Étudiez l'itinéraire de Perceval.

« elle tente de l'isoler du monde et de le garder auprès d'elle.

D'une part, elle multiplie les marques d'amour maternel.

La figure de la mère doit constituer le centre autour duquel tout prend son sens.« Beau fils», répète-t-elle volontiers« plus de cent fois» (p.

40).

De l'autre, elle élimine les traces du passé familial.

Le souvenir des ancêtres, chevaliers prestigieux, susciterait une vocation funeste.

Elle ne le dévoile donc que lorsque tout est joué (pp.

41-42).

Le péché du fils Or la fuite peut convenir à une femme âgée meurtrie par son passé, pas à un tout jeune homme orienté vers !'avenir.

Les efforts de la mère sont condamnés à rester vains.

Malgré les apparences, la rencontre de Perceval dans la Gaste Forêt n'a rien d'un événement fortuit.

Qu'elle se produise un matin de printemps, alors que Perceval erre seul sans but précis, c'est là l'image de la jeunesse du héros, du désir neuf et inconnu qui l'envahit.

Qu'elle ait la.force d'une révélation sur Perceval, qu'elle sème dans son esprit le germe envahissant d'une obses­ sion, c'est là la conséquence de la virginité du héros, dont on a toujours maintenu!' esprit en état de jachère.

Par ce qu'on peut appeler une ironie tragique, les efforts de la mère ne font que provoquer ce qu'ils devaient servir à éviter.

Car Perceval, pour suivre la voix du sang dont il vient d'entendre l'appel, ne peut que s'éloigner de celle qui a toujours cherché à !'étouffer.

L'abandon de sa mère, ce péché grave par lequel s'ouvre la destinée de Perceval, apparaît donc comme une fatalité.

Ill.

Le meilleur chevalier du monde Une apparente réussite Après son départ de la Gaste Forêt, Perceval connaît une ascension rapide.

En l'espace des quinze jours qui séparent l'une de l'autre ses deux rencontres avec la cour, il quitte l'état de jeune sauvage pour celui de modèle du chevalier courtois.

Il acquiert d'abord les dehors de la chevalerie (les armes à la cour, les vêtements chez Gomeman), ensuite les manières de la chevalerie (la méthode de combat chez Gomeman, la marche à suivre pour s'illustrer chez Blanchefleur), enfin l'esprit de la courtoisie (avec Blanchefleur, puis face aux gouttes de sang).

Lorsqu'il se voit consacrer par la cour, Perceval peut croire son rêve réalisé: le voilà meilleur chevalier du monde.

Vers une réelle réussite Après son départ de la Gaste Forêt, cependant, Perceval n'est au fond qu'un pécheur.

C'est pourquoi, au moment où la cour ne songe qu'à le couvrir de gloire, la Demoiselle Hideuse vient l'accabler de honte.

Au tableau de sa réussite, l'échec essuyé au Château du Graal est comme une ombre qu'il croit pouvoir dissimuler.

Quand sa cousine, quelque part dans la solitude de la forêt, lui dévoile son péché (p.

99), il fait la sourde oreille.

Mais voilà l'ombre montrée du doigt à tous.

Il ne peut plus simplement ignorer les suites de son péché.

Ainsi, alors qu'autour on se promet!' esprit joyeux de chercher de belles aventures, Perceval «parle autrement» (p.

122) et jure la mort dans l'âme qu'il boira le calice jusqu'à la lie.

Perceval, à son corps défendant, va devoir dépasser sa conception de la chevalerie.

Depuis le début, il n'a eu d'attention que pour les apparences:« C'est ce qu'il voit qui l'intéresse » (p.

38).

Certes, il a fait des progrès : ses actes, ses paroles, ses pensées elles-mêmes s'en ressentent.

Mais il n'a pas compris qu'il faut essentiellement s'occuper de son âme.

Ainsi poursuit-il ses exploits, pendant cinq ans, dans le plus grand oubli de Dieu (pp.

153-154).

Lorsqu'il se voit confesser par l'ermite, Perceval peut à nouveau avoir foi en son rêve: deve­ nir le meilleur chevalier du monde.. »