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Extrait commenté des Chatiments de Hugo: Stella (Livre VI, 15)

Publié le 23/10/2013

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Stella

Je m'étais endormi la nuit près de la grève. Un vent frais m'éveilla, je sortis de mon rêve, J'ouvris les yeux, je vis l'étoile du matin. Elle resplendissait au fond du ciel lointain Dans une blancheur molle, infinie et charmante. Aquilon s'enfuyait emportant la tourmente. L'astre éclatant changeait la nuée en duvet. C'était une clarté qui pensait, qui vivait ; Elle apaisait l'écueil où la vague déferle ; On croyait voir une âme à travers une perle. Il faisait nuit encor, l'ombre régnait en vain, Le ciel s'illuminait d'un sourire divin. La lueur argentait le haut du mât qui penche ; Le navire était noir, mais la voile était blanche ; Des goëlands debout sur un escarpement, Attentifs, contemplaient l'étoile gravement Comme un oiseau céleste et fait d'une étincelle ; L'océan, qui ressemble au peuple, allait vers elle, Et, rugissant tout bas, la regardait briller, Et semblait avoir peur de la faire envoler. Un ineffable amour emplissait l'étendue. L'herbe verte à mes pieds frissonnait éperdue, Les oiseaux se parlaient dans les nids ; une fleur Qui s'éveillait me dit : c'est l'étoile ma soeur. Et pendant qu'à longs plis l'ombre levait son voile, J'entendis une voix qui venait de l'étoile Et qui disait : - Je suis l'astre qui vient d'abord. Je suis celle qu'on croit dans la tombe et qui sort. J'ai lui sur le Sina, j'ai lui sur le Taygète ; Je suis le caillou d'or et de feu que Dieu jette, Comme avec une fronde, au front noir de la nuit. Je suis ce qui renaît quand un monde est détruit. Ô nations ! je suis la poésie ardente. J'ai brillé sur Moïse et j'ai brillé sur Dante. Le lion océan est amoureux de moi. J'arrive. Levez-vous, vertu, courage, foi ! Penseurs, esprits, montez sur la tour, sentinelles ! Paupières, ouvrez-vous, allumez-vous, prunelles, Terre, émeus le sillon, vie, éveille le bruit, Debout, vous qui dormez ! - car celui qui me suit, Car celui qui m'envoie en avant la première, C'est l'ange Liberté, c'est le géant Lumière !

Le poème intitulé « Stella « (1' étoile, en latin) repose sur une esthétique symboliste où l'étoile, personnifiée, symbolise l'annonce d'un changement ; le poème peut ainsi être mis en rapport avec le premier poème du Livre VII(« Sonnez, sonnez, toujours clairons de la pensée«) dans la mesure où tous deux mettent en scène le monde nouveau  qui vient et qui condamne

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« • • • • • • 10 • • • • • • • 15 • • • • • • 20 • • • • • • 25 • • • • • • 30 • • • • • • 35 • • • • • • 40 • • • • • Aquilon s'enfuyait emportant la tourmente .

L'astre éclatant changeait la nuée en duvet.

C'était une clarté qui pensait, qui vivait; Elle apaisait lécueil où la vague déferle ; On croyait voir une âme à travers une perle.

Il faisait nuit encore, l'ombre régnait en vain, Le ciel s'illuminait d'un sourire divin .

La lueur argentait le haut du mât qui penche ; Le navire était noir, mais la voile était blanche; Des goélands debout sur un escarpement, Attentifs, contemplaient l'étoile gravement Comme un oiseau céleste et fait d'une étincelle; L'océan, qui ressemble au peuple, allait vers elle, Et, rugissant tout bas, la regardait briller, Et semblait avoir peur de la faire envoler.

Un ineffable amour emplissait l'étendue .

L'herbe verte à mes pieds frissonnait éperdue, Les oiseaux se parlaient dans les nids ; une fleur Qui s'éveillait me dit: c'est l'étoile ma sœur.

Et pendant qu'à longs plis l'ombre levait son voile, J'entendis une voix qui venait de l'étoile Et qui disait: -Je suis l'astre qui vient d'abord .

Je suis celle qu'on croit dans la tombe et qui sort.

J'ai lui sur le Sina, j'ai lui sur le Taygète, Je suis le caillou d'or et de feu que Dieu jette, Comme avec une fronde, au front noir de la nuit.

Je suis ce qui renaît quand un monde est détruit.

Ô nations ! je suis la Poésie ardente .

J'ai brillé sur Moïse et j'ai brillé sur Dante .

Le lion océan est amoureux de moi.

J'arrive.

Levez-vous, vertu, courage, foi ! Penseurs, esprits, montez sur la tour, sentinelles ! Paupières, ouvrez-vous ! allumez-vous, prunelles, Terre, émeus le sillon ; vie, éveille le bruit ; Debout, vous qui dormez ! - car celui qui me suit, Car celui qui m'envoie en avant la première, C'est l'ange Liberté, c'est le géant Lumière ! Jersey, juillet 1853 .

- Le poème intitulé « Stella » (1' étoile, en latin) repose sur une esthétique symboliste où l'étoile, personnifiée, symbolise l'annonce d'un change­ ment ; le poème peut ainsi être mis en rapport avec le premier poème du Livre VII(« Sonnez, sonnez, toujours clairons de la pensée», voir extrait suivant) dans la mesure où tous deux mettent en scène le monde nouveau qui vient et qui condamne l'ordre ancien sclérosé.

La singularité de « Stella » vient de la longue évocation impressionniste qui peint le cadre poétique à travers lequel on accède à l'ordre de la révélation.. »

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