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Explication des 20 premiers vers des « Plaideurs » de Racine. Commentaire de l'acte premier

Publié le 13/02/2012

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racine

Ma foi ! sur l'avenir bien fou qui se fiera : Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera. Un juge, l'an passé, me prit à son service ; Il m'avait fait venir d'Amiens pour être suisse. Tous ces Normands voulaient se divertir de nous. On apprend à hurler, dit l'autre, avec les loups : Tout Picard que j'étais, j'étais un bon apôtre, Et je faisais claquer mon fouet tout comme un autre. Tous les plus gros monsieurs me parlaient chapeau bas : "Monsieur de Petit−Jean", ah ! gros comme le bras ! Mais sans argent l'honneur n'est qu'une maladie. Ma foi, j'étais un franc portier de comédie : On avait beau heurter et m'ôter son chapeau, On n'entrait pas chez nous sans graisser le marteau. Point d'argent, point de Suisse, et ma porte était close. Il est vrai qu'à Monsieur j'en rendais quelque chose ; Nous comptions quelquefois. On me donnait le soin De fournir la maison de chandelle et de foin ; Mais je n'y perdais rien. Enfin, vaille que vaille, J'aurais sur le marché fort bien fourni la paille.

Le monologue de Petit-Jean, portier du juge Perrin Dandin, ouvre l'unique comédie de Racine: les Plaideurs. Il comporte quarante-huit vers. Nous n'en avons ici que la moitiê à peine; elle peut suffire, à la rigueur, pour nous donner une idée du style comique de l'auteur d'Andromaque, et pour démontrer l'admirable souplesse de son génie....

racine

« Felix Hemon remarque judicieusement : un seul mot est change, et le style comique est devenu style noble., Quand Petit-Jean dit : sur l'avenir bien fou qui se lira, it songe a lui.

Les debuts chez Perrin Dandin furent heureux; it esperait pareil bonheur pour l'avenir, mais celui-ci ne lui apporta que deboires.

Fira, pour fiera, constitue une synerese - contraction de deux voyelles tin une - comine dans vous pairez, devoilment ou gaits.

On en use souvent en poesie. (V.

2).

Le second proverbe employe .par Petit-Jean aurait, croit-on, une origine ecclesiastique.

Certains cures imposaient a leurs paroissiens qui avaient, sans raison, mange gras le vendredi, de faire amende honorable, le dimanche, a la porte de l'eglise.

Presentement, ce vieux dicton confirme et illustre le precedent.

(V.

3).

Nous apprenons ensuite depuis quand notre portier est en fonc- tions et au service de qui it est entre : apres les considerations generales, ou it n'etait pas explicitement question de lui, les applications particulieres et personnelles.

(V.

4).

Le vers suivant est amusant et malicieux.

Le rapprochement des deux mots : Amiens et Suisse provoque le sourire.

Ce n'est pas d'ordinaire en Picardie que l'on va chercher des Suisses!' Une explication historique n'est pent-etre pas inutile.

Les rois de France avaient aupres d'eux des gardes Suisses.

Quand ces soldats avaient atteint rage de la retraite, on les nommait gardiens dans les châteaux royaux.

Its n'y prenaient pas le nom de portiers, mais on continuait a les appeler Suisses.

Les courtisans, « singes du maitre donnerent ce nom a leurs portiers, d'ofi qu'ils vinssent.

Et Perrin Dandin, pour jouer au seigneur, s'est offert le luxe de baptiser Suisse le Picard devenu son concierge.

(V.

5).

Nous apprenons maintenant que in scene *Se paise en Normandie, pays legendaire de la chicane.

Dans tons ces Normands, l'adjectif demons- tratif ces a une valeur meprisante.

Un nouveau trait de caractere peut etre releve dans ce vers : l'esprit de clocher, la Hyalite entre provinces.

Le Normand se gausse du Picard; le Picard declaigne le Normand.

En ce temps-le, les patois provinciaux signalaient aussitot les origines d'un ehacun.

(V.

6).

Encore un proverbe, coupe, cette fois, par un dit l'autre significatif. Racine connait la langue du peuple et l'utilise a bon escient.

Dit l'autre equi- vaut a : comme on dit; le tour est plus concret, plus image, plus familier. Petit-Jean laisse entendre que les Normands ne se moquerent pas longtemps de lui et que, bientht, it fut en mesure de leur en remontrer.

