Explication détaillée n° 4 : Ourika, Claire de Duras (1823)
Publié le 25/06/2024
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«
Explication détaillée n° 4 : Ourika, Claire de Duras (1823)
INTRODUCTION
Au début du XIX° siècle, le combat contre les inégalités se poursuit et notamment la lutte contre
l’esclavage, dont la première abolition n’a pas été effective.
Avec son roman Ourika, l’écrivaine Claire de
Duras s’inscrit ainsi dans la continuité des Lumières et des luttes menées par Olympe de Gouges.
Ce court
récit, publié en 1823, narre les cruelles expériences de la jeune Ourika, sénégalaise arrachée à l’esclavage
et élevée en France par Mme la Maréchale de B.
Si l’héroïne a su intégrer les valeurs et les us et coutumes
de l’aristocratie européenne, il n’en demeure pas moins que la société n’est pas prête à lui accorder une
place digne de ce nom, ainsi qu’en témoigne ce passage tiré du chapitre I.
Suite à un bal où sa beauté, son
intelligence et sa grâce ont ébloui tout le monde, Ourika surprend une conversation cruelle entre sa mère
adoptive et l’une de ses amies proches, la marquise de..., par laquelle elle prend pour la première fois
conscience de son destin tragique.
Nous assistons à un moment douloureux de dessillement : Ourika
comprend avec effroi qu’elle ne sera jamais estimée à sa juste valeur par la société blanche.
MOUVEMENTS DU TEXTE
1) l.
1-7 : Le dialogue entre la marquise Mme de… et Mme de B.
au sujet d’Ourika sans qu’elles
se sachent écoutées par cette dernière.
C’est aussi un premier portrait de la jeune fille qui nous
est donné à travers leur discussion.
2) l.
8-14 : bouleversée par ce qu’elle entend, Ourika confie directement au lecteur ses
émotions et sa brutale prise de conscience.
Point de vue interne qui créée une empathie voire
une identification immédiate avec le personnage.
3) l.
15-25 : Retour au dialogue avec l’argumentation raciste implacable de la marquise de… :
Ourika n’a pas sa place dans la société blanche coloniale et raciste, elle sera sévèrement punie
pour avoir grandi en croyant échapper au destin misérable qui lui est réservé.
LECTURE EXPRESSIVE
PROJET DE LECTURE (en choisir un)
Comment, dans cet extrait aussi poignant que révoltant, Claire de Duras dénonce-t-elle le
racisme ?
De quelle manière ce texte cherche-t-il à nous faire prendre conscience de la violence du
racisme ?
Comment cet extrait de roman fait-il d’Ourika un personnage emblématique au service de la
cause anti-raciste ?
En quoi Ourika apparaît-elle ici comme une héroïne pathétique rejetée par un monde cruel et
injuste ?
En quoi ce passage lyrique et tragique est-il aussi un texte argumentatif engagé ?
DEVELOPPEMENT
Rappel de méthode : on attend de vous une explication linéaire, c’est-à-dire qui suive les
mouvements du texte.
Cependant, veillez aussi à organiser vos remarques dans des sous-parties
démontrant chacune une idée importante.
1.
l.
1-7 : La discussion entre les deux aristocrates à propos d’Ourika
1) Un dialogue théâtral qui dramatise la révélation à venir
L’autrice choisit de restituer au Discours direct (DD) les paroles échangées par les deux femmes
sans qu’elles aient conscience d’être écoutées : les guillemets sont absents mais l’on retrouve
toutes les marques du DD : présent d’énonciation, pronoms personnels qui renvoient aux deux
interlocutrices :
- « Pendant que nous sommes seules dit Mme de… à Mme de B, je veux vous parler d’Ourika »
« Hélas ! dit Mme de B.
»
- « Pauvre Ourika ! »
=> intensité de la scène rendue par la ponctuation expressive et le présent d’énonciation.
=> C’est la marquise qui initie le dialogue et l’oriente sur Ourika.
Cette amie de la Maréchale est présentée
dans le passage qui précède comme une femme dure (« raison froide », « esprit tranchant », « positive
jusqu’à la sécheresse », « Inquisitrice », « difficile ») qui suscite une certaine crainte chez Ourika.
« nous sommes seules » (l.
1) => insister sur le fort caractère théâtral de la scène de révélation,
liée à une situation de quiproquo : les deux aristocrates se croient seules, alors qu’elles sont
épiées par le personnage d’Ourika, témoin caché de la scène.
