Expliquer et apprécier ce mot de Montesquieu : « Je n'ai pas aimé à faire ma fortune au moyen de la cour; j'ai songé à la faire en faisant valoir mes terres, et à tenir une fortune immédiatement de la main des dieux. »
Publié le 13/02/2012
Extrait du document

INTRODUCTION. - Faire fortune, c'est le rêve de beaucoup d'hommes; mais cette expression n'implique-t-elle pas le concours de circonstances heureuses, d'un hasard favorable ? Si la fortune sourit aux audacieux ... pas à tous ... il en est également qui « font fortune « en restant dans leur lit ... Faire sa fortune semble quelque peu différent; cela suppose efforts, combinaisons. Ce n'est point la fortune qui passe et s.e donne capricieusement, c'est un édifice que l'homme élève de ses propres mains, dont il est véritablement l'artisan, en sorte qu'il peut dire : ma fortune.

«
merle un train de maison modeste, it pratique la moderation et la frugalite,
it ne depense qu'a bon escient, sans jamais verser dans l'avarice.
C'est
ainsi que cet independant faite safortune »,
sans
autre secours de
son prochain que celui de ses fermiers ou de ses ouvriers agricoles.
Cette
vie est en pleine opposition avec celle de la plupart des contemporains de
son e monde », de sa condition.
L'ideal de la noblesse, de la haute bour-
geoisie francaises, sous Vanden regime, surtout depuis Louis XIV, c'est
d'obtenir des « graces » ou d'acheter des « offices »; en somme, vivre du
budget public et obtenir le plus de rentes possible en travaillant le moins
possible.
En agissant ainsi, Montesquieu n'est pas seulement guide par ses gouts
personnels, ni meme par ses interets.
Penseur, sociologue, it a des principes,
nes de l'observation et de la reflexion et it commence par les appliques a sa
propre conduite.
Il estime que la veritable richesse s'acquiert - pour l'individu, comme
pour la societe - par l'exploitation de la nature beaucoup plus que par celle de l'humanite.
Principe que l'histoire n'a pas toujours confirme,
beaucoup s'etant enrichis en speculant sur le labeur humain, sur la vie hu-
maine meme, mais principe sain et de haute moralite.
On sait combien
Montesquieu a fait pour hater la cessation du honteux esclavage - celui
des tours, et l'autre, celui des negres.
Certes l'exploitation de la nature - directe par l'agriculture et les
branches s'y rapportant, indirecte par le commerce, l'industrie - est plus
legitime, plus morale que l'exploitation de l'humanite - directe par
l'esclavage, indirecte par les professions qui vivent exclusivement d'un
labeur sur lequel elles n'ont aucun droit naturel(courtisans).
Or, an
temps de Montesquieu, tandis que le gentilhoinme, le gentleman anglais
s'enrichit par le commerce, le grand commerce, les nobles francais s'appau-
vrissent par la manie des fonctions et le sot prejuge qu'un homme « bien
ne », instruit, deroge en s'occupant de negoce ou d'industrie, ou en cul-
tivant ses terres.
Aussi la puissance anglaise s'affirme-t-elle, s'accroit-elle au xvm° siècle d'une facon inouie.
L'empire britannique, par l'exploita-
tion de la nature sous tons les climats, s'etend alors au monde entier.
Cependant, la France s'obstine a mepriser la politique realiste des interets,
Chevaleresque, idealiste, elle est tout entiere dans le mot symbolique de
son souverain « Je fais la paix non en marchand, mais en Roi.
» (1748).
Et in peu plus tard, elle abandonne dedaigneusement a sa rivale pratique ces « quelques arpents de neige » dont se souciait si peu Voltaire, et qui
s'appellent le Canada.
Ces faits sont eloquents.
Its prouvent la portee des paroles de Montesquieu.
Ce jugement deborde, en effet, de beaucoup la personne de son auteur,
non seulement dans son siecle, mais dans le notre, et dans tous les sieeles.
II.
Le mot (sole de son auteur et de son temps.
Il n'y a plus de Cour; le nom du moins a disparu.