La suite explique comment et en quoi.

(V..7).

Un sourire malin, un clignement d'ceil fripon doivent accompagner l'affirmation contenue dans ce vers.

La forme : tout Picard que j'etais est un gallicisme.

Dans une langue etrangere on le traduirait par : quoique, (encore que) je ne fusse qu'un Picard.

En fait, la Picardie touchant a la Normandie, les differences de langage et de temperament ne sont pas si accentuees qu'on le pourrait deduire des propos de Petit-Jean.

J'etais un bon apotre est encore une «locution toute faite >>, appartenant au fonds populaire.

La Fontaine s'en sert en parlant du chat Grippe-minaud.

Bon apiitre signifie d'ordinaire : qui unit la finesse a la mauvaise foi, qui se pre- sente sous des apparences innocentes, bienveillantes meme et qui cherche uniquement son interet.

Le Picard pretend bien rendre des points sur ce chapitre aux Normands qui le sous-estiment.

(V.

8).

Capable de « hurler avec les loups l'est non moms de faire claquer son fouet tout commie on autre : deux images pour exprimer la meme idee, la seconde apportant toutefois un element nouveau au portrait que le peintre brosse de lui-meme.

Il veut, par cette figure, mettre en lumiere son importance.

Faire claque? son fouet, c'est, en effet, faire l'impor- tant.

Nous voyons les cochers - les conducteurs de coche - d'autrefois, personnages consideres dans les campagnes, entrer dans les villages en faisant claquer leur fouet a bras que veux-tu.

Its ont commence aux approches du hameau, afin que les, paysans accourent sur le seuil de leur maison pour les regarder passer, bouche bee d'admiration.

(V.

9).

Petit-Jean, a si hien « hurls avec les loups et « fait claquer son fouet p, qu'il s'est acquis une consideration rapide, une notoriete universelle. A son arrivee, si on le regardait, c'etait pour se moquer de lui; maintenant toes - et jusqu'aux plus gros monsieurs - ne lui parlent plus que chapeau has.

L'epithete gros = puissant, considerable, le substantif monsieurs, plu- Félix Hémon remarque judicieusement : un seul mot est changé, et le style comique est devenu style nobJe ..

Quand Petit-J~an dit : sur l'avenir bien fou qui se [ira, il songe à lui.

Les débuts chez Perrin Dandin furent heureux; il espérait pareil bonheur pour l'avenir, mais celui-ci ne lui apporta que déboires.

Fîra, pour fier_a, constitue une synérèse - contraction de deux voyelles uri une - comme dans vous pairez, dévoûment ou gaîté.

On en use souvent en poésie.

~V.· 2).

Le .s~co':ld provt;rbl_! emplo~.é .par Pe:tit-Je~n aurait, èr?it;-on, un~ engme ecclesiastique.

Cer~ams cures m1posa1ent a leurs parmss1ens qm avaient, sans raison, mangé gras le vendredi, de faire amende honorable, le dimanche, à la porte de l'église.

Présentement, ce vieux dicton confirme et illustre le précédent.

.

(V.

3).

Nous apprenons ensuite depuis quand notre portier est en fonc­ tions et au service de qui il est entré : après les considérations générales, où il n'était pas explicitement· question de lui, les applications particulières et personnelles.

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(V.

4).

Le vers suivant est amusant et malicieux.

·Le rapprochement des deux mots : Amiens et Suisse provoque le sourire.

Ce n'esi pas d'ordinaire en Picardie que l'on va chercher des Suisses!' Une explication historique n'est peut-être pas inutile.

Les rois de France avaient auprès d'eux des gardes Suisses.

Quand ces soldats avaient atteint l'âge de la retraite, on les nommait gardiens dans les châteaux royaux.

Ils n'y prenaient pas le nom àe portiers, mais on continuait à les appeler Suisses.

Les courtisans, « singes du maître », donnèrent ce nom à leurs.

portiers, d'où qu'ils vinssent.

Et Perrin Dandin, pour jouer au seigneur, s'est offert le luxe de baptiser Suisse le Picard devenu son concierge.

(V.

5).

Nous apprenons maintenant qriè la scène ·se passe en Normandie, pays légendaire de la chicane.

Dans tous ces Normands, l'adje. »

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