Noter le choix du paravent,
accessoire et objet symbolique souvent utilisé au théâtre : il permet de cacher mais aussi de faire
éclore une vérité.
Ce dispositif théâtral accentue ici le pathos de la scène
2) Un portrait de l’héroïne qui commence de manière très élogieuse…
L’échange mené par la marquise (l.
2-4) commence par brosser avec admiration le portrait tant physique
que moral d’Ourika :
« elle devient charmante », « elle est pleine de talents » (hyperbole), « elle est piquante,
naturelle » : énumération très méliorative des adjectifs qualificatifs + verbes d’état (devient/est)
qui semblent attribuer ces qualités à Ourika sans aucune contrepartie + rythme ternaire (utilisé 2
fois de suite : charmante/formé/comme vous » + pleine de talents/piquante/naturelle) qui
souligne les qualités prisées de la haute société aristocratique (équilibre corps/esprit, valorisation
du « naturel » qui est en fait le produit d’une éducation stricte visant à contrôler le
comportement des femmes).
« son esprit est tout à fait formé, elle causera comme vous » : insistance sur la vivacité et les
qualités intellectuelles et sociales de la jeune fille, comparée à sa mère d’adoption.
Cependant, les qualités d’Ourika ne semblent être rappelées au début de l’échange que pour être
contrebalancées par ses « défauts », dans un raisonnement argumentatif concessif (certes Ourika
est belle, intelligente et parfaitement éduquée, mais elle présente d’autres aspects qui sont à son
désavantage)
3) … mais qui est immédiatement contredit par l’inquiétude des deux femmes
« Mais que deviendra-t-elle ? et enfin qu’en ferez-vous ? » : la conj° de coordination est cruciale
ici, elle marque le mouvement d’opposition suivi par le raisonnement de la marquise, qui semble
sincèrement préoccupée du sort d’Ourika, ainsi que le montre la récurrence des phrases
interrogatives.
Par opposition à la marquise, Mme de B apparaît surtout comme une figure maternelle (« comme
si elle était ma fille » l.
5), tutélaire, protectrice, bienveillante, soucieuse du bonheur d’Ourika :
« Hélas ! dit Mme de B., cette pensée m’occupe souvent, et, je vous l’avoue, toujours avec tristesse : je
l’aime comme si elle était ma fille ; je ferais tout pour la rendre heureuse ; et cependant, lorsque je
réfléchis à sa position, je la trouve sans remède.
Pauvre Ourika ! je la vois seule, pour toujours seule dans
la vie ! »
Procédés du registre pathétique : Interjection (Hélas), ponctuation exclamative (!!), lexique affectif (« fille,
aime, la rendre heureuse) + de la compassion (« avec tristesse », « pauvre Ourika », seule x2)
+ adverbe « cependant » = on retrouve le même mouvement logique que chez la marquise = concession :
certes j’aime O.
comme ma fille, elle a tout pour faire partie de ce monde dans lequel elle a grandi, elle est
une jeune fille accomplie / MAIS elle ne pourra pas être acceptée comme telle et je ne peux rien pour elle.
+ Violence de la négation lexicale « sans remède » (avec préposition sans) qui exprime une situation
inéluctable, qui fait peser tout le poids du tragique sur la jeune héroïne.
TRANSITION VERS II : souligner l’importance et l’ambiguïté de la locution « comme si elle était ma fille » (l.
5) qui prend tout son sens par la suite, puisque le comparatif exhibe l’effroyable paradoxe de la vie
d’Ourika (élevée comme une jeune fille blanche de l’époque, elle ne sera cependant jamais acceptée à
part entière).
Le portrait laudatif se retourne très vite en une condamnation sociale inéluctable.
2.
l.
8-14 : « Tempête sous un crâne » (V.
Hugo) : le monologue intérieur
d’Ourika prenant conscience de sa condition tragique
Passage au monologue intérieur de la jeune fille => identification maximale du lecteur à sa souffrance,
empathie +++ pour le personnage qui nous fait plonger dans le tourbillon intérieur de ses tourments.
1) Un coup du sort tragique qui s’abat brutalement sur la jeune fille
l.
8-9 : « Il me serait impossible de vous peindre l’effet que produisit en moi ce peu de paroles, l’éclair n’est
pas plus prompt » :....
»
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