Explication de texte, Horace, acte IV, scène 5
Publié le 24/03/2024
Extrait du document
«
Explication de texte, Horace, IV 5, v.
1295 - v.
1322
Introduction:
situation du passage:
L’acte 4 apparaît ici comme le moment de la révélation , après que l’acte 3, consacré à des
questions morales sur le combat, se soit soldé par la fin du duel.
Le début de l’acte 4 est
marqué par la transition entre les fausses informations quant au résultat de l’affrontement, et
la réalité.
Camille apprend donc la mort de son amant, et la victoire de Rome.
Dans un
situation paradoxale, l’angoisse la traverse avant qu’elle offense la victoire de son frère, en
s’acharnant sur son propre sort.
S’enclenche donc un mécanisme tragique: Corneille choisit
de faire s’ouvrir un dialogue entre Horace et sa sœur, qui s’avère devenir violent.
Entre
amour et patriotisme, entre colère, honneur et fierté, le dramaturge essaie de rendre compte
des sentiments intérieurs des deux protagonistes.
La scène 5 de l’acte 4 se consacre donc au retour glorieux de Horace, qui se transforme en
scène de fratricide:
LECTURE
Projet de lecture ou problématisation:
Ce moment de conflit familial et de fratricide incarné par un dialogue constitue un passage
clé qui répond à plusieurs enjeux:
- des enjeux dramatiques: la scène démarre par un dialogue entre le héros tragique et
sa sœur; c’est une scène de conflit, mené par la fierté, l’honneur de Horace, et
déclenché par l’aveu de Camille, qui fait le choix de reconnaître que la victoire de
son frère a déclenché des pleurs.
Le dramatique de la scène permet de dévoiler au
spectateur le caractère colérique de la fierté d’Horace.
-
Des enjeux moraux, psychologiques, métaphysique et politiques: Le théâtre
classique que Corneille propose fait écho à la mission morale de cet art que Aristote
définissait dans la poétique au 4eme siècle avant jésus christ.
Le genre devrait
tendre à la bonne représentation des passions humaines.
Nos deux protagonistes
sont en effet comme des proies face à leurs passions: Horace se change en monstre
en un quart de tour, Camille en victime qui, dans sa détresse, préférerait mourir
plutôt que de subir une vie dans laquelle son frère a tué son amant.
La tragédie de
Corneille met alors en place un dilemme entre famille et patrie, entre la raison et la
folie: la passion de la fierté, de l’orgueil et de la colère d’Horace le fait plonger dans
le vice, pendant que l’amour et la tristesse de Camille la fait elle aussi, tomber dans
le mal et le déshonneur.
Cet enjeu moral montre qu’une psychologie de l’angoisse
survient chez les personnages: Horace, dans l’incompréhension totale de la réaction
de Camille, s’emporte dans son désarroi.
Camille, elle, ne comprend pas pourquoi la
mort de proches mène à la fierté, et la situation au caractère particulier l’angoisse
très fortement.
Nous comprenons alors que l’enjeu politique est éminemment
métaphysique: Corneille, élevé par les jésuites, croit donc au salut par les œuvres et
les bonnes actions: Horace gagne donc le sien en sauvant Rome; les choix
politiques dans la cité amenés par le conflit entre Rome et Albe permet son salut.
Mais ce dernier est bafoué par l’action que Horace commet ensuite.
On comprend
donc qu’un paradoxe se met en place dans la façon d’envisager le salut du héros
tragique: Horace est bloqué entre son amour propre et son lien avec sa sœur, qui
elle est bloquée par sa colère et sa tristesse.
Dès que Horace se rend compte de
l’ingratitude de sa sœur, il se transforme en monstre, et succombe à la haine sans
avoir une once de compassion.
Horace devient en effet un homme en proie à des
pulsions sanguinaires: sa haine le mène au meurtre, au fratricide.
L’horreur de la
scène est donc mise au premier plan: Horace, comme Camille, ont désormais
succombé à leurs passions.
-
Le passage répond aussi à des enjeux esthétiques et poétiques: le récit du meurtre
de Camille par Horace est ici présenté en trois temps: le discours, le dialogue, et puis
l’agitation physique.
Cela donne un effet sur le spectateur qui devient aussi angoissé
que les personnages: La scène le force à se placer d’un côté ou d’un autre, ce qui
provoque cette anxiété.
La vision de ce meurtre le condamne à en être complice, il
est placé comme témoin du fratricide.
Cela peut provoquer chez lui un plaisir
sadique, celui d’être investi dans une scène d’horreur.
Il a le désir de regarder et
d’écouter la suite, malgré son caractère terrible.
Cette esthétique de la vue et de la
voix le rend horrifié.
Le mot horreur dérivant du latin horror qui signifie le
frissonnement, on comprend que Corneille souhaite instaurer une esthétique de la
peur pour le spectateur.
De plus, la mélancolie de Camille renvoie à la nostalgie
omniprésente dans la poésie et donc dans la littérature en vers.
