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Expliquer et apprécier ce jugement de d'Alembert dans le Discours préliminaire de l'Encyclopédie

Publié le 17/02/2012

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alembert

Quand on considère les progrès de l'esprit humain depuis la Renaissance, on trouve que ces progrès se sont faits dans l'ordre qu'ils devaient naturellement suivre. On a commencé par l'érudition, continué par les belles-lettres, et fini par la philosophie.

Un mot domine ce jugement synthétique portant sur trois siècles de l'histoire intellectuelle de l'humanité : le mot Progrès. C'est un dogme, pour la plupart des hommes du xviiie siècle, que l'esprit humain ne cesse de progresser. Ce progrès continu, indéfini, leur apparaît comme la loi même de l'histoire. Ils méprisent les objections qui surgissent de toutes parts pour peu que l'on y réfléchisse. Car enfin il s'est produit...

alembert

« pour les intelligences et les consciences.

L'esprit humain, durant ces siecles tenebreux, a ete maintenu dans ses langes par les puissances oppressives du pouvoir royal et du pouvoir ecclesiastrque.

Et nos philosophes sont pleins d'admiration pour ces pionniers de la pensee humaine qui penches sur les chefs -d'oeuvre de Rome et de la Grece, en proie a une vraie fringale de savoir, ont revele une humanite oubliee, sur laquelle ne s'etendait pas l'ombre honnie de la croix. Et voici l'ordre de marche, les etapes de ce progres : erudition, belles- lettres, philosophic...

l'ordre naturel.

Cette derniere expression merite qu'on s'y arrete un instant.

Tous les « philosophes x> de ce temps-la se recom- tiiandent de la nature, quitte a preter a ce mot elastique des sens differents.

Its s'entendent a peu pres tous, par exemple, pour n'admettre plus qu'une religion, une morale naturelles.

Hommes de lettres ou savants authentiques Se penchent sur in nature en ses manifestations diverses pour lui arracher ses secrets.

L'expression ordre naturel est quasi magique; elle opere par elle- tame sur des esprits prevenus.

Point n'est besoin de consulter la realite, les faits consignes dans l'histoire : c'est l'ordre natured, chacun s'incline. Reconnaissons, ici encore, que la logique exigerait qu'il en ffit ainsi.

Quand on vent construire un edifice grandiose, definitif, on commence par amasser des materiaux, puffs on procede selon les lois de l'esthetique - en l'espece, d'une rhetOrique avertie, d'une grammaire rationnelle, s'inspirant de ce qui s'est fait de mieux jadis...

aux temps greCo-romains, reveles par la Re- naissance.

Enfin, dans ce palais splendide, mais vide encore, on installers la reine deStinee a gouverner desormais les esprits : la Philosophie!... D'Alentbert, homme du xvirr siècle, geometre epris de constructions harmo- nieuses et abstraites, encore une fois, ne pouvait penser autrement. ** Si nous examinons maintenant a la lumiere de l'histoire vraie ce juge- ment, quelque peu simpliste, nous constatons qu'il renferme au moins autant d'erreur que de verite. Sans doute le xvr siècle cultiva l'erudition avec une sorte de fureur; et c'est la un des aspects essentiels de la vie de l'esprit chez les Renaissants. Its trouvent une jouissance singuliere a se plonger dans les tresors de ran- lignite jusqu'alors mai connus et snrtout mal interpretes.

Humanistes et traducteurs abondent en France et a l'etranger.

Parmi les premiers, Buck, Ramus, Turnebe, Estienne, Daurat, Scaliger, Muret sont restes en France instement celebres; Erasme, type accompli de l'humaniste, est la gloire de in Hollande; Bessarion, Marsile Ficin et Pic de la Mirandole font honneur 1'Italie, Reuchlin a l'Allemagne, pour ne citer que ceux-la.

Des savants, aujourd'hui oublies, traduisent Homere, Herodote, Platon, Thucydide, Xeno- phon.

Baif traduit Electre et Hecube; Sibilet, 1phigenie; Ronsard, P/ufus; Marot, les Mdamorphoses, etc...

Parmi tous les traducteurs francais, Amyot exerce une influence morale et litteraire considerable et immediate.

Mon- taigne, en particulier, lui doit beaucoup. II semble qu'en ce temps-la tout le monde cultive ait pris au serieux la lettre on le « vieil bonhomme s Gargantua trace a son fils Pantagruel un programme encyclopeclique vraiment gigantesque 1.

Deja cet enthousiasme erudit est une sorte de loi parmi les etudiants quand Pierre de Ronsard et son ami Baif se relaient la nuit pour ne point laisser chomer le texte grec : « Je veux lire en cinq jours l'Iliade d'Homere et lorsque dans son manifeste : Defence et Illustration de la Langue francoise, Joachim du Bellay lance aux Francais ce claironnant appel : « Pillez le temple de Delphes! C'est un vrai pillage, en effet.

Tous les livres de prose ou de vers sont farcis de citations grecques et latines, odes ronsardiennes et Essais de Mon- taigne sont sous le sine de l'erudition.

Les philologues, les grammairiens entreprennent une reforme orthographique de notre langue, basee sur l'etymologie, BaIf vent introduire dans notre prosodic les metres et les procedes antiques; on emprunte a l'antiquite en litterature comme en archi- tecture, des formes d'art, des sujets d'inspiration...

