Étudiez les thèmes et les procédés de la satire dans « De la cour» et « Des grands»
Publié le 10/08/2014
Extrait du document
«
L'art de railler
À la fin des Caractères, La Bruyère écrit: « Si l'on ne goûte point ces caractères, je
m'en étonne, et si on les goûte, je m'en étonne de même.» En effet, la satire de La Bruyère
est faite pour plaire, d'où la première partie de la phrase,
mais aussi pour s'insurger contre
l'immoralité
des hommes, d'où sa seconde partie: le paradoxe de la satire, c'est qu'elle est
censée faire rire l'homme dont elle dénonce
les travers, d'où d'ailleurs l'ambiguïté du des
tinataire des
Caractères, qui est à la fois juge et partie.
Dans une société où le ridicule tue,
La Bruyère s'amuse à dénoncer ces ridicules.
L'ambiguïté du rire
Le rire satirique est complexe, il peut être teinté d'amertume (OC, 30; DG, 26 ou 27) ou
franchement gai (OC, 61).
Parce que les grands sont ceux qui ont le pouvoir de faire le bien
ou le mal, et qu'ils ne font guère de bien, l'amertume est plus présente dans« Des grands».
Ill.
Thèmes et procédés de la satire
Les thèmes traditionnels
La satire, chez La Bruyère, se confond avec un jeu mondain.
Il existe au XVII" siècle
un répertoire codifié de types et de sujets propres à déclencher la verve satirique.
Les femmes,
par exemple, dont La Bruyère raille l'asservissement à la mode dans DC, 74, sont un sujet
traditionnel.
Mais l'auteur
des Caractères élargit les types traditionnels en confiant au per
sonnage concret et contemporain
du courtisan les figures traitées depuis !'Antiquité par la
satire, du parasite (DC, 18; DG, 34) ou de l'hypocrite (DC, 62).
La remarque de OC, 59,
avec les noms et les lieux antiques qu'elle emploie, rappelle les satires d'Horace.
La critique sociale
La Bruyère donne à sa satire un ton plus politique en dénonçant une société vaine où les
apparences sont tout (OC, 81), une société pressée (OC, 19), désordonnée, où les fortunes
et les carrières sont bouleversées par
le seul pouvoir du roi et des grands.
Dans nos chapitres,
l'ambition est jugée absurde, destructrice des liens sociaux et amicaux (OC, 22 ; OC, 62),
de la notion même d'humanité, comme l'est l'argent dans le
chapitre« Des biens de for
tune
».
Alors que la fonction traditionnellement impartie à la satire est de lever les masques,
La Bruyère
nous montre, en particulier à travers les portraits, une société de masques derrière
lesquels
on ne trouve rien, comme si la confusion morale qui régne réduisait les hommes à
néant (voir
OC, 48, où le visage est la seule manière de reconnaître un courtisan qui n'est que
masque).
Il décrit
une société troublée par la perte de sens ; les courtisans qui se tournent
vers le monarque au lieu de
se tourner vers Dieu (DC, 74 et 75).
La variété des procédés
Les procédés de la satire sont étudiés en détail ailleurs (portraits, ironie, théâtralité, comique).
La Bruyère couvre un large champ qui va de la virulence dans l'indignation (dominante dans « Des
Grands »)jusqu'à!' effet comique des portraits burlesques.
Il utilise des procédés brefs et spirituels
comme la définition sèche, la comparaison rapide (avec les jeux d'échec et de dames dans OC,
64, et avec une montre dans OC, 65), ou des procédés rattachés à la fiction comme le dialogue
(OC, 86), le monologue (OC, 66), le récit (OC, 68), la description (OC, 63 où, comme dans OC,
74, la perspective est celle du voyage dans un pays imaginaire) et le portrait.
À travers cette variété, le but poursuivi est de plaire en instruisant.
La Bruyère semble
le plus souvent donner
le dernier mot au moraliste et au jugement sévère, mais, dans le détail,
c'est souvent
le plaisir de railler qui l'emporte..
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