Expliquez, et discutez s'il y a lieu, cette opinion de Vinet : « Peut-être faut-il être jeune pour s'égayer habituellement à la lecture de Molière, et en général des poètes comiques. Oui, la comédie en elle-même est plus triste, au fond, que la tragédie. »
Publié le 16/02/2012
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Vinet est un Suisse. A 20 ans, il est professeur de littérature française à l’université de Bâle (1817); à 22, il est consacré ministre protestant; il enseigne les lettres et la théologie à Lausanne, jusqu’en 1846, et meurt, en 1847, à Clarens. Cet étranger n’écrit pas toujours bien notre langue. « Peut-être faut-il être... « ne saurait passer pour du français élégant... « En elle-même «, suivi de « au fond « , forme un lourd pléonasme. Théologien protestant, grave. et plutôt morose, il prise médiocrement la comédie et lui préfère la tragédie du grand siècle, d’une plus haute valeur morale. Il émet cette opinion en plein romantisme : ....
«
Arretons-nous devant trois des plus Mares creations de Moliere :
Harpagon, Tartuffe et Alceste.
Meme aux endroits ou la passion de ces
personnages est le plus poussee, ils restent comiques...
a la scene.
Nous rions d'Harpagon parce que nous sommes moins frappes des souf-
frances causees par son avarice a lui et a son entourage que de ses tics
de grippe-sous et de fesse-mathieu et que des avanies auxquelles sa cupidite
l'expose de la part de ses domestiques, des gens tares, usuriers et entremet-
teuses, clans la societe desquels it vit, et de son fils, enfin, dont it est le
preteur et le rival.
Nous rions de Tartuffe, parce que sa gourmandise et sa luxure le mettent
maladroitement en contradiction avec ses principes devots; parce que,
apres avoir dupe Orgon, it pousse impudemment a bout ses avantages;
parce que, air de lui, it s'etonne nalvement de se voir demasque.
Nous rions d'Alceste, cet honnete homme, parce que, malgre sa haine
declaree pour le genre humain, it aime une coquette perfide et medisante;
parce que, malgre ses doctrines farouches, it est poli avec les gens, meme
importuns; parce que ses boutades sont disproportionnees avec les motifs
qui les causent et qu'il prend des paves pour assommer les mouches.
Si nous relisons l'Avare, Tartuffe et le Misanthrope, apres les avoir vu
representer, pour peu que nous ayons l'experience de la vie, nous decou-
vrons sous l'ecorce de ces caracteres comiques, notre pauvre humanite :
celle qui palpite au fond de nous -mimes, et nous sentons notre misere nous
serrer a la gorge, selon le mot de Pascal.
Nous eprouvons aussi un strange
malaise en songeant aux motifs et aux consequences de la conduite de ces
personnages et nous rougissons presque d'avoir ri.
Harpagon devient alors tragique, parce que son avarice, apres avoir
avili en lui la dignite d'homme, detruit amour paternel et amour filial,
compromet l'existence meme de la famille, fait trembler pour l'avenir de
ce jeune homme et de cette jeune fille, temoins et victimes des turpitudes
de leur pore.
M8me impression pour Tartuffe.
Nous avons ri de l'etrange contra-
diction entre ses pieuses theories et ses vils instincts.
Mais le rire premier,
devient amer, se mue en haine et en indignation, quand le fourbe porte les
yeux sur Mariane et la main sur Elmire, quand, apres avoir essays de
ravir l'honneur d'une famille, it tente de s'approprier sa fortune.
A plus forte raison pour Alceste.
S'il a tort de manquer de mesure en ses
critiques, it a raison de blamer, ce qu'il blame : le manque de loyaute et
de franchise, la comedie de la politesse, la medisance des femmes sans coeur,
la fatuite des marquis sans cervelle, la venalite des juges, les intrigues d'une
tour on la naissance tient lieu de merite et de vertu.
Pareilles constatations
sont de tons les temps; elles nous incitent a regarder autour de nous,
laissent en nos cceurs des germes de tristesse qui, aux heures mauvaises,
nous pousseront a chercher, loin des vilenies du monde...
un endroit ecarte,
Oa d'être homme d'honneur on ait la liberte.
Telle est la double reaction provoquee clans Paine de l'adulte, capable
de penetrer au fond de lui-meme et des autres, apres avoir frequents suffi-
samment la rude stole de la vie.
La jeunesse est plus portee au rire qu'aux
larmes.
Sans experience, elle ignore et les causes et les effets, ne se pre-
occupe ni du passé, limit& pour elle a quelques annees heureuses, ni de
l'avenir, qu'elle entrevoit a travers ses reves et ses illusions.
L'esprit railleur
de la comedie convient a cet age « sans pitie qui rit de tout, voire des
gens et des choses les plus respectables.
Voyez les trois jouvenceaux de la
fable, aborder le sage vieillard qui plante pour ses arriere-neveux! Les
jeunes gens au spectacle, sont plus amuses par les jeux de scene, les gestes desordonnes, les quiproquos, les coups de baton, les chutes grotesques, les
folles poursuites, les grimaces, etc...
que par les finesses psychologiques; s'ils lisent les comedies, sauf de rares exceptions precocement muries, ils ne retiendront que les mots cocasses, Harpagon recommandant a son domes- tique de ne pas trop frotter les meubles de peur de les user, offrant a sa fille qui se trouve mal un grand verre d'eau fraiche ou se trompant en repetant la formule suggeree par Valere : « it faut vivre pour manger et non pas manger(1 $! - $ M 6 (% - 7 %%% $% 8 ] M . 1 1 . % 8 6 " $ ' ! " 2 : % 8 ( " " ! % ./ ' $ ) > . $ 1 $ 4% 8 % M $ ! * * $% - 6 % 8 . % - ! - + $ % ( (% !#H !# ; * 7 % 4 " ; %%% "" @5 2? 6 ", 6 ! # ! 1 $ . % 3 * % . % 3 # & !% = / * ! ! $1 , 3 * * $ !# %%% " 2 M . ! 0 R$ . »
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