Cette nostalgie, c’est
le retour de la douleur, et elle représente un enjeu poétique inhérent au genre, qui
permet de voir que dès la réflexion, la suite est déjà annoncée; Camille va subir le
retour de cette douleur, mais cette fois de façon physique.
-
Structure de l’extrait: le premier mouvement du vers 1295 au vers 1300, est celui de
l’outrage: Horace, choqué des propos de Camille, l’exhorte à honorer Rome par le présent
d’énonciation puis l’impératif.
Le deuxième mouvement, du vers 1301 au vers 1318 est celui du récit: Camille exprime par
une tirade sa haine envers Rome, en maudissant sa patrie par des phrases exclamatives.
Le troisième mouvement, du vers 1319 au vers 1323 est celui de l’agitation et du
déplacement: à travers les didascalies et le temps de l'impératif, Corneille montre que
l’angoisse que provoque la situation est exprimée par une agitation autant mentale que
physique: la crise atteint son paroxysme, et Horace devient Féminicide et fratricide.
Le premier mouvement nous donne l’image d’un héros inflexible qui est omnibulé par
l’honneur de sa ville.
Au vers 1, afin de fustiger Camille, Horace démarre par une apostrophe, et une interjection:
“o ciel” dans laquelle il prend les dieux pour témoin du déshonneur de sa sœur.
Avec un “o”
lyrique, Corneille permet de mettre en scène une esthétique poétique.
L'acteur du
personnage se retrouve donc obligé d’utiliser une prononciation particulièrement éloquente,
voire chantante.
Ce vers est aussi constitué de 2 phrases exclamatives, qui permettent de
rendre compte de la colère d’Horace, qui pourtant condamne celle de Camille: en
prononçant le groupe de mots “une pareille rage” il montre que pour lui la colère de Camille
est disproportionnée: Corneille lui prête donc une hyperbole, car Horace ne peut pas
réellement savoir si les Dieux n’ont jamais vu une rage aussi forte.
Le guerrier romain est
dans l'incompréhension totale de l’attitude de Camille qui ne contrôlerait pas ses sentiments:
il exprime sa rage, mêlée à un début de folie.
Les vers 2 et 3 changent le passage en tournure interrogative: Horace emploie une question
rhétorique; Camille ne peut pas y répondre car elle est menacée d’une conséquence (crois
tu que je suis insensible à l’outrage?).
Par ces phrases, il lui fait comprendre qu’il ne peut
pas supporter les agressions verbales que Camille a commises lors du monologue de la
scène 4, et surtout lors du dialogue précédant le passage.
Avec “mon sang” Il y a une
métonymie désignant sa famille, ici sa sœur, qui met une fois de plus Camille dans un conflit
de loyauté.
Il montre donc son indignation en la mettant déjà en garde: Horace a probablement déjà en
tête ce qui constitue pour lui la raison: venger Rome des afflictions de sa sœur.
La rime
rage::outrage rappelle la chanson de roland, premiere chanson de geste en france, qui
définissait l’outrage (en ancien français ultrage) comme une “parole contraire à l'honneur
d’un chevalier”: l’honneur du guerrier Romain est en effet bafoué par les paroles de Camille.
Ce dernier nous présente ici ses valeurs, l’honneur et la gloire qui sont en effet celles de
l’empire Romain, autant qu’elles sont importantes dans la France du 17 ème siècle.
Ensuite, par la répétition du mot “aime” à l’impératif, Horace fait signifier à Camille qu’il lui
est supérieur, il demande de soigner sa conduite.
Il demande à camille d’aimer la mort de
son amant: Horace fait preuve de cruauté, ce qui fait sens avec l'étymologie latine du mot,
“crudelitas” qui signifie l’écoulement du sang.
Ce qui fait écho à la suite de la scène, où
comme l’on sait, Horace fera couler le sang de sa sœur.
De plus, le combattant place
Camille dans un conflit de loyauté en lui rappelant par le pronom “nôtre” qu’elle appartient à
la patrie qui a contribué à la mort de son amant, Curiace.
Au vers 5 du passage, le héros tragique rappelle que son adversaire était l’ennemi qu’il
fallait abattre, malgré son lien avec Camille.
Avec le verbe “préférer” il lui impose de
privilégier les sentiments de Rome, et d’oublier ses sentiments, ce qui place sa sœur dans
une réelle angoisse.
Par le groupe de mots “souvenir d’un homme”, Horace est méprisant,
en anonymisant Curiace , le regretté de Camille devient un homme....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Explication de texte Le Barbier de Séville Acte II Scène 7
- Explication d’un extrait de texte BEAUMARCHAIS. Le Mariage de Figaro, Hatier, Paris, 2003, 279 p.. (Acte I, scène 7)
- George Dandin (scène 2 de l'acte II) : Explication de texte
- Explication de texte : Le Barbier de Séville - Acte II Scène 7
- Explication de texte : Le Barbier de Séville - Acte II Scène 7