégé, les formes - et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel, sous son plissage sévère et dévot - s'étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d'expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir.

 

Et dès que j'eus reconnu le goût du morceau de madeleine trempé dans le tilleul que me donnait ma tante (quoique je ne susse pas encore et dusse remettre à bien plus tard de découvrir pourquoi ce souvenir me rendait si heureux), aussitôt la vieille maison grise sur la rue, où était sa chambre, vint comme un décor de théâtre s'appliquer au petit pavillon, donnant sur le jardin, qu'on avait construit pour mes parents sur ses derrières (ce pan tronqué que seul j'avais revu jusque là) ; et avec la maison, la ville, depuis le matin jusqu'au soir et par tous les temps, la Place où on m'envoyait avant déjeuner, les rues où j'allais faire des courses, les chemins qu'on prenait si le temps était beau. Et comme dans ce jeu où les Japonais s'amusent à tremper dans un bol de porcelaine rempli d'eau, de petits morceaux de papier jusque-là indistincts qui, à peine y sont-ils plongés s'étirent, se contournent, se colorent, se différencient, deviennent des fleurs, des maisons, des personnages consistants et reconnaissables, de même maintenant toutes les fleurs de notre jardin et celles du parc de M. Swann, et les nymphéas de la Vivonne, et les bonnes gens du village et leurs petits logis et l'église et tout Combray et ses environs, tout cela qui prend forme et solidité, est sorti, ville et jardins, de ma tasse de thé.

L'extrait que je vais commenter est tirer du roman "Du côté de chez Swann" qui ouvre l'oeuvre de Marcel Proust, ?A la recherche du temps perdu, réalisé en 1913.

Proust (1871-1922) est un écrivain français qui connut son plus grand succès au 20ème siècle grâce à son oeuvre À la recherche du temps perdu. Dans ce roman, le héros, à savoir le narrateur, découvre que le bonheur se trouve dans le pouvoir d'évocation de la mémoire instinctive qui réunit passé et présent. L'extrait que je vais étudier illustre parfaitement ceci puisque c'est en trempant sa madeleine dans son thé (présent), qu'il revit son enfance (passé), grâce à cette saveur oubliée.

A travers ce commentaire, je vais tout d'abord dégager, la structure de l'extrait, comment fonctionne-t-il ensuite j'interprèterai les remarques formelles, comme les comparaisons, oxymore, anaphore et autres énumérations afin de comprendre le processus du souvenir.

temps

« révélation, comme une illumination qui lui parvient soudainement : "Tout d'un coup, le souvenir m'est apparu." l.

1, on est dans le visuel.

La suite de ce premier paragraphe est une réflexion du narrateur sur la raison qui fait que les souvenirs d'odeur et de saveur persistent alors que ceux liés à la vue disparaissent avec le temps.

Le second paragraphe est une expansion du souvenir.

En effet le narrateur se fait envahir par son souvenir, il y pénètre et se souvient alors de tout l'environnement qui y est lié.

Ici on est dans un récit bien plus concret, car ce souvenir s'étend au- delà de la chambre de sa tante, il va dans le jardin, la maison, la ville ce q ui crée un effet plus réaliste.

Tout devient un décor de théâtre.

On peut néanmoins retrouver un début similaire dans les deux paragraphes.

En effet la construction des 5 premières lignes se ressemble pour différentes raisons.

Tout d'abord, on retrouve cette notion d'instantanéité: "Tout d'un coup." l.1, "Et dès que" l.21 et "aussitôt" l.24.

Ainsi que le temps des verbes : "m'est apparu" l.

1, "j'eus reconnu" l.21, "la maison grise...

vint" l24- 25.

Ensuite, similitude dans le contenu où l'on décrit les deux fois ce morceau de madeleine trempé dans le thé : "...

petit morceau de madeleine que le dimanche matin..., ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempé dans son infusion de thé et de tilleul." l.1- 5.

et "...

morceau de madeleine trempé dans le tilleul que me donnait ma tante" l.21-22.

La première fois, l'événement est décrit plus en détail , évidemment, et la seconde fois, on répète l'événement comme pour recentrer le récit après avoir analyser le processus du souvenir.

Cela permet au lecteur de suivre la suite du récit.

Le dernier commun, bien que moins fondamental, est la présence de précision mise entre parenthèse dans les deux passages.

Nous allons maintenant analyser un peu plus en profondeur le sens de ce récit grâce aux nombreuses figures de style glissés dans ce récit.

Dans le premier paragraphe, on retrouve la présence importante de quatre champs lexicaux.

Celui du goût (goût, goûté, manger, pâtisserie, saveur) s'opposant à celui de la vue (m'est apparu, vue, aperçu, image).

Et celui du souvenir (souvenirs abandonnés, hors de la mémoire, passé ancien, se rappeler, souvenir) allant de pair avec celui de l'éternité qui se mêle à celui de la mort (rien ne survivait, désagrégé, abolies, ensommeillées, perdu la force d'expansion, subsiste, morts des êt res, destruction des choses, vivaces, persistantes, restent, âmes, attendre, ruine, sans fléchir).

On peut relever tout d'abord que ces quatre thèmes sont abstraits ce qui crée cet effet d'abstraction relevé ci -dessus.

Les deux derniers champs lexicaux cit és sont complexes et intéressants à analyser.

Cette présence massive de vocabulaire lié à la mort, à la destruction qui s'oppose fortement au vocabulaire, tout aussi important, de l'éternité signifie que les souvenirs (liés aux saveurs et aux odeurs) eux s ont éternels.

Quant plus rien n'existe, quand les êtres sont morts, les souvenirs, pourtant si fragiles, résistent encore.

A la ligne 17, ils sont comparés aux âmes car les âmes restent quand le corps est mort, les souvenirs liés aux saveurs aussi subsiste nt quand tous les autres souvenirs liés à la vue ont disparu.

Les souvenirs de tel ou tel objet que l'on a observés disparaissent avec le temps, mais pas ceux qu'on a, un jour, senti ou goûté car ils peuvent être ravivés à tout moment.

L'anaphore à la lign e 6 et à la ligne 9 "peut être parce que" attire l'attention du lecteur sur le raisonnement du narrateur.

Il doute, s'interroge, réfléchit et il partage ce questionnement et cette expérience avec le lecteur.

On a le sentiment qu'il replonge dans son enfance petit à petit et cela se ressent à travers son expression.

Le narrateur s'amuse aussi avec la description de cette madeleine lignes 11 et 12 "si grassement sensuel", ce jeu de mot avec grâcement et grassement (qui crée ainsi un oxymore) donne l'impressi on que le narrateur s'amuse, il joue ave3c le mots, ce souvenir le rend vraiment heureux bien qu'il n0est pas encore compris la raison de cette joie.

de plus, il y a tout un mélange de sacré et de sensualité.

En effet, les termes "sensuel", "sévère" et "dévot" à la. »

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