Neanmoins l'erudition, si elle envahit tout, n'est pas tout au xvr siècle.

L'amour de l'art, le culte des belles-lettres, l'etude de l'homme et les idees qu'elle souleve preoccu- 1.

Voir l'expiteation d'un passage esseritiel de cette lettre.

Corrige no 6 (1934-35). pour les intelligences et les consciences.

L'esprit humain, durant ces siècles ténébreux, a été maintenu dans ses lances par les puissances oppressives du pouvoir royal et du pouvoir ecclésiastique.

Et nos philosophes sont pleins d'admiration pour ces pionniers de la pensée humaine qui penchés sur les chefs-d'œuvre de Rome et de la Grèce, en proie à une vraie fringale de savoir, ont révélé une humanité oubliée, sur laquelle ne s'étendait pas l'ombre honnie de la croix.

Et voici l'ordre de marche, les étapes de ce progrès : érudition, belles- lettres, philosophie...

Vordre naturel.

Cette dernière expression mérite qu'on s'y arrête un instant.

Tous les «philosophes» de ce temps-là se recom­ mandent de la nature, quitte à prêter à ce mot élastique des sens différents.

Ils s'entendent à peu près tous, par exemple, pour n'admettre plus qu'une religion, une morale naturelles.

Hommes de lettres ou savants authentiques se penchent sur là nature en ses manifestations diverses pour lui arracher ses secrets.

L'expression ordre naturel est quasi magique; elle opère par elle- même sur des esprits prévenus. Point n'est besoin de consulter la réalité, les faits consignes dans l'histoire : c'est Vordre naturel, chacun s'incline.

Reconnaissons, ici encore, que la logique exigerait qu'il en fût ainsi.

Quand on veut construire un édifice grandiose, définitif, on commence par amasser des matériaux, puis on procède selon les lois de l'esthétique — en l'espèce, d'une rhétorique avertie, d'une grammaire rationnelle, s'inspirant de ce qui s'est fait de mieux jadis... aux temps gréco-romains, révèles par la Re­ naissance. Enfin, dans ce palais splendide, mais vide encore, on installera la reine destinée à gouverner désormais les esprits : la Philosophie!...

B'Alembêrt, homme du xviii e siècle, géomètre épris de constructions harmo­ nieuses et abstraites, encore une fois, ne pouvait penser autrement.

Si nous examinons maintenant à la lumière de l'histoire vraie ce juge­ ment, quelque peu simpliste, nous constatons qu'il renferme au moins autant d'erreur que dê vérité.

Sans doute le xvie siècle cultiva l'érudition avec une sorte de fureur; et c'est là un des aspects essentiels de la vie de l'esprit chez les Renaissants.

Ils trouvent une jouissance singulière à se plonger dans les trésors de l'an­ tiquité jusqu'alors mal connus et surtout mal interprétés. Humanistes et traducteurs abondent en France et à l'étranger. Parmi les premiers, Budé, Ramus, Turnèbe, Estienne, Daurat, Scàliger, Muret sont restés en Francè justement célèbres; Erasme, type accompli de l'humaniste, est la gloire de la Hollande; Bessarion, Marsile Ficin et Pic de la Mirandole font honneur à PItalie, Rêuéhlin à l'Allemagne, pour ne citer que ceux-là.

Des savants, aujourd'hui oubliés, traduisent Homère, Hérodote, Platon, Thucydide, Xéno- phon. Baïf traduit Electre et Hécube; Sibilet, Iphïgénie; Ronsard, PlutM; Marot, les Métamorphoses, etc.. Parmi tous les traducteurs français, Amyot exerce une influence morale et littéraire considérable et immédiate. Mon­ taigne, en particulier, lui doit beaucoup.

ïl semble qu'en ce temps-là tout le monde cultivé ait pris au sérieux la lettre où le « vieil bonhomme » Gargantua trace à son fils Pantagruel un programme encyclopédique vraiment gigantesque 1.

Déjà cet enthousiasme érudit est une sorte de loi parmi les étudiants quand Pierre de Ronsard et son ami Baïf se relaient la nuit pour ne point laisser chômer le texte grec : «Je veux lire en cinq jours l'Iliade d'Homère»...

et lorsque dans soi! manifeste : Deffence et Illustration dé la Langue f.rançoise, Joachim du Bellay lance aux Français ce claironnant appel : « Pillez le temple .

de Delphes ! » G est utt vrai pillage, en effet.

Tous les livres de prose ou de vers sont farcis de citations grecques et latines, odes ronsardiennes et Essais de Mon­ taigne sont sous le signe de l'érudition.

Les philologues, les grammairiens entreprennent une réforme orthographique de notre langue, basée sur l'étymologie, Baïf veut introduire dans notre prosodie les mètres et les procédés antiques; on emprunté à l'antiquité en littérature comme en archi­ tecture, des formes d'art, des sujets d'inspiration... Néanmoins l'érudition, si elle envahit tout, n'est pas tout au xvie siècle. L'amour de l'art, le culte des belles-lettres, l'étude de l'homme et les idées qu'elle soulève préoccu^ 1. Voir l'explication d'un passage essentiel de cette lettre. Corrigé ri0 6 (Î934-35).. »

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