Mais n'y a-t-il pas, de
nos jours encore (et en depit de la forme democratique du gouverh2ment
de la France), des faveurs officielles, des rubans, des places, des a bureaux
de tabac », et tout ce qui Pon a synthetise dans cette expression imagee :
l'assiette au beurre », autour desquels on intrigue comme aux plus beaux
jours de la royaute? - II fut un temps oft les jeunes Francais consideraient
le fonctionnarisme comme une arche sainte dans laquelle, apres avoir
acquis de vastes connaissances, les meilleurs s'enfermaient avec &Bees.
mène un train de maison modeste, il pratique la modération et la frugalité,
il ne dépense qu'à bon escient, sans jamais verser dans l'avarice.
C'est
ainsi que cet indépendant .
fait .
« sa fortune », sans autre secours de
son prochain que celui de ses fermiers ou de ses ouvriers agricoles.
Cette
vie est en pleine opposition avec celle de la plupart des contemporains de
son « monde », de sa condition.
L'idéal de la noblesse, de la haute bour
geoisie françaises, sous l'ancien régime, surtout depuis Louis XIV, c'est
d'obtenir des « grâces » ou d'acheter des « offices »; en somme, vivre du
budget public et obtenir le plùs de rentes possible en travaillant le moins
possible.
En agissant ainsi., Montesquieù n'est pas seulement guidé par ses goûts
personnels, ni même par ses intérêts.
Penseur, sociologue, il a des principes,
nés de l'observation et de la réflexion et il commence par les appliquer à·:sa
propre conduite.
Il estime que la véritable richesse s'acquiert - pour l'individu, comme'
J;our
la société - par l'exploitation de la nature beaucoup plus que par
celle de l'humanité.
Principe que l'histoire n'a pas toujours confirmé,
beaucoup s'étant enrichis en spéculant sur le labeur humain, sur· la vie hu
maine même, mais principe sain et de haute moralité.
On sait combien
Montesquieu a fait pour hâter la cessation du honteux esclavage - celui
des cours, et l'autre, celui des nègres.
Certes l'exploitation de la nature - directe par l'agriculture et les
branches s'y rapportant, indirecte par le commerce, l'industrie - est ,plus
légitime, plus morale que l'exploitation de l'humanité - directe par
l'esclavage, indirecte par les professions qui vivent exclusivement d'un
labeur sur lequel elles n'ont aucun droit naturel (courtisans).
Or, au
temps de Montesquieu, tandis que le gentilhomme, le gentleman anglais
s'enrichit par le commerce, le grand commerce, les nobles français s'appau
vrissent par la manie des fonctions et le sot préjugé qu'un homme « bien
né », instruit, déroge en s'occupant de négoce ou d'industrie, ou en cul
tivant ses terres.
Aussi la puissance anglaise s'affirme-t-elle, s'accroît-elle
au xvm" siècle d'une façon inouïe.
L'empire britannique, par l'exploita
tion de la nature sous tous les climats, s'étend alors au monde entier.
Cependant, la France s'obstine à mépriser la politique réaliste des intérêts.
Chevaleresque, idéaliste, elle est tout entière dans le mot symbolique de
son souverain : « Je fais la paix non en marchand, mais en Roi.
» (1748).
Et un peu plus tard, elle abandonne dédaigneusement à sa rivale pratique
ces « quelques arpents de neige » dont se souciait si peu Voltaire, et qui
s'appellent le Canada.
Ces faits sont éloquents.
Ils prouvent la portée des paroles de Montesquieu.
Ce jugement déborde, en effet, de beaucoup la personne de son auteur,
non seulement dans son siècle, mais dans le nôtre, et dans tous les siècles.
II.
Le mot isolé de son auteur et de son temps.
Il n'y a plus de Cour; le nom du moins a disparu.
Mais n'y a-t-il pas, de
nos jours encore (et en dépit de la forme démocratique du gouvern2ment
de la France), des faveurs officielles, des rubans, des places, des «bureaux
de tabac », et tout ce qui l'on a synthétisé dans cette expression imagée :
« l'assiette au beurre », autour desquels on intrigue comme aux plus beaux
jours de la royauté? -Il fut un temps où les jeunes Français considéraient
le fonctionnarisme comme une arche sainte dans laquelle, après avoir
acquis de vastes connaissances, les meilleurs s'enfermaient avec délices..
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